Notation d’accords : 7#5 ou 7b13 ? L’erreur à ne surtout pas commettre

Trop, c’est trop !!
S’il y a bien une chose qui m’énerve au plus haut point avec le Realbook, ce sont les nombreuses erreurs de notation d’accords qu’il renferme. Improviser sur les grilles des standards est déjà une discipline complexe, si, en plus, la notation d’accords se révèle trompeuse… Bonjour les dégâts. Quand je pense à combien de Jazzmen.women en herbe se sont sentis démunis devant autant de difficulté…

Alors ça suffit, aujourd’hui, attaquons nous au coeur du problème, en dissipant une fois pour toute la confusion entre les accords de couleur 7#5 et 7b13 !

7#5 ou 7b13 : D’où provient la confusion ?

Posons les bases. Voici un accord de couleur 7#5 :

Cet accord est de couleur 7, avec une quinte augmentée, voici son échelle d’intervalles complète : Fondamentale, 3ce majeure, 5te augmentée, 7e mineure.
On chiffre aussi cet accord 7aug, ou 7+.

Voici maintenant un accord 7b13 :

Cet accord est de couleur 7 avec une extension, la 13e mineure, son échelle complète est la suivante : Fondamentale, 3ce majeure, 5te juste, 7e mineure, 13e mineure.

Nous avons d’un côté une tétrade, et de l’autre un accord à 5 sons. À priori, pas de raison apparente de les confondre, donc… Mais c’est oublier qu’en pratique, on joue souvent un accord de couleur 7 sans sa quinte, et 7b13 n’échappe pas à la règle :

Un accord 7b13(no5) (sans la quinte, donc) est donc exactement la même chose, enharmoniquement parlant, qu’un 7#5. En effet, la quinte augmentée et la sixte ou treizième mineure sont enharmoniques, elles ont la même hauteur, jouées sur la même touche d’un piano. Si nous juxtaposons ces accords, nous n’entendons pas de différence entre les deux :

Vous voyez mieux pourquoi on a vite fait de les confondre ?

Mais quel est le problème, au juste ?

Comme nous allons le voir, les accords 7#5 et 7b13 ne proviennent pas du tout des même modes ! Et, en plus d’être théoriquement incorrect, écrire par erreur un accord 7#5 à la place d’un 7b13 peut mener à de la perplexité au moment de déchiffrer la grille, si nous sommes habitués.ées à la bonne notation.

Étudions cela de plus près.

7#5 , qu’est-ce que c’est ?

Si on essaye de reconstituer un mode à partir des notes de l’accord 7#5, on se rend compte qu’il nous manque quelques informations. Les modes ayant traditionnellement 7 notes, nous n’en avons ici que 4 :

Cependant, c’est assez pour deviner le mode qui se cache derrière cette notation. Vous l’avez ?

En fait, la réponse se trouve au niveau de la 6te. En effet, entourée par les 5te augmentée et 7e mineure, notre 6te ne peut qu’être majeure. Or, avez vous déjà entendu un mode qui se termine comme ceci ?

Ce n’est vraiment pas beau, aucune gamme utilisée en jazz ne se finit ainsi ! Il ne nous reste donc qu’une seule solution, radicale : se débarrasser de la 6te !!!

Voici le résultat. Voyez-vous où je veux en venir ?

Si on ajoute une 9e majeure et une 4te augmentée à ce mode, cela nous donne… La gamme par tons !

Si vous ne la connaissez pas déjà, vous vous souviendrez facilement de la gamme par tons. L’intervalle entre ses notes conjointes est toujours le même : 1 ton !

Voilà donc d’où proviennent les accords 7#5 (ou 9#5, 9#5#11 si on ajoute les extensions).

Quelle est la bonne manière d’utiliser l’accord 7#5 ?

La gamme par tons est peu utilisée en jazz.
Voici un des rares contextes où son utilisation est requise :
L’enrichissement d’un accord 7 avec par dessus une mélodie contenant une 2nde (ou 9e) majeure et une 5te augmentée.

C’est le cas à la fin du B du standard I’ll Be Seeing You :

Par ailleurs, la gamme par tons est présente dans la musique de Duke Ellington, Art Tatum, Thelonious Monk… Des jazzmen ayant multiplié les expériences harmoniques pour repousser les limites du swing.

Si vous souhaitez utiliser la gamme par tons dans un arrangement ou une composition, soyez bien clair dans votre notation. Précisez la nature complète de l’accord, soit 9#5(#11), ou 7#5 avec la mention « gamme par tons » au-dessus.

Maintenant que vous êtes familier.ère avec la couleur 7#5, qu’en est-il des accords 7b13 ?

7b13, qu’est-ce que c’est ?

Si vous avez lu mes articles sur la tonalité mineure, cette couleur doit vous dire quelque chose… Généralement, 7b13 est le diminutif de 7b9b13, une couleur qui provient du mode mixolydien b9b13 :

Ce mode est joué basiquement sur les Ve degrés de tonalité mineure, et donne une couleur 7b9b13, plutôt tendue.

Ceci en tête, prenez par exemple la partition de Cheesecake, une sorte de blues mineur enrichi composé par Dexter Gordon. Prêtez une attention toute particulière aux accords 7, notamment.

(Je précise que nous sommes en Do mineur, D-7b5 est le second degré et G7 le cinquième.)

Ne voyez-vous pas ce qui cloche ??

… Pour tous les ii V i mineurs, le Ve degré a une couleur +7 (une autre notation pour 7#5), et non 7b13 ou 7b9b13 !

C’est un problème, car si vous écoutez le disque, les musiciens ne jouent absolument pas la gamme par tons à ces endroits !

De plus, jetez un oeil à la 2e mesure : la mélodie contient une quinte juste ! L’accord écrit au-dessus ne peut donc pas être une couleur 7#5 (qui implique une quinte augmentée !), c’est forcément une erreur.

Donc, à chaque fois que vous croiserez un accord 7#5 dans une grille, posez-vous cette question :

« Quelle est la fonction de cet accord ? »

Si c’est un Ve degré de tonalité mineure, alors la notation 7#5 est presque forcément une erreur, et il faut que vous corrigiez la partition avant d’improviser/accompagner.

Pour éviter toute confusion, dans vos arrangements et compositions, notez 7b9b13 voire simplement 7b9 pour désigner un Ve degré mineur.

Qu’en est-il des accords 7#5#9, alors ?

En faisant mes recherches, j’ai aussi rencontré dans certaines grilles des accords 7#5#9, ou même 7#5b9.
Ces accords sont aussi des aberrations de notation, mais concernent cette fois-ci le mode Altéré.

Si vous avez lu mon E-book gratuit Les Fiches d’Identité des Modes, vous connaissez le mode Altéré. On l’utilise en substitution du mode mixolydien b9b13 pour jouer les Ve degré de tonalité mineure.

Comme je l’avais aussi expliqué dans cet article, son échelle d’intervalle originelle a besoin d’être retravaillée pour correspondre à son utilisation en jazz.

Ainsi, d’un mode mineur comportant une 4te diminuée…

… Il devient un mode majeur, la 4te diminuée correspondant enharmoniquement à une 3ce majeure :

(J’avance rapidement sur ce sujet, si vous avez besoin que je vous l’explique plus en détail, consultez mon cours complet sur l’Harmonie Jazz)

Si nous construisons un accord à partir du mode Altéré, nous aurons une couleur 7b9#9#11b3 (sans quinte). Pour simplifier ce véritable numéro de téléphone (!), les jazzmen utilisent l’abréviation « 7alt ».

Imaginons quelques secondes que vous ayez une forte envie d’intégrer le mode Altéré à une de vos compositions, avec une couleur 7#9b13 :

Imaginons maintenant que vous ne connaissiez pas forcément les subtilités du mode Altéré, et que vous ayez simplement écrit cet accord en le trouvant à l’oreille… Comment le chiffreriez-vous ?

Eh oui, en n’ayant que ces cinq notes en tête, vous noteriez 7#5#9, en corrigeant au passage votre voicing pour qu’il colle au chiffrage (la note La bémol devenant Sol dièse, dans mon exemple) :

Or, cette notation ne correspond à aucun mode ! Vous allez être bien embêté.e quand vous devrez improviser dessus…

Il vaut donc mieux noter notre accord selon les altérations du mode Altéré (7#9b13). Cela nous facilitera la tâche au moment d’improviser, et nous évitera à terme d’avoir à déchiffrer de nombreuses notations différentes se contredisant entre elles.

De manière similaire, les accords 7#5b9 et 7b5b9 sont également des mauvais chiffrages d’accords tirés du mode Altéré.

La bonne notation ? « 7alt », tout simplement !

7#5 ou 7b13 ? Conclusion

Dans cet article, nous avons vu que la confusion entre les couleurs 7#5 et 7b13 provenait de l’enharmonie entre les #5 et b13 de ces accords.
Nous avons ensuite distingué les différents modes de ces deux accords, et leurs fonctions respectives :

  • La couleur 7#5 provient de la gamme par tons, et peut être utilisée pour enrichir un Ve degré majeur quand la mélodie contient une 9e majeure et une 5te augmentée ;
  • La couleur 7b13 provient du mode mixolydien b9b13, réservée originellement au Ve degré de tonalité mineure.

Donc, quand vous rencontrerez un accord qui porte une couleur 7#5 dans une grille, vérifiez si sa fonction n’est pas un Ve degré de tonalité mineure, et corrigez la notation en fonction.
Pour plus de clarté, notez 9#5(#11) pour un accord venant de la gamme par tons et 7b9 ou 7b9b13 pour un accord tiré du mode mixolydien b9b13.

En outre, les notations 7#5#9, 7#5b9, 7b5b9 sont des erreurs de chiffrage d’accords construits à partir du mode Altéré. À noter simplement 7alt.

Voilà, j’espère que cet article a clarifié beaucoup de choses pour vous et qu’il vous évitera des mauvaises surprises au moment d’improviser sur les grilles de jazz. Improviser est avant tout un plaisir, ne laissons pas les mauvaises notations d’accord nous gâcher la vie !

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Lexique essentiel de la Théorie du Jazz 
62 termes à absolument connaître

Ça y est, le jazz vous a piqué au vif et vous vous êtes pris.e de passion pour cette musique ?
Vous avez acheté un instrument et êtes prêt.e à vous lancer dans l’aventure de l’improvisation et du jeu en groupe ??

Malheureusement, vous n’y comprenez rien quand on vous parle d’ »Anatole » ou d’ »Enharmonie » ?
Pas de panique, vous êtes au bon endroit ! Ce lexique recense par ordre alphabétique 62 termes essentiels utilisés quotidiennement dans la pratique du jazz, et vous les explique exemples à l’appui.

Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Terminologie_du_jazz
Le Livre de la Théorie du Jazz de Mark Levine
Jazz Vocal : Techniques, interprétation, improvisation de Jérôme Duvivier

A

A Capella

Jouer un morceau a capella consiste à le jouer seul.e, sans accompagnement.

Cette expression n’est pas seulement réservée aux vocalistes.

Accord

Élément musical consistant en un empilement d’au moins deux notes, jouées simultanément.
L’harmonie tonale se construit à partir d’accords de trois notes (triades) empilées par intervalles de tierce à partir d’une fondamentale (la première note qui donne son nom à l’accord).
La seconde note d’un accord est la tierce car située à un intervalle de tierce de la fondamentale, et la troisième, la quinte car située à un intervalle de quinte de la fondamentale.
Les différentes combinaisons de notes dans les accords donnent différents caractères, impressions auditives qu’on caractérise avec le mot « couleur ».

Par exemple : on parle de couleur majeure si la tierce de l’accord est majeure. Il est mineur s’il contient une tierce mineure.

Un accord peut être écrit/joué dans son état fondamental (la fondamentale est la note la plus grave), ou renversé (une autre note que la fondamentale est la note la plus grave), et avec un voicing spécifique (voir définition ci-dessous).

Les notes d’un accord peuvent être altérées. On se réfère toujours aux accords construits à partir des tonalités majeures ou mineures pour caractériser ces altérations.

Par exemple : Gmaj. On peut trouver dans les grilles, en substitution de cet accord, un G#5. La #5 ou quinte augmentée est une altération, la quinte a été altérée par rapport à son état originel (quinte juste).

Anacrouse (Levée)

Note ou ensemble de notes précédant le premier « temps fort » d’une phrase musicale. En Jazz, on parle plus couramment de levée.

Par exemple : La première phrase de la mélodie du standard de Duke Ellington In a Sentimental Mood part en levée car ses premières notes sont jouées avant le premier temps de première mesure de la section A.

Anatole (Rhythm Changes)

1 : Cadence faisant s’alterner le premier, le sixième, le second et le cinquième degré d’une tonalité majeure. On parle d’anatole mineur si les degrés sont issus de la tonalité mineure.

2 : Morceau. Un Anatole ou une grille de Rhythm Changes est une grille d’accords basée sur le standard de George Gershwin I Got Rhythm. Les sections A de cette grille sont constituées en grande partie de cadences Anatoles décrites ci-dessus, ce qui explique le nom attribué à ce type de grille.

Armure

L’armure d’un morceau correspond aux altérations des différentes notes de sa tonalité par rapport à la tonalité non-altérée de Do Majeur. Ces altérations sont notées en dièses ou en bémol, selon des ordres bien précis, et sont situées au début de chaque portée d’une partition. Sauf indication dans la mesure ou changement d’armure, ces altérations valent pour tout le morceau.

Par exemple : Afin que l’échelle d’intervalles de la gamme de Sol majeur corresponde à celle d’une gamme majeure, sa septième note, la note Fa doit être relevée d’un demi-ton, elle sera donc dièse. Dans un morceau en Sol majeur, chaque Fa sera dièse par défaut, on indique donc un Fa dièse à la clé.

Pour trouver facilement la tonalité d’un morceau grâce à son armure (et inversement), consultez cet article.

Arpège

Figure mélodique correspondant aux notes d’un accord jouées successivement.

Par exemple : Les arpèges de guitare les plus fameux du rock :

B

Basse

1 : Instrument. Le terme « Basse » est utilisé comme raccourci pour désigner l’instrument qui joue les notes les plus graves de l’harmonie dans un groupe. Ce rôle peut être assuré par une Contrebasse, une Basse électrique, la main gauche d’un organiste ou d’un pianiste, un synthétiseur, une clarinette Basse…

2 : Basse d’un accord. La Basse d’un accord est sa note la plus grave. À ne pas confondre avec sa tonique ou sa fondamentale.

Binaire

Désigne la décomposition du temps. Un temps binaire est découpé de manière égale, par multiples de deux. Généralement, un temps va être égal à la valeur rythmique d’une noire. Les subdivisions d’un temps binaire vont être traditionnellement des croches, ou des double-croches.

Le jazz bossa-nova, le jazz-rock, le rock… ont des rythmiques binaires. Le terme binaire s’oppose au ternaire (voir ci-dessous).

(On parle aussi d’horloge rythmique pour désigner les subdivisions du temps).

Par exemple, le rythme rock de base s’insère dans une horloge binaire, dont toutes les subdivisions sont jouées par le charleyston. Ici, le temps correspond à une noire et ses subdivisions à deux croches :

Blue Note

La note caractéristique d’une gamme blues. Une gamme blues est constituée d’une gamme pentatonique (à 5 notes) et une blue note ajoutée. Cette note est dissonante par rapport à l’harmonie, et a un caractère acide caractéristique du son blues.

Par exemple : Les gammes blues majeures et mineures et leurs blue notes :

Gamme Blues Majeure :

Gamme Blues mineure :

Blues

1 : Genre musical. Le blues est un genre musical, vocal et instrumental dérivé des chants de travail des populations afro-américaines subissant la ségrégation raciale aux États-Unis. Le blues est apparu dans le sud des États-Unis au cours du XIXe siècle. C’est traditionnellement un style où un.e chanteur.euse exprime sa tristesse et ses déboires.

2 : Forme musicale. Le terme « Blues » désigne tout morceau basé sur la grille de blues. La grille de Blues comprend 12 mesures et (à l’origine) seulement 3 accords, comme ceci :

Pour plus d’information sur la grille de Blues, consulter cet article.

Bourdon (Pédale)

Une note grave tenue jouée par la Basse sur laquelle on improvise à l’aide d’un ou plusieurs modes. Si un rythme est rajouté à la note d’un bourdon, on parle d’une pédale. Des accords peuvent se succéder sur une pédale.

Par exemple : La pédale de Ve degré de la fin du thème Dear Old Stockholm.

Break (Stop)
  1. Mise-en-place où la rythmique d’un morceau s’arrête d’un coup pour créer le silence. Peut arriver au début d’un solo, on parle d’un stop-chorus.
    Par exemple : le fameux Stop Chorus de Charlie Parker sur A Night in Tunisia.
  2. Un break de batterie désigne une variation de la rythmique jouée à la batterie sur un temps assez court, pour casser la monotonie et relancer l’intérêt de l’auditeur. Le mot « Fill » est aussi approprié.
    Par exemple : Les fills de Batterie d’un spécial de Big Band comme celui de Splanky, de Count Basie.
Bridge (Pont)

La partie centrale d’un morceau AABA, le B. Elle fait le « pont » entre les 2e et 3e parties A, qui sont souvent parfaitement similaires. C’est souvent à cet endroit que se trouvent les changements significatifs d’harmonie et de mélodie du morceau.

Par exemple : Le pont du standard Have You Met Miss Jones.

C

Cadence
  1. Alternance spécifique d’accords faisant entendre des mécanismes de tension et de résolution de l’Harmonie Tonale.
    Par exemple : La cadence parfaite du Ve degré vers le Ier degré, le ii V I… Pour plus d’informations sur les cadences, consulter mon cours complet sur l’Harmonie Jazz.
  2. Moment improvisé à la fin d’un morceau où l’instrument soliste, souvent de manière virtuose, brode autour de la fin du thème pour mieux amener la dernière note du morceau où il est rejoint par la rythmique.
    Par exemple : La cadence de Clifford Brown sur le morceau Once in a While. Les fameuses cadences de Keith Jarrett sur les ballades, assez longues et virtuoses du point de vue harmonique.

Chabada

Le chabada ou cha-ba-da est la figure rythmique de base jouée par le batteur pour accompagner les morceaux de jazz avec une rythmique typée swing. Elle est jouée sur la cymbale ride ou bien la cymbale charleston fermée ou bien ouverte sur les 1er et 3e temps.

Chase (4-4, 8-8…)

On parle de chase (« poursuite » en anglais) quand au moins deux solistes se succèdent, en improvisant tour à tour en se passant le relais toutes les 8 ou 4 mesures. Cette formule, où chaque musicien doit répondre à une phrase improvisée par le précédent en faisant preuve d’inventivité et de virtuosité, est particulièrement stimulante pour les instrumentistes.
L’utilisation la plus commune de cette formule est celle qui permet des échanges entre orchestre et batterie.

On désigne plus couramment les chase par le nombre de mesures qui s’alternent : « 4-4 », « 8-8″…

Par exemple : Les fameux chase de Sonny Rollins et John Coltrane sur Tenor Madness.

Chorus

En anglais, le chorus désigne le refrain d’un morceau.
Les standards issus de chansons de Broadway sont souvent composés d’un premier thème, le verse (une sorte d’« introduction ») suivi d’un deuxième (souvent de 32 mesures de forme AABA ou ABAC) considéré comme le « refrain du morceau », et qui est en fait la partie la plus connue. Les jazzmen.women ayant l’habitude de ne jouer et de n’improviser que sur ce refrain, le mot chorus désigne, par extension, un « thème » (quel qu’il soit).
Prendre un chorus, c’est prendre un solo sur un thème quelle que soit sa structure.

Clave

Un pattern rythmique excédant rarement 2 mesures utilisé en musique cubaine ou brésilienne.
La clave est jouée traditionnellement par les claves, deux cylindres de bois.
Cet instrument est remplacé en jazz par la baguette du batteur en « cross stick » technique reproduisant les sons des claves en posant la baguette à plat sur la peau de la caisse claire et en frappant son cercle.

Par exemple : La clave cubaine son 3 – 2

Clé

Référentiel utilisé pour lire les notes inscrites sur une portée. Les clés les plus utilisées en Jazz sont la clé de sol et la clé de fa. La clé employée dépend de la tessiture de l’instrument pour lequel on écrit.

Par exemple : La clé de Sol place la note Sol sur la deuxième ligne en partant du bas d’une portée.

Coda

Partie arrivant en fin de morceau servant de conclusion. On écrit une coda quand on souhaite un enchaînement harmonique ou une mise-en-place rythmique différents de la grille initiale pour finir le morceau.

Par exemple : La fameuse coda du standard de Thelonious Monk ‘Round Midnight.

Crescendo

Avec une nuance de plus en plus forte. L’inverse est decrescendo.

Cycle des Quintes

Disposition circulaire des 12 notes de la gamme chromatique. Dans le sens des aiguilles d’une montre, chaque note suivante se trouve à une quinte juste ascendante de la précédente. Dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, chaque note suivante se trouve à une quarte ascendante de la précédente (c’est pourquoi on parle aussi de cycle des quartes).

Par Romainbehar — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4138216

On utilise le cycle des quintes (ou quartes) dans notre pratique de travail comme ordre pour transposer gammes, accords, phrases dans toutes les tonalités.
On utilise aussi le cycle des quintes comme outil pédagogique pour visualiser les différents accords à l’aide de formes géométriques crées au milieu du cercle en reliant les différentes notes entre elles.

D

Démarcation/Démarquage

Une démarcation est un thème original écrit sur la grille d’un standard déjà existant. Ce procédé a été en vogue à l’époque du bebop. Les progressions d’accord n’étant pas soumises à copyright, ce procédé permettait notamment aux musiciens d’improviser sur des morceaux connus sans avoir à payer de droits.

Lennie Tristano est un des spécialistes du démarquage. Il a par exemple composé 317 East 32nd et Cool Boogie sur les accords d’Out of Nowhere ou Coolin’ Off sur les accords de Sweet Georgia Brown. On peut citer Charlie Parker qui a composé Ko-Ko, Warming up a riff ou Home Cookin sur Cherokee ou Ornithology sur How High the Moon. Ou Tadd Dameron qui a composé Hot House sur la grille de What Is This Thing Called Love.

Diatonique

Se dit d’un accord ou d’une note qui appartient à la tonalité dans laquelle on se trouve.

Par exemple : La note Do est diatonique par rapport à la tonalité de Do majeur.

Une note qui n’appartient pas à la tonalité dans laquelle on se trouve est chromatique.

Par exemple : La note Do dièse est chromatique par rapport à la tonalité de Do majeur.

Les accords peuvent aussi être diatoniques.

Par exemple : Fmaj7 est diatonique à la tonalité de Do majeur. 

Double Time

Se dit quand on multiplie par deux le tempo du morceau. Le rythme harmonique se retrouve donc accéléré.

On peut aussi doubler le tempo et multiplier par deux la durée des accords et du thème dans ce nouveau tempo. On appelle ce procédé Double Time Feeling, car par rapport à l’origine, le rythme du thème et de la grille paraît inchangé, malgré la sensation de tempo plus rapide.

Par exemple : Dans la version du morceau Jim, l’arrangement comprend un double time feeling au moment du solo de trompette.

Drive

To Drive en anglais signifie conduire, ou diriger. Un bassiste qui « drive » le groupe en prend les rênes au niveau rythmique et le propulse. C’est une bonne chose en Jazz, car quand « ça drive », le tempo ne ralentit pas, ce qui est crucial pour conserver l’énergie et le côté dansant de cette musique.

E

Enharmonique

Deux notes enharmoniques ont la même hauteur mais ne sont pas notées avec le même nom sur une partition.

Par exemple : Les notes Do dièse et Ré bémol sont enharmoniques. Sur un piano, elles peuvent être jouées avec la même touche noire, mais sur une partition, elles ne sont pas notées sur la même ligne.

Les enharmonies s’étendent aussi aux accords.

Par exemple : C#7b13 et Db7b13 sont enharmoniques. 

Comment choisir entre dièse ou bémol ? Cela dépend de la tonalité dans laquelle on se trouve.

Par exemple : Il serait mal venu de noter un accord de Gb7 dans une grille en Si majeur, l’accord F#7 étant diatonique à cette tonalité.

Extensions

Les extensions d’un accord désignent les 9e, 11e, et 13e de l’accord. Un intervalle de 9e par rapport à la fondamentale correspond à un intervalle de 2de + 1 octave. Une 9e est donc une 2nde à l’octave supérieure. La 11e correspond à la 4te une octave supérieure, et la 13e à la 6te.

On utilise l’intervalle de 9e pour signifier que la note correspondante a été empilée au-dessus des tierce, quinte, et septième de l’accord. Ainsi, un accord 9 contient forcément une 3ce, une 5te, et une 7e.

Par défaut, la 3ce est majeure, la 5te est juste, la 7e est mineure, la 9e majeure, la 11e Juste, et la 6te majeure.

Par exemple : Dans une grille, C9 signifie : Do, Mi, Sol, Si bémol, Ré.

Quand notre accord contient une extension mais pas de 7e, il faut noter cette extension à l’octave inférieure, donc 2, 4, et 6.

Par exemple : Dans une grille, C2 signifie : Do, Ré, Mi, Sol.

F

Fake Book (Real Book)

Un Fake Book est une compilation de standards de Jazz sous forme de Lead Sheet (une seule portée avec la mélodie, les accords au-dessus, et quelques indications d’interprétation).
L’appellation vient de l’argot du verbe to Fake qui signifiait improviser en anglais.

Durant les années 70, Le bassiste Steve Swallow et le pianiste Paul Bley ont pris en charge la transcription d’un Real Book nommé de manière humoristique par rapport aux Fake Book. C’est pourquoi leurs compositions et celles d’autres personnes de leur entourage constituent une large partie du Real Book, parmi les standards et les compositions classiques de jazz. Le Real Book était à la base illégal car ne payant pas de redevance aux artistes dont il contenait les compositions, mais est maintenant publié par Hal Leonard.

Fade Out (Fondu)

Désigne une baisse du volume sonore fluide et douce, jusqu’au silence. Les fondus peuvent être plus ou moins abrupts et durer plus ou moins longtemps. Ils sont très utilisés dans la musique populaire pour terminer un morceau.

Par exemple : La fin du morceau Never Gonna Give You Up de Rick Astley se termine en fondu.

Fondamentale

Le terme « fondamentale » désigne la note qui donne son nom à un accord, quelque soit le renversement de l’accord. À ne pas confondre avec la tonique et la basse.

Par exemple : Dans un Cmaj7, la fondamentale est Do.
Mais dans le cas de Cmaj7/G (lire : « Do majeur sept basse Sol »), mon accord est toujours Do majeur 7, sa fondamentale est donc toujours la note Do, mais il a été renversé, sa basse est maintenant Sol.

Quand à la tonique, elle dépend de la tonalité dans laquelle on se trouve et ne change pas quoi qu’il arrive.

G

Grille

Ensemble des accords d’un thème. On parle de grille car ces accords sont fréquemment inscrits dans une grille, chaque case représentant une mesure.

Par exemple : La grille de blues

Groove

Le groove d’un morceau désigne son type de rythmique avec l’intention de jeu.

Par exemple : le groove du morceau The Sidewinder de Lee Morgan est un Boogaloo décontracté.

On dit qu’un instrumentiste « groove » quand il a un bon phrasé, placement, et « time » (tempo qui ne ralentit pas). « Ça groove » quand tous les membres d’un groupe sont parfaitement bien placés et jouent avec la même intention.

I

II V I ou ii V I

Le ii V I désigne la succession des second, cinquième et premier degrés d’une tonalité au sein d’une progression d’accords. C’est une cadence très utilisée en jazz, constituée de deux autres cadences :

  • La demi-cadence : ii V (un accord de fonction sous-dominante vers un accord de fonction dominante) ;
  • La cadence parfaite : V -> I (un accord de fonction dominante vers le premier degré de la tonalité).
Interlude

Section d’un morceau intervenant entre deux de ses parties clé, et contrastant avec elles.

Parfait exemple en jazz : l’interlude qui relie la fin du thème et la section solo dans l’arrangement de ‘Round Midnight de Miles Davis.

Introduction

(Plus ou moins) Courte section située au début d’un morceau servant à en établir l’ambiance et la rythmique.

Par exemple : Retournez ci-dessus et écoutez la célèbre intro de ‘Round Midnight.

J

Jam-Session

La « Jam-Session », aussi appelée « Boeuf » en français, est une réunion spontanée ou organisée de musiciens dans le but de jouer ensemble. Généralement, les musiciens se connaissent peu voire pas, et n’ont pas préparé ensemble le morceau qu’ils s’apprêtent à interpréter.

Il est donc important de s’y préparer individuellement pour être bien à l’aise en situation.

Les jams sont souvent spécialisées autour d’un genre ou un répertoire, on jouera dans une « Jam Jazz » des standards de jazz, dans une « Jam Groove » des morceaux allant du funk à la Soul, ou simplement une progression d’accords répétitive sur un rythme répétitif…

K

Kicks (Mises-en-place, Pêches)

Élément rythmique joué par plusieurs instruments en même temps (souvent la section rythmique) à des fins de contraste par rapport au déroulé rythmique du morceau.

Par exemple, l’interlude de ‘Round Midnight (voir ci-dessus) est composé uniquement de mises-en-place.

L

Legato (Lié)

Mode de jeu consistant à ne pas attaquer les notes, donc à ne pas les séparer entre elles. Cela donne un son doux et permet de jouer plus rapidement, l’attaque nécessitant un mouvement corporel (de langue, de doigts, de gorge…).

Le contraire de legato est staccato, ou notes piquées.

Un legato est noté sur une partition à l’aide d’une liaison reliant les têtes de notes des notes liées. Un staccato est noté avec un point au-dessus ou au-dessous de la tête de la note. Si la note ne doit pas être jouée staccato ou legato, ne rien indiquer.

Lick (Plan)

Une phrase musicale intéressante, qui vaut le coup d’être retranscrite et apprise.

Par exemple, ces 7 licks de grands jazzmen joués sur le blues.

M

Mesure

Unité de découpe de base de la musique occidentale. Une mesure rassemble un certain nombre de temps, plus ou moins accentués (on parle de temps forts ou faibles), qui rythment la musique.

Par exemple : Une mesure avec une métrique 4/4.

Métrique

L’indication de métrique au début d’un morceau désigne sur quelle valeur rythmique se base le morceau, et combien en sont contenues dans une mesure.

Par exemple, l’indication 4/4 signifie qu’il y a 4 noires dans ma mesure. Il y a traditionnellement 4 temps dans une mesure 4/4, le temps correspondant à la noire.

Par contre, l’indication 12/8 signifie qu’il y a 12 croches dans ma mesure. Mais, en 12/8, il n’y a pas 12 temps dans la mesure, on peut choisir de grouper les 12 croches par 2, ce qui donne 6 temps binaires, ou par 3 (4 temps ternaires).

Mode

Ensemble de notes définies selon leurs intervalles par rapport à une tonique (note de référence à partir de laquelle on construit le mode).

Chaque mode a une couleur particulière, et les notes qui le composent peuvent être organisées pour former des lignes mélodiques (des phrases qui constituent un solo ou un thème) ou combinées pour former des accords.
Les modes sont traditionnellement présentés sous forme de gammes.
Plus d’infos sur les Modes dans cet article.

Modulation

Changement de tonalité en cours de morceau. On reconnaît une modulation car un nouveau Ier degré est affirmé à l’aide de cadences.

Par exemple : On module dans le B du standard Body & Soul.

Attention, ne pas confondre modulation et interchange modal, plus d’infos dans cet article.

O

Out (Jeu « out »)

Jouer out ou outside the Harmony consiste à jouer d’autres notes que celles contenues dans les accords d’une grille. On peut jouer out de manière intentionnelle, ce qui donne une certaine tension car les membres du groupe paraîtront ne plus jouer ensemble, tension qui sera désamorcée de manière spectaculaire en terminant sa phrase en jouant « in » (inside the Harmony).

Par exemple : La dernière phrase du solo de Woody Shaw sur There Will Never Be Another You est out (il retombe tout de même sur ses pattes à la fin de la phrase en jouant in).

Ostinato

Court motif répété en boucle. Un ostinato peut aussi être une succession d’accords avec un rythme précis, on parle alors deVamp. Les claves sont des ostinatos rythmiques.

Par exemple : le célèbre ostinato de basse d’Acknowledgement, la première partie de l’album A Love Supreme de John Coltrane. Il est d’ailleurs repris à la voix plus tard dans le morceau.
Ou encore le Vamp du morceau
Cantaloupe Island de Herbie Hancock.

P

Phrasé

La manière de s’approprier un élément musical et l’enrichir selon une certaine nuance, articulation, placement, timbre, ou intention de jeu, selon une certaine esthétique musicale.
Le phrasé Jazz désigne des croches swing ternaires, une accentuation des croches en contre-temps, un placement un peu laid-back, etc…

Pour plus d’informations sur le phrasé swing, consulter cet article

Placement

La manière placer un élément musical par rapport au temps. On peut se placer sur le temps, en arrière du temps (jouer Laid Back), ou en avant du temps.
Plusieurs placements peuvent exister au sein d’un même groupe.

Par exemple : la contrebasse joue traditionnellement en avant du temps, et l’instrument soliste en arrière du temps.

Pour plus d’informations sur le placement, consulter cet article.

Point d’orgue

Prolongation d’une note ou d’un accord menant souvent à un silence, ce qui créé une certaine tension.

Par exemple : Les musiciens jouent un point d’orgue sur la première note du standard On the Sunny Side of the Street (version de Dizzy Gillespie).

Pompe

Manière d’accompagner en jouant tous les temps d’une mesure. Dans une mesure à quatre temps, il est possible de jouer la basse de l’accord sur le premier temps, le reste de l’accord sur le second temps, la quinte sur le troisième temps, et le reste de l’accord sur le quatrième temps.

Par exemple : La main gauche de Thelonious Monk dans sa version du morceau Dinah.
L’accompagnement des guitares en jazz manouche s’appelle « pompe manouche ».

R

Riff

Courte phrase mélodique répétée. Les riffs sont très utilisé dans le swing. On peut jouer des riffs derrière un soliste, on appelle ce procédé des backs.

À ne pas confondre avec un ostinato qui se répète en boucle, les riffs quant à eux sont joués ponctuellement.

Par exemple : Les backs des cuivres sur le morceau Blue Train de John Coltrane.

Rubato

Manière de jouer en faisant fluctuer le tempo, ou sans tempo.

Par exemple : Art Tatum joue le standard Smoke Gets in Your Eyes rubato, en accélérant ou ralentissant au gré des phrases, jusqu’à ce qu’il introduise un tempo à 1’20.

Rythme Harmonique

La durée et le placement des accords par rapport au temps.

Par exemple : les accords des 4 premières mesures du standard Autumn Leaves durent 4 temps chacun, et sont placés sur les premiers temps des mesures.

S

Section Rythmique

Tous les instruments qui ne jouent pas la mélodie d’un morceau de jazz font partie de la section rythmique. Ils sont en charge de poser un tapis harmonique et rythmique sous le soliste qui joue le thème. Traditionnellement en jazz, la section rythmique est constituée de la contrebasse, de la batterie, du piano, et s’il y en a une, de la guitare.

Shout Chorus (spécial)

Un spécial est une section mélodique différente du thème intervenant entre le dernier solo et la reprise du thème. Il comporte souvent des mises-en-place, des fills de batterie, des harmonisations de phrases virtuoses…

Par exemple : Le spécial le plus célèbre est sans doute celui du morceau Whisper Not de Benny Golson.

Standard

Un standard est un morceau qui est connu de tous les musiciens de jazz, faisant partie d’un répertoire commun à tous les jazzmen. Il fait l’objet de nombreuses reprises et est joué lors des jam session.

Les standards sont issus de chansons de Broadway écrites durant la première moitié du XXe siècle, ou sont des compositions originales écrites par des jazzmen américains à partir des années 30.

Swing

1 : Genre musical apparu lors des années trente, période aussi appelée musicalement l’ère du Swing ou Swing Era. La Swing Era était l’âge d’or des grands orchestres (big band), dont ceux de Duke Ellington et Count Basie.

2 : Phrasé swing. Manière de phraser les croches de manière inégale, en « faisant rebondir » la croche située sur le contretemps en changeant son placement et son intensité (voir « ternaire » ci-dessous).

Pour plus d’informations sur le phrasé swing, consulter cet article.

Syncope

Figure rythmique placée en contre-temps, c’est à dire ailleurs que sur le temps.

Le Jazz est une musique syncopée, la majorité des départs et fins de phrases se font « en l’air ».
De plus, le phrasé swing accentue la croche en contretemps.

Par exemple : Toutes les fins de phrase du thème et du spécial du morceau Splanky de Neal Hefti sont syncopées.

T

Tag

Une section improvisée en fin de morceau tournant en boucle.

La progression d’accords jouée lors de cette section est souvent appelée turnaround.
Elle met en scène le second degré et le cinquième degré de la tonalité, sensés résoudre sur le Ier degré (ce qui se fera à la toute fin du morceau), puis un autre ii V, mais secondaire, celui du second degré (le premier accord de la progression). La fin de la figure nous fait revenir à son commencement, d’où le nom, turnaround.

Tempo

Vitesse du morceau. Elle est comptabilisée en battements par minute (bpm). En jazz, des noms sont donnés pour désigner des fourchettes de tempo :

Ballade : 50 – 90
Medium : 90 – 180
Medium – Up : 180 – 240
Up : 240 – inf

Ternaire

Désigne la décomposition du temps. Un temps ternaire est découpé de manière inégale, par trois. Le swing, le blues, le rock n’ roll et certaines musiques afro-cubaines sont ternaires.

En Swing, on utilise seulement la première et la troisième subdivision du temps (si le temps équivaut à la noire : la première et la troisième croche).

Pour faciliter la notation, on utilise cette convention :

ou bien :

Cela signifie qu’en swing, deux croches notées de manière binaire seront en fait interprétées comme la première et la troisième croche d’un temps ternaire (symbolisé sur le schéma à l’aide un triolet).
La première croche paraît donc durer plus longtemps que la troisième, ce qui instaure un balancement dans l’horloge de subdivisions.

Un exemple audio de croches swing tiré du spécial de Splanky de Neal Hefti :

Thème

La mélodie du morceau et ses accords.

Tonalité

Système musical ayant pour bases une gamme majeure ou mineure et un centre tonal (une note aussi désignée sous le nom de tonique). À partir de ces deux éléments sont construits des accords qui vont s’alterner selon un ordre bien précis (les cadences), et une mélodie.

Pour plus d’informations sur l’Harmonie Tonale, consultez cet article.

Triade, Tétrade
  • Triade : un accord composé de trois sons (notes différentes).
  • Tétrade : un accord composé de quatre sons.

Attention ! On peut écrire un accord de triade avec 4 notes, si une des notes est répétée.
Par contre, si cette quatrième note est différente des notes de la triade, c’est un « son » en plus, nous aurons donc un tétrade.

Triton

Désigne l’intervalle de 4te augmentée ou de 5te diminuée.

Tutti

Jouer tutti : Jouer tous ensemble, avec tous les instruments du groupe.
« Un tutti » peut aussi désigner un shout chorus.

V

Voicing

La disposition spécifique des notes d’un accord. Certains voicings sont plus utilisés que d’autres.

Par exemple : Ce voicing spécifique d’un accord de Cmaj7 s’appelle drop 2 (on part d’une tétrade et on fait tomber d’une octave la seconde note en partant du haut. Ici, on est parti du second renversement).

W

Walking Bass

Une ligne de basse au rythme régulier avec des notes placées sur tous les temps de la mesure.
Voir cet article pour une démonstration d’une Walking bass.

Conclusion : Lexique essentiel de la Théorie du Jazz

Ce lexique est non-exhaustif, si un terme que vous trouvez essentiel n’y est pas inclus, indiquez-le en commentaire, et je l’ajouterai à la liste.

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Analyse de la Grille de Blues : 6 points clés à bien faire sonner

Ah, la grille de Blues… Sans doute la grille la plus connue et la plus jouée de toute l’histoire du jazz. Depuis le début du XXe siècle, elle s’est progressivement enrichie, creusant un fossé entre sa progression de base avec seulement trois accords et celle couramment jouée aujourd’hui, la variante « jazz » avec les changements d’accords hérités du be-bop.
Si vous avez déjà été en jam, alors il y a de grandes chances pour que vous l’ayez déjà jouée.

La voici, ici en Sol :

Vous devez reconnaître ces accords. Peut-être même les connaissez-vous par coeur.
Mais est-ce que vous les maîtrisez vraiment ? Connaissez-vous leur provenance, les relations qui les lient entre eux ? Et pourquoi est-ce si important ?

Toutes ces questions trouveront leurs réponses dans cet articles. Nous allons analyser la grille de Blues pour y distinguer ces éléments :

Si jamais toutes ces notions sont totalement nouvelles pour vous, consultez en premier lieu les articles dédiés en cliquant sur les liens correspondants. Sinon, celui-ci risque de vous perdre ou d’être trop complexe pour vous, ce serait dommage !

Mais pourquoi analyser un standard ?

L’analyse de la grille d’un standard est une étape clé de la maîtrise d’un morceau de jazz. Elle permet de :

  • Présenter clairement et précisément sa structure pour éviter de se perdre ;
  • Savoir dans quelles tonalités se trouvent les différentes cadences, pour pouvoir jouer horizontalement ;
  • Délimiter ces cadences, pour savoir quelles sont les relations de tension et résolution entre les accords et baser notre improvisation dessus ;
  • (Et donc savoir où commencer et terminer nos phrases, et quelles notes accentuer).

À terme, analyser la grille d’un standard se fait en quelques coups d’oeil, si vous avez un entraînement solide.
Mais, si vous n’avez jamais fait ça de votre vie et n’êtes pas familier.ère avec les gammes et les accords employés en Jazz, cela peut se révéler complexe.

Pour vous aider, j’ai un outil :

Le Schéma de l’Harmonie Tonale

Il est basé sur l’application Mapping Tonal Harmony du développeur MDecks. Il peut se décliner en deux formes :

  1. Le schéma de l’harmonie Majeure
  2. Le Schéma de L’harmonie mineure.

Voici le schéma de l’harmonie Tonale en Do Majeur :

Nous retrouvons les degrés diatoniques de la gammes de Do Majeur, et leurs degrés correspondant en chiffres romains. Majuscules si le degré contient une tierce majeure, minuscule si le degré a une tierce mineure.

J’ai aussi rajouté les dominantes et sous-dominantes secondaires des différents degrés… On pourrait très bien imaginer un schéma comprenant les substitutions tritoniques et les substitutions diminuées à côté de chaque accord 7.

/!\ Si jamais je viens de vous perdre avec ces deux termes, alors vous avez grandement besoin de mon cours Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation.
J’y décris tout le processus d’analyse que je vais exécuter dans quelques instants en présentant pas-à-pas les principales composantes de nos grilles de Jazz. Ce, en plus de proposer de nombreux exercices pour intégrer la théorie directement dans votre jeu.

Revenons à notre Blues :

Analyse de la grille de Blues, 1ère étape : Trouvons la tonalité

Pour trouver la tonalité d’un morceau de Jazz, rien de plus simple. Il faut partir à la recherche du premier degré de notre tonalité, l’endroit où l’harmonie est la plus détendue, où le morceau peut se terminer sans un sentiment d’insatisfaction.

Le premier degré peut être :

  • Majeur : couleur maj7, Maj tout court à 3 sons ou Maj6 ;
  • Mineur : couleur min6, min tout court ou plus rarement min-maj7, mais surtout pas min7 (Cela vous étonne ? Consultez donc cet article).

Généralement, on affirme qu’il suffit d’aller à la fin de la grille pour le trouver. Sauf qu’en Jazz, le dernier accord de la grille est souvent une relance vers le début du thème.

Et c’est le cas pour la grille de blues, que voici :

Le dernier accord est un D7, ce n’est pas notre premier degré. En fait, je vous recommande de regarder en priorité l’avant dernière mesure pour trouver la tonalité d’un standard de Jazz, c’est généralement sur son premier temps que se trouve le premier degré.

Ici, nous avons un G7… Loupé ?

Eh bien non, nous avons bien affaire à une grille de Blues en Sol Majeur. Mais d’où vient cette couleur bizarre pour le premier degré ?

Le premier degré de Blues : un cas particulier

En fait, l’harmonie du Blues se base sur un mix entre les gammes blues mineure et majeure :

Si nous formons un accord à 4 sons avec les notes de ce mélange en partant de la première note, cela donne bien un G7 :

Voici donc la provenance du Ier degré de Blues, ayant une couleur 7. Peut-on retenir d’autres degrés de nos gammes blues ?

Nous allons procéder comme pour la tonalité majeure et sélectionner chaque note du mix de gammes blues de Sol pour en faire les fondamentales de nos nouveaux degré.

Pour assembler ces degrés, il avait suffi dans le cadre de l’harmonie majeure d’empiler des notes de la gamme situées à des intervalles de tierces les unes des autres en partant de la fondamentale.

C’est ce que nous avons fait pour notre premier degré, G7. Or, cela va se révéler un peu plus difficile que prévu pour les autres degrés, car nous avons 2 notes « en trop » dans le mix de gammes : la #2 ou b3, et la #4 ou b5.

Voici les bonnes combinaisons :

Ces accords sont les degrés issus de l’harmonie des gammes blues mélangées. Observons notre grille et voyons si certains accords correspondent :

Analyse de la grille de Blues, 2nde étape : Analyse des degrés diatoniques

Parfait, nous avons déjà bien entamé notre analyse, nous pouvons constater que beaucoup d’accords sont diatoniques à la tonalité de Sol « Blues ».

Et le reste des accords, alors ?

La tonalité de Sol Majeur

Quand on y regarde de plus près, on remarque que la grille de Blues « Jazz » emprunte beaucoup de vocabulaire harmonique à la tonalité de Sol majeur. Dressons les degrés de la tonalité de Sol Majeur.
Rappelez-vous, pour cela :

  1. Nous partons de la gamme de Sol Majeur ;
  2. Chacune de ses notes devient la fondamentale d’un degré ;
  3. Pour construire les degrés, on empile des notes de la gamme situées à des intervalles de tierces les unes des autres, en partant de la fondamentale.

Tant que nous y sommes, nous pouvons classer nos nouveaux degrés dans les trois fonctions de l’harmonie tonale : Tonique, sous-dominante, dominante.

Si l’harmonie est un élastique, alors un degré de fonction dominante va tendre cet élastique de manière insoutenable et va avoir envie de relâcher la pression pour atteindre un état stable, sur un degré de fonction tonique. Un degré de fonction sous-dominante prépare la tension de la fonction dominante, et tend donc un peu l’élastique.

Selon les notes que contiennent les degrés de la tonalité majeure, ils vont plus ou moins tendre l’harmonie.
Dans la tonalité majeure, il y a deux notes instables : La 4te Juste et la 7e Majeure que j’appelle « sensibles ».

Tout degré qui contient la 4te Juste fait partie de la fonction sous-dominante, tout degré contenant la 7e Majeure de fonction dominante.

Ainsi, classons nos degrés sur le schéma que je vous présentais tout à l’heure :

Au fait, je ne prends pas la peine de noter la couleur complète du degré dans la notation en chiffres romains, en tout cas pour les degrés de tonalité majeure.
Nous sommes maintenant familier.ères avec le fonctionnement de la tonalité majeure, gagnons du temps.

Ajoutons au schéma les degrés issus du mix de gammes blues :

Détails sans importance : Bien que les degrés #iv° et #ii° ne contiennent ni 4te Juste, ni 7e Majeure, je les ai classés en fonction sous-dominante, car les altérations qu’ils contiennent ne peuvent pas faire partie de la fonction tonique.
Le Ve degré min7 est un peu une exception, mais même s’il ne contient pas la 7e Majeure de la tonalité, il se trouve tout de même en fonction dominante.

Bien. Revenons à notre grille. Pouvons nous analyser d’autres choses ?

Oui, nous pouvons maintenant analyser D7 et A-7, et indiquer des cadences.

Avez-vous remarqué la flèche qui relie D7 à G7 mesure 10 ? C’est l’indication qu’il y a une cadence parfaite à cet endroit là, le mouvement d’un degré de fonction dominante vers le premier degré.

Également, un crochet relie A-7 de D7 mesure 9. C’est le signe qui indique la relation entre un degré de fonction sous-dominante et et un degré de fonction dominante.
Si jamais il n’y a pas résolution sur le premier degré ensuite, cela s’appelle une demi-cadence.
Même si ici, cette demi-cadence se transforme en cadence parfaite, il est toujours utile d’indiquer le crochet, cela rend les ii V I plus faciles à distinguer au milieu des autres accords.

Enfin, une flèche entremêlée relie le degré IV7 au degré I7 mesure 2. C’est une cadence plagale, le IV7 est de fonction sous-dominante, et est suivi de notre premier degré.

Analysons le reste des accords grâce aux dominantes secondaires :

Analyse de la grille de Blues, 3ème étape : Analyse des dominantes secondaires

Notre analyse de la grille de blues touche à sa fin. Nous allons rajouter les dominantes secondaires à notre schéma de l’harmonie tonale. Mais d’abord, un petit rappel :

Qu’est-ce qu’une dominante secondaire ?

En fait, il est possible d’amener tout degré d’une tonalité par son Ve degré respectif, comme si nous modulions brièvement dans la tonalité où il correspond au premier degré.

Exemple : Nous sommes en Sol majeur. Nous voulons amener notre bVIIe degré Fmaj7 de manière un peu mouvementée.
Considérons un instant que nous sommes en Fa majeur, Fmaj7 est maintenant notre Ier degré de fonction tonique. Son Ve degré de fonction dominante est C7.
Dans notre grille en Sol Majeur, il est donc possible d’utiliser un C7 (non-diatonique à Sol Majeur) pour amener son degré bVII, Fmaj7. C’est ce que l’on appelle une dominante secondaire.
C7 est ici le Ve degré du bVIIe degré, noté ainsi : V/bVII.

Il est aussi possible de faire précéder une dominante secondaire d’une sous-dominante secondaire.
Dans le cadre de mon exemple, je peux utiliser le iind degré de Fa majeur, G-7.
Ainsi, dans ma grille en Sol, j’aurai : G-7 C7 -> Fmaj7, qu’on analyse : ii/bVII V/bVII -> bVII.

Si vous voulez parfaire vos connaissances sur le sujet, j’y ai dédié un article complet.

Autre information capitale, les sous-dominantes et dominantes secondaires de degrés ayant une couleur mineure peuvent porter les couleurs des iind et Ve degrés mineurs, donc respectivement -7b5 et 7b9.

Trouvons maintenant les dominantes et sous-dominantes secondaires de chaque degré de notre schéma.
La méthode pour y arriver ? Compter une quinte ascendante par rapport à la fondamentale du degré diatonique et ajouter une couleur 7 pour la dominante secondaire (7b9 si le degré de résolution a une couleur mineure).
Pour la sous-dominante secondaire, même procédé mais avec un intervalle de 2nde mineure ascendante, et avec la couleur min7 (ou min7b5 si le degré de résolution a une couleur mineure) :

Pouvons-nous maintenant analyser toute notre grille ?

Oui, et nous pouvons même déceler que certains degrés que nous avions analysés précédemment sont également des dominantes ou sous-dominantes secondaires :

Pour plus de confort, je préfère noter seulement la fonction secondaire des degrés qui ont une double fonction, à savoir G7 mesure 4 et B-7b5 mesure 8.
Leurs relations avec les autres degrés de la grille seront plus facile à visualiser quand viendra le moment d’improviser.

En parlant d’improviser, il nous manque une information essentielle pour ce faire :

Analyse de la grille de Blues, dernière étape : Ajouter les modes correspondants aux accords

Vous savez sans doute que nous avons basé notre tonalité de Sol majeur sur la gamme Sol Majeur. Eh bien, cette gamme de Sol majeur, aussi appelée mode ionien, va nous donner sept modes, construits à partir des 7 notes de la gamme. On appelle cet ensemble de modes les « Modes de la gamme majeure ».

Les voici (ici en Do) :

Comme les notes de la gamme correspondent aux fondamentales des degrés de notre tonalité, on peut les relier entre eux et assigner à chaque degré son mode :

  • Au degré I correspond le mode ionien ;
  • Pour le ii le mode dorien ;
  • Le iii le mode phrygien ;
  • Le IV le mode Lydien ;
  • V -> mixolydien ;
  • vi -> aeolien ;
  • vii -> locrien ;

Rapportons cela à notre schéma :

Au fait, certains degrés de notre grille de blues sont issus de l’harmonie du mix des gammes blues majeure et mineure. Comment trouver leurs modes ?

Nous allons aller au plus simple :

  • Au premier degré correspond la gamme blues majeure ;
  • Pour le IV7, nous allons jouer le mode mixolydien, le mode basique des accords 7 ;
  • Quant au #iv°, nous allons lui donner le mode basique pour jouer les accords diminués, le mode diminué ton demi-ton ;

Pourquoi un tel choix ? En fait, il est difficile de construire des modes cohérents avec la gamme blues. Faisons donc au plus simple et choisissons les modes basiques pour jouer ces degrés.

Ramenons toutes ces informations à notre grille :

C’est bon, nous avons une bonne idée de ce qu’il faut jouer sur notre grille. Notre travail d’analyse est terminé, résumons ensemble ce qu’il nous apprend :

Conclusion : Les 6 points clés de la grille de Blues

Délimitons notre grille selon les différentes cadences :

Cela nous donne 6 régions clés :

  1. Mesures 1-3 : I7 IV7 -> I7. Une cadence plagale vers le Ier degré de couleur 7, « bluesifié » ;
  2. Mesures 4-5 : ii/IV V/IV -> IV7. Sous-dominante et dominante secondaires du degré IV avec résolution sur le IV7 ;
  3. Mesures 5-6 : IV, #IV°. Stationnement sur le IVe degré et retour sur le I7 avec un #IV° ;
  4. Mesures 7-8 : I ii ii7b5/ii V7b9/ii -> ii. Mouvement diatonique et atterrissage sur le iind degré grâce aux sous-dominantes et dominantes secondaires ;
  5. Mesures 9-11 : ii V -> I. C’est le moment où vous pouvez caser vos plus beaux plans sur le ii V I !
  6. Mesures 11-12 : I7 V/ii ii V. Un Anatole enrichi de la dominante secondaire du iind degré.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’ai les idées beaucoup plus claires qu’au début de cet article !
Tout ce qu’il me suffit de faire maintenant, c’est appliquer le langage jazz à ces différentes régions en utilisant les bonnes notes pour bien « jouer la grille ».

« Mais Louis, c’est bien beau ce que tu nous dis, mais si on a aucune idée de comment faire pour y arriver ?? »

Alors vous avez besoin de mon cours Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation !

Harmonie Jazz, de la Théorie à l’Improvisation est un cours vidéo complet sur l’Harmonie Jazz (plus de 4h de contenu). En le suivant, vous apprendrez à maîtriser l’Harmonie Majeure, l’Harmonie mineure et les Modes, et je vous donnerai de nombreux exercices pour intégrer la théorie directement à votre jeu.  

Je vous apprendrai pas-à-pas toutes les étapes pour analyser une grille comme je viens de le faire, et vous donnerai des exercices pour faire entendre les notes importantes des cadences, pour apprendre à relier les modes aux accords, etc…

Et sinon, consultez cet article où je propose 7 plans blues issus du jeu des grands jazzmen à jouer sur la grille de Blues. Ils vous seront d’une grande aide en attendant de pouvoir créer vos propres phrases !

Comme d’habitude, n’oubliez pas de partager cet article à vos collègues jazzmen.women qui ne maîtriseraient pas la grille de Blues en profondeur. Il vous suffit d’utiliser les petits boutons en bas à droite.

7 Plans Blues à voler aux grands jazzmen pour mieux jouer le Blues

Si vous lisez assidûment les articles de ce site, vous devez mieux connaître la Théorie qui se cache derrière les gammes et les accords utilisés en Jazz.
Mais si vous voulez vraiment « sonner jazz », il va falloir mettre la main à la pâte et étudier le Langage des grands jazzmen. Pour ce faire, il faut relever des solos, apprendre des plans, les transposer dans les 12 tonalités…

Pour démarrer la machine, nous allons nous intéresser à une grille basique, sans doute la plus jouée en jazz : la grille de Blues. Je vais vous donner 7 plans issus de solos de grands jazzmen qui vont enrichir votre jeu du langage à utiliser sur cette grille précise.

Petit Rappel : Les 6 points cruciaux de la grille de Blues

Dans cet article, je vais partir du principe que vous êtes à l’aise avec les concepts de :

  • Grille de Blues « Jazz » (La grille de blues avec les changements d’accords Be-Bop, voir cet article) ;
  • Gammes Blues Majeure et mineure (Les gammes pentatoniques Majeures et mineures enrichies de Blue Note, j’en parle en détail dans mon cours complet sur l’Harmonie Jazz) ;
  • Gamme Be-Bop (voir cet article) ;

Également, je vais faire référence à de multiples reprises aux 6 points cruciaux de la grille de Blues. Il est impératif que vous compreniez l’harmonie de la grille de Blues Jazz et ses différentes cadences pour saisir les enjeux qui se cachent derrière le vocabulaire harmonie des différents plans.

Par chance, j’ai dédié un article complet sur le sujet. Si vous ne l’avez pas encore lu, ouvrez le lien dans un nouvel onglet et revenez à cet article ensuite.

Remarque : Vous pouvez tout de même suivre cet article sans avoir tous ces pré-requis en tête, et travailler les 7 plans que je vais vous présenter sans vous soucier de mon analyse !

Je vous indique ci-dessous les conclusions de l’analyse, où nous avons divisé les 12 mesures de la grille de Blues en 6 blocs :

Ne prêtez pas attention à l’armure, c’est un oubli de ma part… Il aurait fallu mettre un dièse à la place !
  1. Mesures 1-3 : I7 IV7 -> I7. Une cadence plagale vers le Ier degré de couleur 7, « bluesifié » ;
  2. Mesures 4-5 : ii/IV V/IV -> IV7. Sous-dominante et dominante secondaires du degré IV avec résolution sur le IV7;
  3. Mesures 5-6 : IV, #IV°. Stationnement sur le IVe degré et retour sur le I7 avec un #IV° ;
  4. Mesures 7-8 : I ii ii7b5/ii V7b9/ii -> ii. Mouvement diatonique et atterrissage sur le iind degré grâce aux sous-dominantes et dominantes secondaires ;
  5. Mesures 9-11 : ii V -> I. C’est le moment où vous pouvez caser vos plus beaux plans sur le ii V I !
  6. Mesures 11-12 : I V/ii ii V. Un Anatole enrichi de la dominante secondaire du iind degré.

Voyons maintenant comment les grands jazzmen s’en sortent pour faire sonner ces 6 passage clés.

Plans blues N°1 et N°2 : Harry Sweets Edison sur Sweetcakes

Nous commençons par étudier le jeu d’un de mes trompettistes favoris : Harry « Sweets » Edison (il fait sonner la grille de blues comme personne !).
Voici le plan que j’ai sélectionné, il se trouve au début d’une grille de blues en Ab majeur :

Arrivez-vous à deviner quelle(s) gamme(s) « Sweets » utilise ici ?

En fait, la seule gamme utilisée pour ces trois phrases est la gamme blues majeure de La bémol. La voici :

« Sweets » éclipse ici la 3ce majeure et la 2nde majeure et accentue la Blue note pour relier le début de sa phrase à la Tonique. Observez comment il varie son motif la 3e fois en remplaçant la Sixte par la Tonique et la 5te par la 6te :

C’est un beau plan à se mettre sous les doigts, qui pourra se jouer à tous les tempos.

« Sweets » utilise le même genre de phrase un peu plus tard dans le même morceau, cette fois-ci dans un mouvement ascendant :

Plan N°2

Nous retrouvons la gamme blues au début de la phrase, cette fois-ci avec la 3ce majeure incluse. Mais ce n’est pas le seul matériau harmonique utilisé.

Observez le chromatisme du 3e temps de la 3e mesure (4e mesure si on compte la levée).
Tonique, puis 7e Majeure, puis 7e mineure, cela ne vous dit rien de spécial ?

Oui, c’est bien la gamme Be-Bop dominante de Ab, gamme qui vous est familière si vous avez lu cet article. La voici :

Pour analyser le reste de la phrase, je ne vais pas tenir compte de l’accord de Eb-7, je ne pense pas que « Sweets » l’inclue dans sa phrase.

Pourquoi ?

Ma théorie est ici que le changement de matériau harmonique correspond au changement de point crucial de la grille. En effet, la phrase de « Sweets » fait la jonction entre les points 1 et 2, la cadence plagale du début et le ii V vers le IV.

Pour souligner le ii V, il change de vocabulaire, au lieu de rester « bluesy » comme sur le 1er point, il utilise ici du langage be-bop pour mieux faire entendre les mouvements de tension et résolution du ii V I.

Observez le 4e temps de la mesure 4 (sans compter la levée), la note Sol bémol y est jouée. Elle correspond à la 4te Juste par rapport à Db majeur, notre point d’arrivée. Cette note est caractéristique de la fonction sous-dominante de la tonalité de Db majeur.
Or, en passant sur l’accord de Db7, il utilise cette note en la faisant résoudre vers la note Fa, qui caractérise la fonction tonique de la tonalité de Ré bémol. Ces deux notes induisent le mouvement de cadence parfaite entre Ab7 et Dbmaj7 comme indiqué sur le schéma ci-contre.


Sauf que « Sweets » annonce le Sol bémol dès la fin de la troisième mesure, il prépare donc son arrivée sur le Db7 dès cet instant. En outre, cela correspond clairement à l’endroit où il emploie la gamme Be-Bop de La bémol.

Je pense donc qu’il éclipse le Eb7 et pivote du Ab7 Ier degré de blues au Ab7 Ve degré de Db majeur, en l’anticipant. Comme ceci :

« Sweets » change donc de vocabulaire pour passer du premier au second point crucial de la grille. Ce procédé est très courant, et nous en aurons un autre exemple avec le plan N°5.

Plan blues N°3 Charlie Parker sur Now’s the Time

Avançons et intéressons nous au 3e point crucial, le IVe degré. J’ai sélectionné pour ce faire un plan très court utilisé à de nombreuses reprises par Charlie Parker dans ses solos sur le Blues.
Nous allons voir que sa simplicité apparente renferme quelques surprises. Le voici, dans le cadre d’un Blues en Fa :

Devinez quel est le matériau utilisé par Parker. Bb Blues, Bb mixolydien ? En fait, pas vraiment. À mon avis, son plan est découpé de trois manières :

  1. Fa blues mineur : Au début, les notes Fa Lab Fa sont Tonique et tierce mineure potentielles de la gamme de Fa blues mineure, Fa étant la tonalité de notre blues. Gardez cela dans un coin de votre tête, le plan suivant utilise la même technique, en développant la phrase.
  2. Bb Blues majeur : Si vous suivez bien, vous l’avez reconnu. C’est le même plan que le premier de « Sweets » Edison !
  3. Fa blues majeur : Fa Sol La bémol : Tonique 2nde 2nde aug. Cela pourrait aussi être Bb mixolydien.

Ce qu’on peut retenir de ce plan, c’est qu’il est simple, et efficace. Les trois premières notes, accentuées comme il le fait sonnent vraiment blues, à utiliser sans modération.
J’aime aussi la possibilité de jouer Bb blues majeur à cet endroit. Cela donne des idées : on pourrait imaginer jouer une phrase blues sur les Ier degré des mesures 1 et 3, et jouer cette même phrase sur cette mesure, transposée d’une 4te ascendante…

Plan Blues N°4 Wynton Kelly sur Freddie Freeloader

Regardons de plus près le procédé évoqué dans la partie précédente, à savoir jouer la gamme blues mineure du premier degré sur le IVe degré. Nous allons jeter un oeil sur cette superbe phrase de Wynton Kelly sur Freddie Freeloader, un blues en Si bémol :

Jetez un oeil à la gamme blues mineur de Si bémol. Que remarquez-vous ?

En effet, malgré que l’accord soit un Eb7, Wynton Kelly joue tout le début de sa phrase sur la gamme blues mineure de Si bémol, la tonalité de notre blues.
Pourquoi est-ce que cela fonctionne ? Regardez donc une analyse de la gamme blues par rapport aux accords Eb7 et E° (le #iv° dans un blues en Bb majeur) :

Beaucoup de notes sont donc communes à la gamme et aux deux accords.

En fait, penser sa phrase à partir de la tonalité de notre morceau ou de la cadence dans laquelle on se trouve correspond à une pensée horizontale de l’harmonie.
Cela s’oppose à la pensée verticale, qui consiste à jouer chaque accord en montant ou descendant sa gamme ou son arpège.
Je ne m’étends pas sur le sujet, j’y ai dédié une séquence entière dans mon cours Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation.

Terminons notre plan. Wynton Kelly revient sur le Ier degré, Bb7 en faisant s’alterner Bb blues mineur et Bb blues majeur :

Remarque : Freddie Freeloader est un morceau avec une grille simple qui ne contient pas les mouvements IV #iv° I et I ii ii/ii V/ii. Avec cette harmonie derrière, le plan fonctionne un peu moins bien, mais la puissance du son blues est telle que cela va quand même marcher, cf. la dernière partie)

Une astuce pour les instruments polyphoniques :

Dans le plan ci-dessus, Wynton Kelly harmonise sa phrase basée sur la gamme blues mineure avec la tonique en note supérieure :

Le son de cette harmonisation est très Bluesy car la tonique et la Blue note de la gamme blues mineure sont situées à un triton d’écart, un intervalle hautement dissonant qui définit le son du blues.

Il se sert aussi de cette note pour enrichir le reste de sa phrase qui utilise la gamme blues majeure. Même si cela fonctionne, il pourrait utiliser une autre note pour ce faire, et c’est ce qu’Oscar Peterson va nous montrer.

Plan Blues N°5 Oscar Peterson sur Now’s the Time

Regardez le début de cette phrase d’Oscar Peterson (début d’un blues en Fa) :

Nous retrouvons une harmonisation similaire à celle proposée précédemment par Wynton Kelly. Sauf qu’ici, deux choses changent :

  • La gamme employée est la gamme blues majeure (de Fa ici) ;
  • La note qui harmonise en note supérieure est la Sixte Majeure de cette gamme.

En effet, dans la gamme blues majeure, la note située à un triton de la Blue note est bien… la Sixte :

Donc, si vous improvisez sur la gamme blues mineure, vous pouvez harmoniser avec la Tonique en top note.
Par contre, si vous improvisez avec la gamme blues majeure, privilégiez la Sixte.

D’ailleurs, reprenons la fin du plan de Wynton Kelly avec cette idée en tête :

(Ici joué en Sol au lieu de la tonalité originelle Si bémol)

Ça sonne super aussi, non ?

Jetons un oeil à la fin de la phrase de Peterson. Nous pouvons la découper en 4 segments, que voici :

  1. (Le début basé sur la Gamme Blues majeure de Fa) ;
  2. Une phrase basée sur la gamme blues mineure avec la 3ce majeure incorporée qui fait référence à la gamme blues majeure ;
  3. Un cliché be-bop qui fait penser au début du thème Donna Lee ;
  4. La continuité de la phrase be-bop, utilisant gamme be-bop de Fa sur les premier et deuxième temps, puis le même tracé mélodique chromatique mais à partir de la sixte de la gamme pour atterrir sur la fondamentale de l’accord suivant ;
  5. Fin de la phrase Be-bop avec le vocabulaire de Bb mixolydien et une appogiature Be-bop.

Là encore, le vocabulaire be-bop est utilisé pour passer d’un virage important de la grille à un autre, tel le second plan de « Sweets » Edison vu plus haut.

Plan Blues N°6 Wes Montgomery sur D Natural Blues

Nous sommes maintenant dans le cadre d’un blues en Ré. Observez comment Wes aborde la progression ii/ii V/ii -> ii, notre 4e point névralgique aux mesures 8 et 9 de notre grille de Blues :

J’ai une question pour vous. À votre avis, comment Wes Montgomery s’y prend-il pour réussir à jouer les notes des accords tout en sonnant « bluesy » ?

Eh oui, il utilise les gammes blues, en prenant soin de choisir ses notes en fonction de l’harmonie qui défile :

Analysons ces quatre segments :

  1. Encore une belle manière de manier la Gamme blues ;
  2. Trois notes notes (sans compter l’appogiature) empruntées à la gamme blues mineure ;
  3. Quatre notes de la gamme blues majeure ;
  4. Un mix entre mineur et majeur. Si vous avez bien suivi, c’est l’exact même petit morceau que ce que joue Wynton Kelly dans Freddie Freeloader (4e temps de la 2nde mesure (sans compter la levée)),

Wes Montgomery joue donc Ré blues sur F#-7b5 B7b9 -> E-7… Cette manière d’approcher ce point crucial de la grille correspond encore une fois à une pensée horizontale.

Observons Joe Pass faire de même avec la fin de la grille :

Plan Blues N°7 : Joe Pass sur Joe’s Blues

Nous sommes maintenant dans le cadre d’un blues en Sol, sur les 4 dernières mesures, ce qui correspond à la cadence ii V I. Voici ce que Joe Pass propose :

Encore… Du blues !

Analysons cette phrase en se référant aux gammes blues mineure et majeure de Sol :

  1. Le début de la phrase est certes un arpège de A-9, mais aussi et surtout les notes la gamme blues majeure de Sol ;
  2. Joe Pass descend la gamme blues mineure de Sol sur le D7. Il prend soin d’harmoniser la 4te (par rapport à la note Sol) avec une note triton descendant. Cela donne les notes Do et Fa#, qui correspondent avec les 3ce et 7e du D7. La #4 (par rapport à Sol) qui précède est aussi harmonisée avec un triton, ce qui par rapport à l’accord est une approche chromatique.
  3. Résolution sur la gamme blues majeure, avec le même type d’harmonisation eu triton qui donne les 3ce et 7e de l’accord.
  4. Petite relance avec les notes de la gamme blues mineure.

Jouer blues sur ce ii V fonctionne, car même si la majorité des notes sont communes aux accords et aux gammes blues, cela revient surtout à anticiper la résolution vers le Ier degré.
C’est encore du jeu horizontal : Joe Pass base sa phrase par rapport à la tonalité de la cadence plutôt que ses accords individuels.

Cela nécessite tout de même de bien retomber sur ses pattes, à travailler, donc !

Résumons ce que nous avons appris, et assemblons ces 7 plans blues

Eh bien, ces 7 plans à jouer sur la grille de Blues nous aurons appris beaucoup de choses :

  • On peut jouer blues majeur sur le début de la grille ;
  • On peut utiliser le vocabulaire be-bop (gamme be-bop) de notre tonalité pour aller sur le degré IV7 ;
  • Jouer la gamme blues mineure de notre tonalité sur le IV7 fonctionne, c’est jouer de manière horizontale (on peut en déduire que faire cela fonctionne aussi à la 2nde mesure) ;
  • Mais on peut aussi jouer la gamme blues majeure du IV7 à cet endroit ;
  • Mixer les gammes blues majeure et mineure de notre tonalité sur les 7e et 8e mesures fonctionne aussi (jeu horizontal là encore) ;
  • Même chose sur le ii V I final ;

Partant de ce constat, on dirait qu’on peut jouer blues sur presque toute notre grille !!
Regardez plutôt :

Et le dernier point crucial alors, les deux dernières mesures ? Peut-on jouer blues aussi à cet endroit ? C’est ce que nous allons voir.
Assemblons nos 7 plans de manière à façonner deux grilles complètes, en utilisant le second (celui de Sweets Edison qui utilise la gamme blues majeure) à l’endroit fatidique :

Verdict : ça fonctionne. Allez, à vous de jouer !

Travaillez ces plans pour incorporer le langage des grands jazzmen dans votre jeu. Vous gagnerez au passage les quelques subtilités harmoniques que j’ai analysées tout au long de cet article.

Tous les plans contenant des triolets (Le 4e de Wynton Kelly, le 6e de Wes Montgomery, le 7e de Joe Pass) seront assez difficiles à jouer au dessus de 120 bpm (le tempo auquel je joue mon exemple ci-dessus). Par chance, un paquet de blues se jouent à ce tempo là ou en-dessous : Sandu, Billie’s Bounce, Blue Monk, Freddie Freeloader

Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

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Image de couverture : Oscar Peterson in 1977, Flickr, Tom Marcello (https://www.flickr.com/people/11447043@N00/) Webster, New York, USA. Licence

Comment la gamme Be-Bop règle le problème n°1 des gammes basiques

Vous rêvez de faire de longues phrases be-bop ? De jouer des tripotées de croches avec des chromatismes complexes et virtuoses ? De rendre Charlie Parker fier de l’héritage qu’il a laissé derrière lui ?

Super programme. Mais il faut que je vous prévienne, cela risque de ne pas se passer comme prévu si vous utilisez les gammes basiques : la gamme majeure, le mode mixolydien, etc…

En effet, ces gammes ont à leur essence même un problème majeur qui peut vous empêcher de sonner aussi bien que les plus grands boppeurs. Dans cet article, je vais vous expliquer pourquoi, et comment la gamme be-bop peut nous sauver la mise.

Croches : La hiérarchie des notes dans notre mesure

Prenons une mesure à 4/4, métrique dans laquelle se joue la quasi-totalité des standards.
Notre mesure comporte 4 noires, divisées en 2 croches, ce qui nous donne au total 8 croches.
Jetez un oeil à ce schéma :

La première croche tombe sur le 1er temps, la seconde, sur le « et » du 1er temps (en contretemps donc), la 3e croche tombe sur le 2nd temps, etc…

En fait, les croches qui vont tomber sur les temps vont sembler à l’oreille plus importantes que les croches placées en contretemps. Cette règle s’applique aussi bien aux croches swing qu’aux croches binaires. Laissez-moi vous donner un exemple.

Imaginons que je veuille improviser sur un premier degré majeur avec la gamme majeure correspondante. Ici, je vais prendre Cmaj7 et la gamme de Do majeur. Je vais la jouer avec un rythme de croches :

Voici maintenant la même phrase, mais décalée d’une croche :

Entendez-vous la différence ? La première phrase est bien placée, la seconde, non. Pourquoi ?

Analysons ce qui se passe. Dans mon premier exemple, les notes qui tombent sur le temps sont : Do, Mi, Sol, Si. C’est l’arpège de Do majeur 7, le degré que je cherche à jouer, parfait, donc.
Dans mon second exemple, les notes qui tombent sur les temps sont : Ré, Fa, La, Do. C’est l’arpège de mon second degré, D-7. Ce n’est pourtant pas l’accord sur lequel j’essaie d’improviser, mon premier degré, Cmaj7. Nous avons donc une sensation auditive désagréable, comme si le contenu de ma phrase était « décalé » par rapport à la normale.

Cette règle est aussi valable pour les phrases en double-croches. Les notes qui tombent sur les croches vont être plus importantes que celles qui sont « en l’air ».

Le Problème avec nos gammes classiques

Cette règle maintenant en tête, intéressons nous à la constitution de nos gammes « basiques » : la gamme majeure, la gamme mineure naturelle, le mode mixolydien…

Sans même les avoir sous les yeux, vous pouvez me lister une caractéristiques qu’elles ont en commun. Ce que je cherche à vous faire deviner, c’est qu’elles ont toutes 7 notes.

Cela peut sembler anecdotique, mais c’est pourtant ce qui pose problème lorsqu’on s’attelle à construire des phrases en croches. En effet, je vous disais tout à l’heure que notre mesure comporte huit croches. Si nous montons notre gamme dans un mouvement régulier et pair (conjointement, ou par tierces, ou par quartes…), au bout de 7 notes, nous allons nous retrouver à l’envers !

Regardez plutôt :

Je suis de nouveau en train d’improviser sur un Cmaj7 avec la gamme de Do majeur. Dans ma première mesure, ce sont les notes Do, Mi, Sol et Si qui tombent sur les temps et qui vont paraître les plus importantes. Mais dès que nous dépassons le quota des 7 notes, les notes qui tombent sur le temps sont Ré, Fa, La, et Do, exactement celles qu’on ne veut pas trouver à cette place !

Jamais nous ne pourrons sonner aussi bien que les boppeurs en utilisant nos pauvres gammes à 7 sons… Il faudrait rajouter une note pour que l’équilibre se fasse de nouveau et que nous puissions jouer plus de deux mesures « bien placé »…

La Gamme Be-Bop et son chromatisme ajouté

Nous sommes sauvés, voici la botte secrète des boppeurs, la Gamme Be-Bop. Pour la construire, il vous suffit de prendre la gamme majeure et d’ajouter un chromatisme, une note en plus non contenue dans notre tonalité, ici la 6te mineure par rapport à notre fondamentale :

Si je vous rejoue ma phrase de tout à l’heure, avec le chromatisme en plus :

Les notes qui tombent sur les temps ont légèrement changé par rapport à mon exemple précédent. Nous avons maintenant Do, Mi, Sol, La pour la première mesure et Do, Mi, Sol, La pour la seconde. C’est pour les deux mesures l’arpège de C6, accord tout à fait interchangeable avec l’accord de Cmaj7 (les jazzmen des années 30 jouaient presque exclusivement leurs premier degrés majeurs avec la couleur majeur 6).

La Gamme Be-Bop que je viens de vous présenter est la gamme Be-Bop « Majeure », à jouer sur les accords majeurs, donc. Il en existe deux autres vraiment essentielles à connaître :

Les deux autres Gammes Be-Bop essentielles : Mineure et Dominante

Voici la gamme Be-Bop à jouer sur les accords mineurs :

C’est en fait la gamme mineure mélodique (aussi appelé mode mineur-majeur, une gamme majeure dont la 3ce a été abaissée), avec le chromatisme de la 6te mineure en plus.

Attention, ne jouez pas cette gamme sur un accord mineur avec une 7e mineure (min7 donc).
En effet, ses altérations font entendre un accord -6, avec dans le mode une 7e majeure.
Cette gamme est donc plus appropriée pour jouer les premier degrés de tonalité mineure, qui ont par défaut une couleur min6 ou min-maj7. Si cela ne vous paraît pas clair, jetez donc un oeil à mes articles sur la tonalité mineure.

Je n’ai malheureusement pas trouvé d’exemples d’utilisation de cette gamme dans les improvisations des boppeurs (si vous en avez sous le coude, indiquez-les donc en commentaire !).
En effet, sur les premier degrés mineurs, ces derniers préfèrent jouer mineur mélodique, sans se soucier du chromatisme intégré.

Cependant, cette gamme est très utile pour accompagner les morceaux mineurs, car son harmonisation à quatre voix permet de créer un système bien rôdé où s’alternent accords mineurs 6 renversés et accords diminués (mais ce sera pour un autre article !).

Voici maintenant notre dernière gamme, la gamme be-bop dominante :

Comme son nom l’indique, elle est à jouer sur les accords 7, accords dits « de dominante », cela se vérifie à son échelle d’intervalle. Elle est en effet similaire à celle du mode mixolydien (le mode du Ve degré en tonalité majeure, de fonction dominante, et de couleur 7), avec en chromatisme ajouté une 7e majeure.

Quelques exemples de l’utilisation des gammes Be-bop

Voici un exemple de l’utilisation de la gamme Be-Bop majeure contenu dans la première phrase du thème de Miles Davis Donna Lee :

Voici maintenant une illustration de l’utilisation de la gamme be bop dominante dans le solo de Chet Baker sur Autumn Leaves :

Remarquez comme il utilise le vocabulaire de la gamme be bop du Ve degré dès le début du ii V I, en zappant le second degré. C’est une astuce que nous pouvons lui piquer volontiers.

À noter que dans mes deux exemples, les gammes be-bop sont jouées dans le sens descendant, c’est surtout de haut en bas que vous trouverez cette gamme dans les solos des grands jazzmen.

La Gamme Be-Bop : Résumons

Dans cet article nous avons vu que :

  • En jouant de longues phrases en croches, une hiérarchie s’installe entre les notes. Celles qui tombent sur le temps vont paraître plus importantes que celles en contretemps
  • Nos gammes à 7 sons ont donc un problème : jouées de manière conjointes, au bout de 7 notes, les bonnes notes ne tombent plus sur les temps
  • La gamme Be-Bop et son chromatisme intégré résout ce problème car le nombre de notes qu’elle contient correspond au nombre de croches dans la mesure
  • Les trois gammes Be-Bop essentielles sont : la gamme be-bop majeure (à jouer sur les accords majeurs), la gamme Be-Bop mineure (à jouer sur les accords mineurs), et la gamme Be-Bop dominante (à jouer sur les accords 7)
  • La gamme Be-Bop est surtout jouée de haut en bas, dans le sens descendant.

En plus de sauver les longues et virtuoses phrases de nos solos, la gamme Be-Bop a un son typé qui renvoie à l’âge d’or du Be-Bop. L’employer vous permettra donc de contribuer à perpétrer cet héritage. Longue vie au Be-Bop !

J’espère que cet article vous a été utile. Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

Cet article vous a plu et vous souhaitez en voir d’autres de ce type ? Restez au fait des dernières publications en vous abonnant à la Newsletter :

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Image de couverture : Portrait of Charlie Parker, Tommy Potter, Miles Davis, Dizzy Gillespie and Max Roach, Three Deuces, New York, N.Y. Vers août 1947. Par William P. Gottlieb. Domaine public

L’interchange modal : la technique utile pour renouveler vos compositions

Si vous composez vos propres thèmes de Jazz, vous faites peut-être face à un constat :

« Ma mélodie et mon harmonie tournent autour de ma tonalité/de mon mode de base sans jamais évoluer, c’est plat et monotone. »

Par chance, il existe un procédé simple et efficace pour varier un peu votre harmonie sans pour autant amener un déluge de changements à l’essence de votre morceau.

Cet outil prisé des compositeurs des standards de jazz s’appelle l’interchange modal.
C’est une composante incontournable des grilles que nous jouons au quotidien, et il faut absolument que vous sachiez vous en servir !
Commençons.

L’interchange Modal, qu’est-ce que c’est ?

L’interchange Modal est, dans la grille d’un morceau tonal, l’emprunt rapide d’un ou plusieurs accords à une tonalité ou un mode parallèle à notre tonalité ou mode de départ.
Cela amène alors de nouvelles couleurs dans notre harmonie tout en restant très proche de notre harmonie originelle.

Pas si vite ! Que signifient les termes tonalité et mode parallèles ?

Si vous avez lu mon article sur l’harmonie tonale, vous savez que celle-ci est construite autour de la gamme majeure. De chacune de ses notes peuvent être construits différents degrés, qui ont différentes fonctions tonales selon qu’ils tendent où relâchent la tension harmonique. Ces degrés ont chacun un mode bien précis (lydien, mixolydien, phrygien, aeolien, etc…).

La gamme majeure équivaut au mode ionien, on pourrait donc dire que l’harmonie majeure est en fait l’harmonie du mode ionien.

Partant de ce constat, on peut tout à fait prendre n’importe quel mode et construire une harmonie avec ses différentes notes : écrire les degrés, les classer selon des fonctions…

C’est par exemple ce qui se passe lorsqu’on établit l’harmonie mineure. On prend comme base la gamme mineure naturelle, aussi appelée le mode aeolien, et ses différents degrés.

Maintenant, que désigne le terme mode « parallèle » ?

C’est très simple ! Deux modes sont parallèles dès lors qu’ils ont en commun leurs toniques.
Par exemple, Do ionien et Do phrygien sont parallèles. Do dorien et Do Mixo b6, Do aeolien, Do altéré, etc…

Voici de nouveau la définition de l’interchange modal :

L’interchange Modal est, dans la grille d’un morceau tonal, l’emprunt rapide d’un ou plusieurs accords à une tonalité ou un mode parallèle à notre tonalité ou mode de départ.

Normalement, vous devriez y voir plus clair. Pour bien comprendre, je vais vous donner un exemple avec lequel vous êtes déjà familier.ère.

L’interchange modal fait fonctionner l’harmonie mineure

Comme dit précédemment, l’harmonie mineure se construit à partir du mode aeolien.
Et comme vous le savez également, le mode aeolien a un problème de taille… Il ne contient pas de sensible (7e Majeure par rapport au centre tonal). Cela rend insatisfaisante la cadence parfaite V -> i.

Nous pourrions en rester là… Mais c’est sans compter sur les compositeurs baroques qui ont remarqué que le mode mineur harmonique parallèle contenait, lui, une sensible, et donc un Ve degré qui rend satisfaisante la cadence parfaite.

En empruntant ce Ve degré à la gamme mineure harmonique parallèle pour faire fonctionner l’harmonie aeolienne, les compositeurs font un interchange modal.

L’interchange modal, à quoi sert-il concrètement ?

Nous venons de voir que l’interchange modal permet de rendre fonctionnelle et plus « tonale » l’harmonie mineure. Mais c’est un cas un peu extrême, car il est systématique, et intégré au concept de tonalité mineure.

Intéressons-nous à une utilisation plus courante, en particulier en jazz. Par exemple, dans The Days of Wine and Roses d’Henry Mancini :

Nous sommes en Fa majeur. Analysez quelques secondes les notes de la mélodie avec cette information en tête. Ne remarquez vous pas quelque chose ?

La mélodie de ce thème est entièrement diatonique, elle ne contient que les notes de la tonalité, Fa majeur. Entièrement ? Non, seulement une note se détache du reste. Le Ré bémol de la 7e mesure.

Imaginons quelques secondes que nous venions de composer ce thème, sans cette note qui vient tout chambouler. Nous sommes satisfait, c’est un beau thème, mais il est entièrement diatonique. N’est-ce pas un peu dommage ? Monotone ?

Pourquoi ne pas emprunter des notes un peu exotiques à un mode parallèle, par exemple, mettre un Ré bémol sur cette 7e mesure, et un Eb7#11 en harmonie ?

Ce choix d’accord et de mélodie nous permet de savoir à quel mode parallèle de notre tonalité nous venons de l’emprunter. Arriverez-vous à le retrouver ?

Nous sommes en Fa majeur, nous cherchons un mode parallèle, donc un mode qui commence par la note Fa.
Le Eb7#11 est le degré bVII7 par rapport notre premier degré, Fa quelque-chose. Sa couleur indique un mode Lydien b7, ce qui est confirmé par la mélodie (Do, La, La, Ré bémol, Ré bémol, La, Sol, soit la 13e M, la #11, la 7e m, la 3e M). Dans l’harmonie de quelle mode de Fa le bVII7 est-il Lydien b7 ?

Pour le savoir, il vous suffit de créer une gamme partant de Fa avec les notes du mode de Eb Lydien b7. Cela donne :

Le mode de Fa mixolydien b6. C’est un mode de la gamme mineure mélodique, qu’il vous faut connaître ! Je le décortique dans mon Ebook gratuit Les Fiches d’Identité des Modes.

L’harmonie du mode Mixolydien b6 comprend donc les couleurs d’accords des degrés de la gamme mineure mélodique, si vous les connaissez déjà, vous ne devriez pas être perdu.e. Sinon, pas de panique, c’est moins complexe que ça en a l’air !

Voici donc les différents degrés du mode mixo b6, dont celui qui nous intéresse, le bVII :

Le Ré bémol de la mélodie et son Eb7#11 viennent donc d’un interchange modal avec le mode de Fa mixolydien b6. Toute l’harmonie du thème aurait pu sembler monotone sans cette subtilité, qui vient enrichir sans pour autant détonner avec le contexte.

Remarque :

Henry Mancini n’a sans doute pas procédé de manière aussi analytique. Il n’a sans doute pas passé en revue tous les modes de Fa en listant leurs degrés et testé toutes les idées de mélodie possibles en l’altérant selon les différents modes…
L’idée a dû lui arriver à l’oreille tout de suite, sans avoir besoin de réfléchir.

Sauf que, pour vous qui n’écrivez sans doute pas de thèmes tous les matins au petit déjeuner, et qui n’entendez pas tout de suite de belles possibilités d’harmonisation et d’altération de mélodie, ce genre d’analyse peut se révéler bien utile !

En effet, The Days of Wine and Roses est le parfait exemple d’une harmonie et d’une mélodie simple mais pas simpliste grâce à l’enrichissement subtil amené par l’interchange modal.
Et l’exemple précis avec le degré bVII7 est extrêmement répandu parmi les standards de Jazz !
(Lisez-donc mon article sur le sujet pour vous en rendre compte).

Il n’est donc pas vain d’analyser pour se rendre compte de ce qui marche dans le but d’ensuite réutiliser les recettes apprises chez les plus grands…

Une autre utilisation courante de l’interchange modal

Dans The Days of Wine and Roses, Mancini emprunte le degré bVII7 au mode Mixolydien b6 parallèle. Ce degré est étranger à notre tonalité de départ, qui normalement contient un viie degré bécarre.

Mais il est tout à fait possible d’emprunter des degrés dont les fondamentales existent déjà dans notre harmonie de base. Tout l’intérêt va résider dans les nouvelles altérations que va apporter l’interchange modal aux couleurs de ces accords.

Voici un exemple très courant : l’emprunt à la tonalité mineure parallèle.

Précisément les harmonies des gammes mineures naturelle, harmonique et mélodique confondues.

Intéressons-nous en particulier à la gamme mineure harmonique et ses degrés :

La caractéristique du mode mineur harmonique est l’intervalle entre la sixte mineure et la 7e Majeure : 3 demi-tons, soit une seconde augmentée.

Cela permet entre autres à la gamme mineure harmonique d’avoir un Ve degré de couleur 7, sachant qu’il est courant de préciser que ce degré contient aussi une b9, donc 7b9. Contrairement au Ve degré de de la gamme mineure naturelle qui a une couleur min7, celui-ci tend véritablement l’harmonie pour appeler à une résolution sur le premier degré mineur.

Classons les degrés de cette gamme selon différentes fonctions. Dans cet article, nous avions vu que l’harmonie mineure contenait 3 fonctions caractérisées par la contenance de notes caractéristiques par rapport au centre tonal :

  • La sixte mineure. Cette note est instable par rapport à la quinte (par rapport au centre tonal) et est caractéristique de la famille sous-dominante ;
  • La sensible (7e Maj). Cette note est instable par rapport à la tonique et est caractéristique de la famille dominante.
  • Ou aucune de ces deux notes, auquel cas la fonction du degré est tonique.

Jetons un oeil à nos degrés :

Les degrés ii, iv et bVI ne contiennent que la sixte mineure. Les degrés V et vii contiennent la sensible. Le degré bIII est une exception, il contient lui aussi la sensible, mais a quand même deux pieds bien ancrés dans la fonction tonique. À classer avec le degré i, donc.

Bon, mais à quoi nous servent toutes ces informations ?

Eh bien, si vous êtes en train de composer un morceau majeur et que vous voulez épicer un peu votre harmonie, vous pouvez parfaitement aller chercher dans les notes et les couleurs de ce mode mineur parallèle. C’est ce que fait Victor Young à la fin de Stella by Starlight :

Nous sommes en Bb majeur. Remarquez comme la mélodie du dernier A reste diatonique sauf pour une note, le Sol bémol des 4 dernières mesures. Ce sol bémol est la sixte mineure par rapport à Si bémol, caractéristique du mode mineur harmonique parallèle, ce qui nous indique que nous avons changé de mode brièvement grâce à l’interchange modal.

L’harmonie a aussi changé en conséquence. Notre oreille s’attend à un ii V I en Bb majeur basique :

C-7 F7 -> Bbmaj7

Mais Young nous surprend en altérant ces degrés avec les couleurs mineures harmoniques : -7b5 pour le iind degré et 7b9 pour le Ve.

Mais comment se servir concrètement de l’interchange modal ?

Nous allons nous placer dans le cas de figure où vous êtes en train de composer un morceau dans une tonalité bien établie, et que vous trouvez votre harmonie un peu monotone.

Prenez une partie de votre mélodie que vous souhaitez enrichir, et altérez une ou plusieurs notes, tout en vous demandant dans quel mode parallèle à votre tonalité vous empruntez ces altérations.

Je vais faire cela avec vous en imaginant que je suis en train de composer The Days of Wine and Roses. Je voudrais enrichir une partie particulière du morceau, la dernière phrase avant le retour du A :

J’ai essayé plusieurs possibilités, plus ou moins éloignées de mon centre tonal, mais me suis arrêté sur cette version :

Mon morceau est en Fa majeur. Dans quel mode ai-je basculé ?

En fait, c’est un peu une question piège… La seule altération que j’ai insérée ici est le La bémol, ma tierce, qui devient mineure. Mais je n’ai donné aucune information sur la 5te, la 6te, et la 7e de mon mode. J’ai donc le choix entre différentes possibilités :

  • Fa mineur majeur : 5te juste, 6te Maj et 7e Maj
  • Fa mineur harmonique : 5te juste, 6te min, 7e Maj
  • Fa dorien : 5te juste, 6te Maj, 7e min
  • Fa locrien bécarre 2 : 5te dim, 6te min, 7e min

Avoir autant de choix est un peu embêtant… Nous n’allons pas nous amuser à regarder un à un les 7 degrés de tous ces modes pour déterminer celui qui irait le mieux avec noter mélodie, ce serait long et fastidieux.

Seule solution pour se sortir de ce pétrin : utiliser ses oreilles. Il nous suffit de chanter (ou jouer au piano) tour à tour les différents modes dans le contexte harmonique du morceau et déterminer celui qui nous plaît le plus (ou qui nous choque le moins !).

En pianotant un peu, je découvre que le mode que j’entends le plus dans ce contexte est le mode dorien.

Voici le mode de Fa dorien :

Le mode dorien est le second mode de la gamme majeure. Son harmonie est donc similaire à celle de la gamme majeure, dont la numérotation des degrés est décalée d’une note.

Voici l’harmonie de Fa dorien :

Il ne nous reste plus qu’à trouver des accords qui vont bien avec notre mélodie.
En pianotant un peu, je découvre qu’on peut faire un superbe mouvement ii V I vers Eb Maj :

Ça sonne bien non ?

Voici, concrètement, comment vous pouvez utiliser l’interchange modal pour enrichir votre harmonie facilement.

Une dernière chose

J’ai conscience que vous n’avez peut-être pas tous les modes possibles et imaginables en tête, et que ce genre d’exercice peut vous sembler fastidieux, voire impossible à réaliser.

Pour pallier à cela, je vous recommande d’analyser vos thèmes favoris sous le prisme de l’interchange modal, afin de détecter les endroits où les compositeurs altèrent la tonalité originelle et dans quels modes parallèles ils s’aventurent.

Faire ceci va vous donner une bonne idée des modes qui fonctionnent le mieux et que vous pouvez utiliser dans vos propres compositions. Sur le long terme cela va alimenter votre oreille de compositeur.trice et devenir instinctif.

En attendant, vous pouvez toujours utiliser les harmonies des trois modes que je vous ai montré dans cet article : Mixo b6, mineur Harmonique et dorien.

Résumons ce que nous avons appris grâce à cet article :

  • L’interchange Modal est, dans une grille d’un morceau tonal, l’emprunt rapide d’un ou plusieurs accords à une tonalité ou modalité parallèle à notre tonalité ;
  • Cela a pour action de créer de nouvelles couleurs harmoniques dans notre grille tout en restant très proche de notre tonalité ou mode de départ ;
  • L’harmonie mineure fonctionne grâce à l’interchange modal ;
  • Les compositeurs utilisent l’interchange modal en altérant plus ou moins leurs mélodies, ce qui fait apparaître des accords étrangers à la tonalité dans leurs grilles ;
  • Les degrés de ces accords peuvent être complètement étrangers à l’harmonie de départ (bVII dans un morceau majeur) ou bien être des altérations de degrés existant dans notre harmonie originelle (dans un morceau majeur : ii -> ii7b5 et V -> V7b9).

J’espère que cet article vous aura permis de débloquer vos problèmes d’harmonie pour vos compositions. Ou du moins, d’y voir plus clair sur les grilles des morceaux que vous jouez au quotidien !

Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

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Image de couverture : Henry Mancini, 1970, Ad on page 2 of February 28, 1970 Billboard magazine, RCA Records.

opened brown wooden french door

Le cas délicat de la Backdoor Cadence bVII7 -> I

Si vous avez déjà ouvert un Realbook pour déchiffrer des standards comme There Will Never Be Another You, Stella by Starlight, Just Friends… alors vous avez déjà rencontré une cadence bien spécifique qui a pu vous poser problème. J’ai nommé : La Backdoor Cadence, le degré bVII7 qui résout vers le Ier degré majeur.
D’où vient cette cadence ? Comment l’analyser ? Et enfin, comment les grands jazzmen s’y prennent-ils pour bien la faire sonner ?

Backdoor Cadence bVII7 -> I, qu’est-ce que c’est concrètement ?

La « Backdoor Cadence » est dans une tonalité majeure la résolution du degré bVII7 sur le Ier degré.
Le degré bVII7 est comme son nom l’indique de couleur 7, une triade majeure avec une 7e mineure. Sa fondamentale est située à une seconde majeure descendante par rapport au centre tonal. Voici un exemple en Do Majeur :

(J’ai éclaté les voicings mais toutes les notes de l’accord y sont !)

« Backdoor Cadence »… Mais pourquoi une telle appellation ? En fait, on considère implicitement que la cadence parfaite ii V -> I est la « Front Door » cadence, le chemin par défaut pour résoudre sur le premier degré dans l’harmonie tonale.
On passe donc par l’entrée principale, la « porte d’entrée », pour rentrer à la maison.

Ainsi, partir du bVII7, le degré situé juste avant (ou « derrière ») le I pour y résoudre peut être vu comme une manière secondaire d’arriver à nos fins, comme passer par la porte de derrière pour entrer dans notre maison.

Cette dénomination peut faire sourire, mais elle est pourtant assez proche de l’impression auditive que donne cette cadence :

Porte d’entrée :

Porte de derrière :

Dans mon second exemple, j’ai rajouté un F-7 (en Do : le iv7) avant mon Bb7 (bVII7) pour créer un ii V. C’est sous cette forme que la backdoor cadence se trouve le plus fréquemment dans nos grilles. Nous verrons un peu plus bas que ce détail a une grande importance…

D’où vient le degré bVII ?

Si vous avez des bons souvenirs de mon article sur la Tonalité Mineure, alors vous connaissez déjà la réponse.

Sinon, voici le schéma de l’harmonie tonale, ici dans la tonalité mineure (créé à partir du mode aeolien ou mineur naturel et enrichi des Ve et viie degrés issus de la gamme mineure harmonique) :

Vous pouvez constater que le degré bVII est présent dans la famille sous-dominante. Pourquoi cette classification ? Sa tétrade contient une 7e mineure (d’où le chiffrage bVII7), qui est aussi la sixte mineure par rapport au centre tonal.
Cette note est instable et tend à résoudre vers la Quinte juste par rapport au centre tonal, c’est la caractéristique de la famille sous-dominante en tonalité mineure.

Mais comment se fait-il que ce degré, appartenant à la tonalité mineure, se retrouve dans des grilles d’accord de morceaux majeurs ?

En fait, Do majeur et Do mineur sont plutôt proche harmoniquement, ils partagent entre autres la même tonique. Il est fréquent que les compositeurs empruntent des accords chez l’homonyme mineur si l’on est en majeur et vice versa. Ce procédé a un nom barbare : l’interchange modal. Pas de panique, j’y reviendrai plus en détail dans un prochain article !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela amène un peu de mouvement dans notre grille. Une goutte de mineur au milieu du majeur, c’est expressif.

Pourquoi le bVII7 résout sur le Ier degré ? Habituellement, c’est le job du Ve degré non ?

Bonne question. Et je vais vous annoncer une nouvelle qui ne va pas arranger nos affaires : le bVII7 est le Ve degré du degré bIII (c’est donc une… dominante secondaire).
En Do, Bb7 est le bVII7, mais aussi le Ve degré de Eb Majeur, le bIII.

C’est donc logiquement vers le bIII que le bVII7 devrait être principalement attiré, et pas le I.

Mais, si vous revenez au schéma de l’harmonie tonale, vous remarquerez qu’une flèche relie la fonction sous-dominante à la fonction tonique :

Cette flèche symbolise une cadence, la cadence plagale. Elle est plutôt rare en jazz, et nous avons tôt fait d’oublier son existence ! Cependant, le cas de la Backdoor Cadence est un bon exemple de son utilisation.

Pourquoi ne pas appeler « Backdoor Cadence » « Cadence plagale » alors ? Eh bien, son cas est si particulier qu’elle a son propre nom, pour bien la différencier d’autres plagales.

Notons que bVII7 -> I a la particularité d’être une cadence plagale qui commence avec un degré venant de la tonalité mineure et qui résout sur le Ier degré majeur.

Ce genre de manipulations est assez fréquent en jazz, souvent en guise de réharmonisation.
La cadence parfaite peut elle aussi commencer en mineur pour résoudre en majeur, comme dans les 4 premières mesures du standard de Cole Porter I Love You :

(Attention, le thème est en clé de Fa !)

La Backdoor Cadence complète : bVII7 précédé par le iv7

Prenez les quatre premières mesures du standard de Tadd Dameron Lady Bird :

Nous avons devant nos yeux une Backdoor Cadence typique bVII7 -> I (Bb7 -> Cmaj7).
Cependant, vous avez sans doute remarqué qu’un F-7 s’est invité avant notre Bb7 (je vous en parlais au début de cet article !).

Ce degré est étranger à Do Majeur. D’où vient-il ?

Comme pour le cas de notre bVII7, d’un interchange modal avec le mode de Do mineur naturel.

Rappelez-vous de notre schéma :

Le iv7 fait aussi partie de la famille sous-dominante. Mais pourquoi faire se succéder deux accords de sous-dominante, n’est-ce pas un peu contre-productif ?

En fait, ajouter un iv7 avant le bVII7 permet de rappeler la fonction secondaire de ce dernier : Ve degré du degré bIII.
En effet, le iv7 est aussi… le iind degré du bIII.

En Do, la Backdoor Cadence complète est F-7 Bb7 -> Cmaj7.
F-7 et le iv7, et Bb7 le bVII7. Mais F-7 et Bb7 sont aussi les ii et V du degré bIII, Eb Majeur.

Dans la Backdoor Cadence, ajouter un iv7 permet de dessiner le mouvement favori du jazzman, le ii V I.

L’ajout du iv7 est très prisé des boppeurs. C’est à leur contact que de multiples sous-dominantes ont fleuri dans les grilles des standards afin de faire apparaître des ii V.

Sauf que iv7 bVII7 a beau y ressembler, ce n’est pas vraiment un ii V ! Dans notre tonalité, les fonctions iv7 et bVII7 sont avant tout de famille sous-dominante. Il faut donc les chiffrer dans notre analyse comme tels.

Le seul cas où bVII7 est V/bIII

Il existe cependant une exception à la règle, un scénario où le bVII7 se comporte selon sa fonction secondaire, c’est-à-dire Ve degré du degré bIII.
C’est plutôt logique : quand on observe une résolution sur le degré bIII ! bVII7 est alors une dominante secondaire, et doit être notée comme telle : V/bIII

C’est peu fréquent, mais on peut trouver ce cas de figure dans le B de On Green Dolphin Street :

Mais dans la majorité des cas, bVII7 a une fonction sous-dominante.

Une question a dû naître dans votre esprit. Comment un accord 7 peut ne pas être de fonction dominante ?

Les accords 7 qui n’ont pas une fonction dominante

On compte de nombreux exemples en jazz où un accord 7 n’a pas pour vocation de résoudre vers son Ier degré.

Le premier accord du Blues par exemple, qui est un I7, n’est pas attiré comme un aimant sur le IV comme il devrait l’être dans un autre contexte. Le II7 et le bVI7 se comportent aussi parfois de cette manière, et bien entendu, notre bVII7.

Tous ces degrés ne se comportent pas comme des dominantes en ne résolvant pas vers leurs Ier degrés respectifs.
Mais pourquoi dans un morceau en Do majeur, Bb7 ne résout pas primairement sur Ebmaj7 ?

En fait, la réponse est dans la question… Car nous sommes en Do Majeur !

Comme la grille alentours est cimentée vers notre centre tonal, la manière dont nous comprenons le degré bVII7 est liée à ce contexte harmonique.
Inversement, le même accord, Bb7, dans le contexte d’une grille en Eb majeur n’est bien sûr plus compris et entendu comme étant le bVII7 de Do Majeur ! Sa fonction primaire est ici d’être le Ve degré.
Tout dépend donc du contexte.

Comme ces accords n’agissent pas selon leur fonction primaire, on peut légitimement se dire qu’il ne faut pas non plus les jouer comme tels, comme s’ils allaient résoudre vers leurs Ier degrés respectifs.

C’est à dire, dans une Backdoor Cadence en Do, jouer Bb7 comme s’il allait résoudre sur Ebmaj7. Donc en utilisant le 5e mode de la gamme de Eb Majeur, Bb mixolydien :

Vous pourriez me rétorquer que, pourtant, ça a l’air de fonctionner ! Cependant, il existe un mode qui paraît plus approprié :

Le mode Lydien b7

Le mode Lydien b7 est le 4e mode de la gamme mineur mélodique (plus d’informations sur ce mode dans mon Ebook Les Fiches d’Identité des Modes). C’est un des modes préférés des jazzmen pour faire sonner les accords 7 qui ne se comportent pas comme des dominants.

Pourquoi ?

Comparons sa structure par rapport au mode Mixolydien, le mode du Ve degré majeur (de fonction dominante), avec ici comme fondamentale la note Sol :

La seule différence entre les deux modes se situe au niveau de leurs Quartes : Le mode Mixolydien comprend une 4te juste et le mode Lydien b7 une 4te augmentée.

Cette petite différence est en fait tout ce qui fait l’intérêt du Lydien b7. Cette note correspond à la tonique sur laquelle résout le Ve degré. En Do majeur, le Ve degré est G7, la quarte de cet accord est Do, la tonique de notre tonalité.

Si maintenant, nous augmentons la quarte pour donner le mode Lydien b7, le Do devient Do#. Notre tonique n’est plus dans l’accord de Ve degré ce qui amoindrit son attraction vers son Ier degré.

Mais ce n’est pas le seul intérêt de ce mode, surtout appliqué au bVII7.

En Do, le bVII7 est Bb7. Voici Bb Lydien b7 :

Avez-vous remarqué que la tétrade de base donne les notes de Bb7, et les 3 extensions (9e, 11e, 13e) les notes Do, Mi et Sol ? Ce sont respectivement les 9e, #11 et 13e de Bb7 mais aussi et surtout les notes de la triade de Do majeur, le Ier degré majeur sur lequel le bVII7 tend à résoudre !

Regardez bien les 3 notes du haut de mon Bb7… La triade de Do Majeur !

C’est pour cette raison que ce mode semble préférable au mixolydien pour le degré bVII7. Le Mixolydien contient une altération de plus par rapport à notre tonalité de départ, le rendant moins évident à faire sonner.

En tout cas, ce choix est validé par d’illustres compositeurs de nos standards favoris :

Harry Warren pour There Will Never Be Another You :

Victor Young pour Stella by Starlight :

Henri Mancini pour The Days of Wine and Roses :

(Bon, en réalité, les premiers enregistrements des trois thèmes cités ci-dessus ne comportent pas de bVII7 à ces passages !! Cependant, c’est avec ces progressions d’accord qu’elles nous sont parvenues, ce sont celles que nous jouons aujourd’hui. Ces harmonies font clairement entendre un mode Lydien b7.)

Au passage, réhausser la quarte de notre bVII7 pour le faire sonner lydien b7 nous fait sortir du mode mineur naturel duquel nous l’avons emprunté.
En effet, en Do, Bb7#11 contient un Mi bécarre, note qui n’est pas contenu dans la gamme de Do mineure naturelle d’où provient notre bVII7. De quelle mode vient le bVII7#11 dans ce cas ??

Les compositeurs empruntent à l’harmonie de Do mixolydien b6 (mode que vous connaissez si vous avez lu Les Fiches d’Identité des Modes), dont le degré bVII7 est bien lydien b7.

Mais c’est un détail. Dans l’improvisation, ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe !

Le choix des grands Jazzmen pour jouer le bVII7

Écoutez plutôt Stan Getz sur Stella :

J’ai omis de l’indiquer, mais F7 est le bVII7 et Gmaj7 le I.

Et sur There Will Never Be Another You :

J’ai encore omis de l’indiquer, mais Db7 est le bVII7 (nous sommes en Eb majeur).

Et Wes Montgomery sur The Days of Wine and Roses :

Dans la majorité des interprétations de standards comprenant le bVII7, les grands jazzmen restent fidèle à Do mineur naturel en jouant la bVII7 avec le mode mixolydien ! Même parfois pendant les thèmes, qui contiennent pourtant la 4te augmentée comme je vous le montrais plus haut !

En fait, je pense que ce consensus est dû aux multiples réharmonisations qu’ont subit ces standards, notamment l’ajout de ii V à tout va. Dans les thèmes cités ci-dessus, le bVII7 est utilisé seul, sans ajouter le iv7 avant pour créer une forme ii V.

Mais dans les grilles des années 50, des ii V ont fleuri pour ajouter du mouvement harmonique. Si vous écoutez bien l’accompagnement derrière la version de There Will Never Be Another You par Stan Getz, pendant les chorus, on entend que la section rythmique joue Ab-7 Db7 au lieu de simplement Db7. Ce qui est au passage… out par rapport au thème qui comporte un Sol bécarre (contre Sol bémol dans le Ab-7).

Et ce détail change tout ! Les jazzmen, en voyant un ii V sur leurs grilles, jouent les modes basiques sur un ii V… Dorien, puis Mixolydien.
Certes, on pourrait commencer à jouer Dorien sur le iv7, puis Lydien b7 sur le bVII7. Mais c’est beaucoup moins évident…

D’ailleurs, des thèmes directement composés par des boppeurs comme Lady Bird ou Yardbird Suite utilisent de base la forme ii V : iv7 bVII7. Et leur mélodie est écrite avec… Le mode mixolydien, et pas le Lydien b7 :

Le choix entre Mixolydien et Lydien b7 pour jouer le bVII7 dépend donc du contexte.
Si vous voulez rester proche du thème, jouez Lydien b7, vous sonnerez au passage un peu old school ! Si vous voulez sonner bop, jouez mixolydien.

Ce qu’il faut retenir de cet article :

La « Backdoor Cadence » est dans une tonalité majeure la résolution du degré bVII7 vers le I, le plus souvent précédé du iv7.

iv7 et bVII7 sont empruntés au mineur naturel parallèle par interchange modal.
Ce sont aussi les ii et V du degré bIII, et, même si ce ne sont pas leurs fonctions primaires, ils sont le plus souvent joués comme tels par les jazzmen, ce qui implique d’utiliser le mode dorien pour le iv7, et le mode Mixolydien sur le bVII7.

Cependant, vous pouvez aussi faire le choix de jouer le bVII7 Lydien b7, ce qui amoindrit sa fonction secondaire de V/bIII et rappelle le thème que vous jouez.

J’espère que cet article vous aura permis d’y voir plus clair sur ce mystérieux accord !
Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

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Comment entendre plus facilement la basse ?

Vous n’entendez pas ce que joue le bassiste de votre groupe ? Vous n’arrivez pas à distinguer le hauteurs de note dans le registre grave, et échouez à repiquer des grilles ?
Ne cherchez pas plus loin : Votre oreille n’est pas assez entraînée pour entendre la basse.

Et pourtant, ce serait chouette de pouvoir comprendre ce qui se passe en bas du spectre sonore… Vous sauriez exactement où vous en êtes dans une grille, vous pourriez commencer à entendre les couleurs d’accord de votre pianiste en fonction de la basse, etc…
Bref, arrêter de vous perdre et entendre ce que vos camarades jouent afin de pouvoir réagir en conséquence.

Peut-être que tout cela vous semble insurmontable à accomplir, mais ne vous en faites pas, tout problème a sa solution.

Comme pour beaucoup de chose en matière de musique, pour affiner son oreille, il faut l’entraîner. Comme ça, elle peut mémoriser les bonnes sensations auditives et les relier ensuite à vos connaissances théoriques.

Avez-vous l’habitude de vous concentrer longtemps sur le jeu de votre contrebassiste quand vous jouez avec lui ? Relevez-vous des lignes de basse régulièrement ?

C’est pour vous mettre dans cette direction que j’ai écrit cet article.
Vous allez y (re)découvrir la basse sous toutes ses coutures, apprendre quel est son rôle dans la section rythmique, et certaines techniques récurrentes dans le jeu des bassistes qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce qui se passe, et les repiquer plus facilement.

C’est parti !

Qu’est-ce qu’une contrebasse, et qu’est-ce qui la rend si difficile à entendre ?

*J’emploie le terme « basse » pour désigner l’instrument qui tient ce rôle dans un groupe de jazz. Mais l’instrument en lui-même peut être une contrebasse, une basse électrique, la main gauche d’un organiste…
Dans cet article, je me focaliserai sur le plus difficile à entendre : la contrebasse.

La contrebasse est un instrument à cordes, constitué de haut en bas d’une tête avec des chevilles d’accordage, de cordes qui descendent le long d’un manche au dessus de sa touche et ce jusqu’au chevalet.
Ce dernier est posé sur une caisse de résonance qui a pour but d’amplifier le son créé par la vibration des cordes de l’instrument.

Cette vibration est créée par la main droite du.de la bassiste (si il.elle est droitier) qui va pincer les cordes et les relâcher. Pour modifier la hauteur de la note jouée, sa main gauche va presser la corde en un point précis sur la touche, ce qui va avoir pour effet de modifier la longueur de corde qui vibre et donner une hauteur de note différente que celle de la corde à vide*.

Première information extrêmement importante : Les 4 cordes « à vide » (*en les attaquant sans les presser sur la touche avec la main gauche) sont accordées comme ceci : E1, A1, D2, G2.

Les chiffres après les lettres correspondent aux hauteurs par rapport aux touches de piano, dont le clavier débute avec le « la zéro » -> A0, Bb0, B0, puis C1, etc…

Remarquez le petit 8 en dessous de ma clé de Fa, qui

Comme vous pouvez le voir, le registre de la contrebasse commence dans l’extrême grave du piano, région que nous n’avons pas vraiment l’habitude d’écouter attentivement.

De plus, la manière de jouer d’un bassiste de jazz (qu’on pourrait qualifier de pizzicato pour un contrebassiste classique) donne un timbre sourd, rond, mat à l’instrument, ce qui veut dire qu’il est pauvre en harmoniques.

Il est donc plus compliqué de discerner la hauteur d’une note à la contrebasse qu’au piano par exemple (son timbre étant plus riche en harmoniques).

Voilà pourquoi entendre la basse n’est pas si évident. Maintenant, intéressons-nous à sa fonction, et voyons si nous pouvons en tirer quelque chose d’utile pour nos repiquages.

Quel est le rôle de la basse dans la section rythmique ?

Traditionnellement, la basse connecte les fondamentales des accords d’une grille de jazz à l’aide d’une « ligne » ou d’un « riff« .

La ligne de basse a souvent un rythme régulier constitué de blanches ou de noires (on parle de Walking Bass), à la différence d’un riff dont la forme rythmique peut être plus complexe.

Une Walking Bass en noires.
Un extrait du riff de basse d’Equinox (John Coltrane)

C’est parce que la contrebasse est l’instrument avec la tessiture la plus grave du groupe qu’elle joue les fondamentales des accords (fondamentale : Note la plus grave d’un accord, à ne pas confondre avec « tonique » qui désigne seulement la note du premier degré de notre tonalité).

En swing, le.la bassiste joue ces fondamentales sur le premier temps de la mesure s’il n’y a qu’un accord dans celle-ci.

Si la mesure comporte deux accords, la basse joue la fondamentale du second accord sur le troisième temps de la mesure.

Donc, si vous connaissez bien votre grille, écoutez la basse et vous saurez où vous en êtes dans le morceau.

De même, connaître la grille d’un morceau dont vous relevez la ligne de basse vous donne un indice sur potentiellement la moitié des notes !

À noter : Les bassistes prennent un malin plaisir à avancer ou retarder la venue des accords, ou bien à jouer une autre note que la fondamentale de l’accord (et réharmoniser)…
Mais dans la majorité des cas, si le morceau est vraiment « standard », vous n’aurez pas de mauvaises surprises.

Trois éléments du jeu de contrebasse essentiels à connaître pour en repiquer plus efficacement

1. Les cordes à vides et leurs harmoniques

Voici de nouveau les cordes à vide de l’instrument : E1, A1, D2, G2.

En fait, ces cordes à vide sont un véritable atout pour le.la bassiste.
Le fait de pouvoir jouer une note sans devoir utiliser sa main gauche lui donne énormément de flexibilité.
En effet, les bassistes peuvent jouer une note dans le médium-aigu de leur instrument et revenir dans le grave aussitôt en jouant une corde à vide.

Ce qui est un avantage pour eux.elles peut être un inconvénient pour nous car cela donne parfois de grands intervalles difficiles à entendre dans leurs lignes.

Arrivé au Mi de la corde de Sol, je laisse le temps à ma main gauche de se replacer en haut du manche en jouant la corde à vide de Mi, créant un intervalle de deux octaves dans ma ligne !

De la même manière, les harmoniques des cordes de Ré et de Sol sont souvent utilisés et créent parfois de grands intervalles dans les lignes.

Petit point terminologie : Que sont les « harmoniques » d’une corde ?

Tout son est composé d’une fréquence fondamentale qui détermine sa hauteur, à laquelle s’ajoute d’autres sons : les harmoniques. Ces sons sont des multiples de la fréquence fondamentale, ils peuvent être plus ou moins nombreux, ce qui détermine entre autres le timbre du son.

Sur un instrument à cordes, ce terme peut aussi désigner plusieurs points de résonance situés à des endroits clés de la corde. Effleurer ces points avec la main gauche (sans presser la corde contre la touche) tout en attaquant la corde avec la main droite va faire résonner un harmonique précis contenu dans le timbre de la corde.

Dans le cas de la contrebasse, un harmonique en particulier nous intéresse, celui de l’octave de la corde à vide, situé pile-poil au milieu de la corde (cela correspond à la 12e frette d’une basse électrique ou d’une guitare).

Mon dernier intervalle est une octave utilisant l’harmonique de la corde de Sol.

Utiliser cet outil permet au.à la bassiste de faire résonner deux notes en particulier sans avoir à maintenir la main gauche appuyée sur la touche (comme pour les cordes à vide). Ces notes sont les octaves de D2 et G2 : D3 et G3.

Ainsi, si vous entendez de grands intervalles dans le jeu de votre bassiste, il utilise à coup sûr les cordes à vide et ses harmoniques, soit les notes E1, A1, D2, G2, D3, G3.

2. Les Ghost Notes

Les Ghost Notes sont littéralement des notes « fantômes », qui sont là sans vraiment l’être…

En fait, ce terme désigne une note sans hauteur définie, présente dans le jeu du bassiste pour lui donner du relief en l’enrichissant rythmiquement.

Pour ce faire, le.la bassiste attaque la note à la main droite et l’étouffe à la main gauche, comme ceci :

Ces notes n’ayant pas d’importance harmoniquement parlant, il est donc possible de les omettre dans nos relevés. Cependant, c’est une des techniques préférées des bassistes pour faire groover leur ligne de basse, rythmiquement parlant, elles sont essentielles.

Donc, si vous désirez les noter, utilisez cette écriture :

Quand on connaît l’instrument, on peut écrire une ghost note à la hauteur de la corde à vide sur laquelle elle est jouée par le.la bassiste.
Si vous n’êtes pas familier avec le fonctionnement de la basse, notez la comme une note d’approche à la note suivante de votre relevé, juste au-dessus ou en-dessous.

Pour résumer, si vous entendez une petite pique rythmique sans hauteur apparente, pas besoin de vous casser la tête, vous êtes face à une ghost note.

3. Les Fills

Voici un point plus problématique. Un fill est une ponctuation dans le jeu du bassiste, quelques notes jouées rapidement généralement à la fin d’une carrure de 4 mesures.

Les 4 dernières mesures d’un Blues en Do, avec un fill pour relancer à la fin (je le rejoue ensuite au ralenti pour que vous puissiez en saisir tous les détails)

Les bassistes utilisent des fills pour enrichir leur jeu, leur donner du relief rythmique, répondre au soliste…

Sauf que je ne vous l’ai pas encore indiqué, mais la contrebasse est un instrument délicat à maîtriser, son ergonomie fait qu’il est difficile d’en jouer rapidement

Pourquoi ce détail est-il important ? Parce que cela va nous aider dans nos relevés : Les bassistes vont au plus simple et au plus pratique pour jouer leurs fills, en utilisant… des cordes à vide !

Comme l’attaque de la contrebasse se fait naturellement de l’aigu vers le grave, les fills ont en majorité une direction descendante.

Une autre astuce utilisée par les bassistes pour jouer rapidement est la technique du pull-off, qui désigne seulement une attaque de la corde en la pinçant tout en relâchant la note précédente à la main gauche (ce qui économise une attaque de main droite). Dans la vidéo plus haut, mon fill commence par un pull-off.

Les fills que vous entendrez utilisent donc à coup sûr cordes à vide, parfois des harmoniques, et des pull-offs.

Résumons ensemble :

Dans cet article, nous avons vu que :

  1. La basse joue les fondamentales des accords sur les 1er temps des mesures (1er et 3e temps s’il y a deux accords par mesure) ;
  2. Les cordes à vide (E1, A1, D2, G2) et les harmoniques D3 et G3 permettent aux bassistes d’insérer des grands intervalles dans leurs lignes ;
  3. Les ghost notes sont des notes purement rythmiques sans hauteur, qu’il n’est pas indispensable de noter ;
  4. Les fills contiennent toujours les cordes à vides ou leurs harmoniques et sont joués de l’aigu vers le grave (souvent grâce à un pull-off).

J’espère que cet article vous aidera à mieux entendre le jeu de votre bassiste, et à repiquer de la basse plus facilement.

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Image de couverture : Slam Stewart at Keystone Korner, San Francisco CA 4/28/81. Playing with Illinois Jacquet.
© Brian McMillen / brianmcmillen@hotmail.com

Trouver la Tonalité ou l’Armure d’un morceau rapidement (Schéma visuel)

Aujourd’hui, nous nous attaquons à une compétence vitale pour tout musicien : Être capable en quelques fractions de secondes de donner la tonalité d’un morceau.
En effet, nous sommes souvent amenés à décortiquer des grilles pour improviser convenablement dessus… Connaître la tonalité est à la base de ce processus !

Le procédé inverse, trouver l’armure à partir d’une tonalité donnée, est tout aussi indispensable.
Imaginez que vous releviez un solo d’un grand jazzman que vous adorez. Vous savez que le morceau est en Ré bémol majeur… Si vous n’indiquez pas l’armure au début de vos portées, vous allez perdre du temps à indiquer toutes les altérations à côté des notes correspondantes… Votre partition n’en sera que moins claire !

Aussi, je vous ai concocté un super schéma (deux en réalité !) qui présente le tout en quelques étapes.

Prenez le temps de le(s) découvrir. Je vous indiquerai ensuite 2 erreurs très fréquentes à éviter.

C’est parti !

Comment trouver la Tonalité d’un morceau à partir de son Armure ?

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Comment trouver l’Armure d’un morceau à partir de sa Tonalité ?

Qu’est-ce que le relatif mineur d’une tonalité Majeure ?

Une petite précision avant de continuer.

Vous avez sans doute remarqué que sur mes schémas, j’indique le terme « relatif mineur » d’une tonalité majeure.

Si vous avez lu mon article sur les modes, vous savez qu’on peut tirer différents modes de la gamme majeure. Le sixième (ou mode de La) est le mode aeolien ou mineur naturel, notre gamme mineure de référence pour construire l’harmonie de la tonalité mineure (plus sur ce point dans cet article).

Quand on souhaite trouver la tonalité mineure relative à une tonalité majeure, on cherche en fait le mode aeolien de la gamme de la tonalité majeure en question. Pour se simplifier la vie, il suffit de descendre d’une 3ce mineure par rapport à la tonique de la gamme.

Ce qu’il faut retenir : Les gammes majeures et mineures relatives étant liées, elles possèdent la même armure.

Trouver la Tonalité ou l’Armure d’un morceau : Les erreurs à ne pas faire

Revenons sur notre premier schéma.

Je vous y indique que pour trouver le relatif mineur d’une tonalité majeure, il suffit de descendre d’une 3ce mineure.
Une 3ce mineure ? Pourquoi se casser la tête, vous pourriez très bien vous dire :

« Après tout, une 3ce mineure équivaut à 3 demi-tons ou 1 ton et demi. Je préfère raisonner comme ceci, c’est plus simple et plus rapide »

Et vous n’auriez pas totalement tort. Mais, malheureusement, ce raccourci a un problème de taille.

Imaginez que vous cherchiez le relatif mineur de la tonalité de Si Majeur. Descendez de 3 demi-tons par rapport à Si : Si bémol, La, La bémol.

Le relatif de Si Majeur est donc La bémol mineur. Vous êtes d’accord ?

… Vous êtes tombés dans le panneau !

En fait, la tonalité de Si Majeur est une tonalité exprimée en dièse, il n’y a donc aucune chance pour que La bémol mineur soit son relatif ! Pourtant, nous sommes bien descendus de 3 demi-tons…

En fait, la bonne réponse était Sol dièse mineur. En effet, Sol dièse est aussi situé à 3 demi-ton de Si : Si bémol, La, Sol dièse.

Sauf que, quand nous réfléchissons à des intervalles descendants, nous avons tendance à « penser en bémols » (et vice-versa, nous « pensons en dièse » pour les intervalles ascendants). Cette association ne nous facilite pas la tâche et dans mon exemple ci-dessus peut même mener à une erreur.

Pour être sûr.e de ne pas se tromper : Penser 3ce mineure descendante pour trouver le relatif mineur d’une tonalité majeure.

Dans mon exemple de la tonalité de Si Majeur, si nous descendons d’une tierce, cela nous donne la note… Sol. Notre tierce est mineure ? Donc Sol dièse. Plus d’erreur possible !

Seconde erreur à ne pas commettre : Ne pas détacher le dièse de sa note

Je m’explique.

Vous avez une armure remplie de dièses et vous désirez trouver la tonalité correspondante. Il vous faut donc ajouter une 2de mineure au dernier dièse. Vous avez Fa#, Do#, Sol#, Ré#, La#, Mi# Si# à la clé.
Le dernier dièse est donc un Si, en lui ajoutant une 2de mineure, cela nous donne un Do.

Nous sommes donc en Do majeur. Oui ?

… Non !!!

Vous savez comme moi que Do Majeur n’a pas d’altérations à la clé ! Où est le problème ?

En fait, j’ai « détaché » la note de son dièse : Au lieu d’ajouter une seconde mineure à Si #, j’ai ajouté une seconde mineure à… Si. Sauf que mon dernier dièse n’est pas « Si », c’est « Si DIÈSE ».

La bonne tonalité est donc Do dièse Majeur.

Conclusion

Dans cet article, vous avez appris à trouver rapidement une tonalité à partir de son armure et inversement (l’armure à partir d’une tonalité).

Je vous ai présenté en prime deux erreurs fréquentes pour vous éviter de les commettre à votre tour, et perdre un temps précieux.

Il vous reste maintenant à pratiquer ! Avec un peu d’entraînement, vous ne décomposerez même plus les étapes intermédiaires et trouverez les tonalités en un instant.

ASTUCE POUR VOUS ENTRAÎNER : Partagez mes schémas à un.e de vos collègues jazzman.woman et faites-vous des questions/réponses. C’est plus amusant à plusieurs !

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Groupes rythmiques (groupings) : Augmentez votre vocabulaire rythmique

J’ai une devinette pour vous :
Comment se distinguer dans un groupe où tout le monde joue de belles notes ? … En les jouant bien en place !
Plus sérieusement, le rythme est Le paramètre qui rend votre jeu intéressant. Après tout, une note bien rythmée dans un solo vaut mieux qu’une longue suite de croches maladroites.

Si vous avez atterri sur cet article, c’est que vous trouvez que vos solos manquent de pêche côté rythmique. Que toutes vos phrases se ressemblent un peu, et que sur la longueur, vos idées se répètent.

Devant ce constat, beaucoup de solutions s’offrent à vous. Vous pouvez jouer avec différents placements comme je l’explique dans cet article, varier vos débuts et fins de phrases, jongler entre différents débits

Mais aujourd’hui, nous allons nous intéresser à un procédé assez simple, popularisé dans les années 60 par des instrumentistes comme Wynton Marsalis ou Kenny Garrett : Les groupes rythmiques (aussi appelés « groupes de notes » ou « groupings »).

Si vous avez lu mon article sur les équivalences, sachez que c’est un type de groupe rythmique, nous allons aller plus loin dans cet article. Et si vous êtes vraiment assidu·e, vous allez reconnaître ici certains exemples tirés de mon article sur Kenny Garrett et son utilisation des motifs. Commençons.

Qu’est-ce qu’un groupe rythmique ?

Le premier exemple est celui de Kenny Garrett sur Mack the Knife. Écoutez et constatez que son débit rythmique change à 1’40 :

Voici maintenant un second exemple, cette fois-ci de Wynton Marsalis. Écoutez la figure rythmique qu’il développe :

Comme vous pouvez le voir dans ces deux exemples :

Un groupe rythmique est une polyrythmie consistant à faire se superposer les appuis normaux d’une mesure et un groupement spécifique de ses subdivisions.
Pour que la polyrythmie soit intéressante, lorsque la décomposition du temps est paire, le groupe doit être impair. Inversement, lorsque la décomposition du temps est impaire, le groupe doit être pair.

Quelques petites précisions pour m’assurer que vous avez bien compris :

  • Polyrythmie : Superposition de différents rythmes entre eux.
  • Groupe impair : groupe de 3, 5, 7, … subdivisions
  • Groupe pair : groupe de 2, 4, 6, … subdivisions

Autrement dit, jouer un grouping consiste à répéter une figure rythmique dont les appuis se décalent par rapport à ceux de la mesure initiale.

Il est possible de ne jouer que la première subdivision de chaque groupe comme Kenny Garrett, ou plusieurs voire toutes les subdivisions internes du grouping comme dans l’exemple de Wynton Marsalis.

Créons ensemble un groupe de 3

C’est parti, apprenons à utiliser cet outil. Pour ce faire, voici de nouveau quelques rapides notions de base :

  • Temps de la mesure : Différentes pulsations à l’intérieur d’une mesure. Dans une mesure à 4/4, le temps est habituellement la noire.
    4/4 = 4 noires par mesure, donc 4 temps par mesure.
  • Subdivisions du temps : Décompositions du temps
    Un temps d’une mesure à 4/4 peut être découpé en de plus ou moins gros morceaux, qui sont nos subdivisions (croches, double-croches…)

Prenons maintenant une mesure à 4/4 binaire, dont le temps (la noire) est divisé en 4 double-croches.

Mon exemple audio dure 4 mesures, la voix du haut est jouée par un métronome avec un son aigu sur chaque 1er temps. La voix du bas est assurée par une caisse claire qui accentue les débuts de groupe.

Groupons maintenant ces subdivisions par 3 :

C’est super, mais avez-vous remarqué qu’un nouveau groupe démarre sur la dernière double-croche de la mesure, et est par conséquent incomplet ?

En effet, il manque la seconde et la troisième subdivision de ce dernier groupe. Ajoutons deux mesures afin que le début d’un groupe tombe sur le 1er temps d’une mesure :

Le cycle de notre groupe de trois est ainsi terminé. Constatez qu’il faut 3 mesures pour que le début d’un groupe coïncide avec un 1er temps. 3 mesures pour un groupe de 3, c’est plutôt pratique pour s’en souvenir, non ?

Cette loi est valable pour tout groupe rythmique : Le cycle d’un groupe de X dure X mesures (quelle que soit la métrique).

Maintenant, gardons seulement la première subdivision de chaque groupe :

Nous voilà avec 3 mesures de groupes de 3.

Le stade ultime de cette manipulation rythmique est, comme le fait Tony Williams avec les équivalences, de créer une sensation de nouveau tempo en se servant des débuts de groupes comme de « nouveaux temps ».

En voici une illustration avec 4 mesures d’un groove binaire basique suivies de 3 mesures du même groove, mais calé sur les appuis du groupe de 3 :

Prudence si vous utilisez cet outil en tant que soliste ! C’est plutôt rare, mais la rythmique peut vous rejoindre et créer cette sensation de tempo différent. Si jamais vous perdez le fil de la métrique de base, bon courage pour retomber en place !

Les autres groupes courants

Le groupe de 3 est le grouping le plus répandu. Cependant, il en existe d’autres. Nous allons dans cet article rester dans le cas d’une mesure binaire, découvrons donc les autres groupes impairs courants, les groupes de 5 et 7.

Pour des raisons autant pratiques que musicales, les groupes de 5 et 7 ont des divisions intérieures, et comportent donc plusieurs appuis.
La formule la plus fréquente pour les constituer est la suivante :

  • Groupe de 5 : un groupe de 2 + un groupe de 3 ;
  • Groupe de 7 : Deux groupes de 2 + un groupe de 3.

Si vous voulez constituer un groupe de 9, il suffit de rajouter un groupe de 2 au début : 2 + 2 + 2 + 3 = 9. Un groupe de 11 ? 4 groupes de 2, puis un groupe de 3. C’est aussi simple que cela !

Pour illustrer ces exemples, voici un extrait d’un solo du saxophoniste Stéphane Guillaume où il utilise de manière rapide le groupe de 5, en ne marquant que ses deux appuis internes :

Cela se passe exactement de 7’57 à 7’58, soyez à l’écoute :

Écoutez comme il retombe sur le temps avec la rythmique, c’est ce genre d’effet que vous visez en utilisant un groupe rythmique.

Pour un exemple plus accessible, consultez cette courte vidéo (moins d’une minute) sur la chaîne Youtube de Jazzcomposer.fr :

https://www.youtube.com/shorts/T2w9Er_hw58

Les groupes rythmiques et le swing

Si vous êtes toujours avec moi, vous vous dites peut-être :

« C’est super toutes ces mathématiques, mais comment je l’applique à mes bons vieux standards ?? »

À l’instar de Marsalis et Garrett, il suffit de grouper les croches swing.

En swing, un temps est divisé en 2 croches inégales. La première se rapproche de deux croches de triolet rassemblées, et la seconde, la troisième croche de ce triolet. Comme ceci :

Groupons maintenant ces croches par 3 (sur le schéma, la « grosse » note correspond à la première note du grouping) :

Et voilà le travail. Je ne vous cache pas que l’intégration de groupings dans votre jeu demande un peu d’entraînement pour être bien en place, et surtout pour ne pas se perdre !

Voici quelques pistes pour travailler les groupes rythmiques :

(Commencez par le groupe de 3 en 4/4 binaire, c’est le plus facile).

  1. Commencez par poser votre instrument ! Même sans les contraintes des bonnes notes, de la technique, de vos pistons, tampons ou autres touches, il vous faudra un peu d’entraînement pour arriver à exécuter un grouping (en faisant en sorte que ça groove !), donc ne vous rajoutez pas de difficultés inutiles.
  2. Prenez un métronome et mettez le à un tempo raisonnable. C’est fait ? … Baissez encore d’une vingtaine de points, et là vous serez vraiment à un tempo raisonnable !
  3. Vos pieds vont maintenant marquer les 4 temps de la mesure, l’un après l’autre (commencez avec celui qui vous plaît le plus).
  4. Chantez toutes les subdivisions avec les onomatopées de votre choix. Si cela vous aide, vous pouvez utiliser des onomatopées comme « Takatiki » ou « Takadimi », mais je vous encourage à rapidement délaisser ces formules scolaires peu musicales pour des syllabes improvisées, ou même l’imitation de percussions.
    Cette étape est sans doute la plus importante, quoi que vous fassiez, n’oubliez jamais d’intégrer la découpe dans votre phrasé ! De cette façon et seulement de cette façon, vous serez parfaitement en place.
  5. Commencez par accentuer une subdivision sur trois, sur seulement une mesure, en alternant par exemple avec une ou deux mesures de découpe non-accentuée. Vous chantez un groupe de 3 !
    Si cela vous aide, vous pouvez aussi marquer cet accent en frappant des mains.
  6. Quand vous maîtrisez la 5e étape, et que ça groove vraiment, ajoutez une mesure.
  7. Répétez la 6e étape autant de fois que vous voudrez, allez au moins jusqu’à 4 mesures.
  8. Enlevez les pieds ! Attention car cette étape est clairement la plus compliquée, et va vous demander un peu de persévérance. Vous allez perdre le fil de la métrique de base et votre sensation du tempo va se synchroniser sur les groupings, mais tenez bon ! Commencez par une mesure sans les pieds, alternée par une ou deux mesures de découpe non-groupée avec les pieds tapant les 4 temps. Puis ajoutez une mesure sans les pieds, etc…
    Vous pouvez aussi partir de l’étape 7, et enlever progressivement des temps tapés au pied. Ne tapez plus que les 1er, 2nd et 3ème temps, puis seulement 1er et 2nd, puis le 1er… Et vous serez arrivés à destination !
  9. Une fois que c’est à votre portée, prenez votre instrument et appliquez votre groupe de 3 sur une grille standard, en prenant pour subdivision la croche swing. Alternez entre des mesures de silence et des mesures de grouping, d’abord sur une ou deux notes qui traversent la grillent sans dissonances, puis avec les notes que vous voulez.
  10. Recommencez avec les groupes de 5 et 7 !

Conclusion

Voilà, vous savez tout sur les groupes rythmiques.

Même en les exécutant basiquement sur une seule note, les groupings vont attirer l’oreille des gens qui jouent avec vous et du public, sans vous demander trop d’effort. C’est donc un outil parfait à avoir dans les doigts pour augmenter son vocabulaire et rendre vos solos plus intéressants !

Dans cet article, nous avons vu qu’un groupe rythmique est une polyrythmie consistant à faire se superposer les appuis normaux d’une mesure et un groupement spécifique de ses subdivisions.

Nous avons créé ensemble un des groupes les plus fréquents, le groupe de 3, ainsi que ceux de 5 et 7.

Puis, nous avons vu comment le transposer au swing en choisissant la bonne subdivision à grouper. Et nous avons conclu sur une méthode pour les implémenter dans votre jeu, en faisant en sorte de groover le plus possible.

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Image de couverture : Wynton Marsalis at the Oskar Schindler Performing Arts Center (OSPAC) Seventh Annual Jazz Festival in West Orange, NJ. 13 September 2009. Par Eric Delmar. Domaine Public.