Ne vous perdez plus jamais en solo : maîtrisez les structures des standards

Vous avez déjà vécu ce moment de solitude en pleine improvisation ? Celui où vous perdez le fil, incapable de dire si la grille est repartie du début ou si le pont arrive ?

C’est frustrant. Vous travaillez vos gammes, vous apprenez les accords… et pourtant, quand il faut improviser, un moment inattention et… vous êtes perdu.

Ne vous inquiétez pas, cela arrive à tout le monde. Particulièrement si vous débutez, votre maîtrise limitée des accords, de leurs arpèges et gammes, vous demande beaucoup de concentration.
À trop réfléchir, vous n’écoutez plus le reste du groupe, et vous vous en déconnectez lentement mais sûrement.

Pour pallier ce problème, maîtriser sur le bout de vos doigts les outils d’improvisation (gammes, arpèges…) va vous libérer de l’espace mental pour écouter votre rythmique. Également, développer votre « oreille » et pouvoir reconnaître les couleurs d’accords est particulièrement judicieux.

Mais voilà, ces deux compétences ne se développent pas en un jour, c’est un travail qui peut prendre plusieurs années, et dont on ne voit jamais vraiment le bout !

Par chance, il y a un autre aspect sur lequel vous pouvez grandement progresser, dès maintenant : votre connaissance des grilles des standards, et de leurs spécificités structurelles.

Si vous connaissez les limites de votre terrain de jeu, alors, vous vous repèrerez d’autant plus facilement à l’intérieur.

Les standards de jazz : un répertoire hérité des comédies musicales et des jazzmen

Le répertoire du jazz repose en grande partie sur ce que l’on appelle les standards. Ces morceaux sont joués et réinterprétés par des générations de musiciens, formant une base commune explorée sans cesse dans de nouveaux enregistrements ou en jam-session.

Deux grandes origines des standards

La plupart des standards proviennent de deux grandes sources :

  1. Les comédies musicales et films de Broadway et Hollywood
    Des compositeurs comme George Gershwin, Cole Porter, Richard Rodgers ou Jerome Kern ont écrit des mélodies devenues incontournables. Ces morceaux étaient initialement des chansons intégrées à des comédies musicales ou des films des années 1920 à 1950. Au fil du temps, les musiciens de jazz se sont approprié ces morceaux, les transformant en véritables terrains d’improvisation. Quelques exemples célèbres :
    • Summertime (comédie musicale Porgy and Bess – Gershwin)
    • All the Things You Are (comédie musicale Very Warm for May – Kern)
    • My Favorite Things (film The Sound of Music (La Mélodie du Bonheur) – Rodgers)
  1. Les compositions de jazzmen
    L’autre grande partie du répertoire est constituée de compositions originales de musiciens de jazz. Celles-ci ont parfois été écrites directement pour être jouées en club ou en studio, et sont devenues des références incontournables. Par exemple :
    • So What (Miles Davis)
    • Take Five (Paul Desmond)
    • Straight, No Chaser (Thelonious Monk)

Chorus et Verse : deux éléments d’un standard

Lorsqu’un morceau issu d’une comédie musicale devient un standard de jazz, il est souvent réduit à sa partie principale, appelée chorus (« refrain » en anglais).
D’où l’expression « prendre un chorus », qui signifie jouer un tour complet de la grille en improvisant. Les formes musicales que je vais vous présenter dans les prochaines parties (AABA, ABAC) concernent donc les « chorus » de ces morceaux.

Le verse : l’introduction souvent oubliée

Avant d’atteindre le chorus, de nombreuses chansons avaient une introduction chantée, appelée verse (en français : « couplet »). Cette partie est souvent plus libre harmoniquement et narrativement, servant à introduire l’histoire du morceau avant d’entrer dans le chorus. En jazz, les musiciens jouent rarement le verse. Ils préfèrent aller directement au chorus, plus structuré et répétitif, propice à l’improvisation.

Mais les vocalistes font figure d’exception, appréciant particulièrement les verses, leurs richesses contribuant à mettre en valeur leur habileté vocale.

Quelques exemples de verses encore joués en jazz :

  • But Not for Me (Gershwin) – la version de Chet Baker des années 50 est un bon exemple.
  • Stardust (Carmichael)
  • Over the Rainbow (Harold Arlen) – la version de Ella Fitzgerald est un bon exemple

Arrangements, démarcations : quand les jazzmen réinventent les standards

En plus de jouer des standards tels qu’ils ont été écrits, les musiciens de jazz ont souvent cherché à les transformer, les réarranger ou les réutiliser comme base pour créer de nouveaux morceaux. Deux pratiques sont particulièrement courantes dans ce processus :

L’arrangement : modifier sans tout changer

Certains morceaux sont repris avec une nouvelle couleur harmonique, un rythme différent ou encore des changements dans la forme. L’objectif est de donner un souffle nouveau à une composition existante tout en conservant son essence.

Exemples :

  • Autumn Leaves : ce qui était au départ une chanson française (Les Feuilles Mortes de Joseph Kosma) a été transformée en standard swing par Cannonball Adderley et Miles Davis, avec une introduction binaire modale nouvelle par rapport au matériau de départ (souvent reprise aujourd’hui)
  • I Get A Kick Out Of You : standard swing au tempo médium à médium up, souvent repris en Up Tempo.
    • Dans cette version de Clifford Brown & Max Roach, un gros travail rythmique a été effectué (des mises-en-place, impression de valse alors qu’on est à 4 temps…) :
  • pour comparaison, la version plus standard de Frank Sinatra (remarquez qu’il chante le verse du morceau avant le chorus !) :

Les « démarcations » ou « contrafacts » : nouvelle mélodie, même grille

Une démarcation (« contrafact » en anglais) est une nouvelle mélodie écrite sur la grille harmonique d’un standard existant. Cette pratique était très courante à l’époque du bebop, car elle permettait aux musiciens de s’approprier des progressions d’accords connues tout en évitant de payer des droits d’auteur sur la mélodie originale.

Exemples célèbres de contrafacts :

  • Ornithology (Charlie Parker) → basé sur How High the Moon.
  • Donna Lee (souvent attribué à Charlie Parker, peut-être écrit par Miles Davis) → basé sur Back Home Again in Indiana.
  • Oleo (Sonny Rollins) → basé sur le « Rhythm Changes », la grille de I Got Rhythm de Gershwin.

Le « Rhythm Changes », justement, est une des grilles les plus utilisées en jazz pour créer des démarcations, parmi lesquelles on peut citer Lester Leaps In (Lester Young), Cotton Tail (Duke Ellington), The Eternal Triangle (Sonny Stitt), Fungii Mama (Blue Mitchell).

Rentrons maintenant dans le vif du sujet, et étudions dans le détail les structures des grilles de jazz.

Comment sont construites les grilles de jazz ?

Le jazz repose sur des cycles fixes

Les morceaux de jazz ne sont pas de simples successions d’accords aléatoires. Ses structures sont très codifiées, et fonctionnent par cycles de mesures pairs.

La mesure est l’unité de découpe de base de la musique occidentale. Une mesure rassemble un certain nombre de temps, plus ou moins accentués (on parle de temps forts ou faibles), qui rythment la musique.

La mesure est le plus petit cycle musical, et comporte souvent 4 temps :

La « grille » du morceau

On emploie le terme « grille » pour désigner la totalité de la progression d’accords du morceau. Ce terme est issu de la représentation visuelle de ces progressions, souvent disposées sous forme de grille :

Une grille de jazz comporte généralement 32 mesures. Elle est répétée à de nombreuses reprises pendant le morceau. La mélodie du morceau a été écrite pour coller à cette structure, et les improvisations doivent également lui correspondre.

Généralement, en jazz, on joue d’abord la mélodie du morceau (une grille de 32 mesures), puis on improvise (X grilles de 32 mesures), puis on rejoue le thème du morceau (une dernière grille de 32 mesures).

Mesures, cycles : un ressenti naturel

Quand on improvise, on ne compte pas chaque temps, au sein de chaque mesure. Notre but est de ressentir les cycles, à l’échelle d’une mesure, puis de 4, voire 8 mesures. Ces cycles structurent le morceau et correspondent à différentes sous-parties que nous allons étudier dans un instant.

Notre boussole interne doit s’affoler au moment où un cycle de 4 mesures est passé, un nouveau s’entame, quand nous arrivons en fin de section… etc.

Si vous débutez, il est possible que ce ne soit pas encore le cas pour vous, c’est dont une compétence à développer. Avant de vous donner des exercices, bien connaître les principales structures des morceaux de jazz va grandement vous aider.

Les principales structures des morceaux de jazz

Comme exposé plus haut, les structures représentent (pour la plupart) 32 mesures tournant en boucle sur lesquelles les musiciens de jazz jouent la mélodie, puis les solos, puis la mélodie.

Généralement, ces 32 mesures sont organisées en 4 sections. Voici les principaux découpages :

AABA

La forme AABA met en scène 2 sections différentes, dites « A » et « B ». Chaque section dure 8 mesures, à raison de 4 sections dans la grille, nous retrouvons bien le compte des 4×8 = 32 mesures.

La section A revient 3 fois, le B les séparant au milieu.

Les sections A sont généralement similaires du point de vue mélodique et harmonique, même si on peut observer des variations entre le 1er A et le 2e A, qui se produiront généralement au niveau des deux dernières mesures des sections. Si tel est le cas, on pourra noter A, A’, B, A pour différencier les sections.

La section B est aussi appelée le « pont » (« bridge » en anglais) et est complètement différente des sections A, tant du point de vue mélodique qu’harmonique.

Voici une illustration avec le morceau Honeysuckle Rose :

Autres morceaux AABA emblématiques : I Got Rhythm, On The Sunny Side Of The Street, Alone Together…

ABAB’ ou ABAC

La forme ABAB’ met de nouveau en scène 2 sections différentes, « A » et « B », de 8 mesures chacune.

Ici, les sections s’alternent en A, puis B, puis A, puis B.

Les sections A sont généralement strictement similaires. Par contre, les sections B sont obligatoirement différentes, la première est suspensive, et la 2e conclusive, supposant des changements harmoniques et mélodiques, d’où la petite mention B’.

Ces changements peuvent être tels que la 2e section B ne correspond plus du tout à la 1re, imposant un changement de lettre, d’où ABAC.

Voici un exemple avec le standard All Of Me :

Autres morceaux emblématiques structurés ainsi : Out Of Nowhere, How High The Moon, It Could Happen To You…

Spécificités, exceptions, bizarreries de structure

Si toutes les grilles de jazz étaient toutes structurée strictement de la même manière, ce serait dommage. La règle des 32 mesures est une base sur laquelle les compositeurs aiment s’appuyer pour innover. Parmi ces innovations, on retrouve souvent :

Des parties additionnelles :

L’introduction

Comme son nom l’indique, l’introduction est une partie additionnelle jouée seulement en début de morceau pour préparer le thème. La plupart du temps, elle n’est jouée qu’une fois, en début de morceau.

L’introduction peut être :

  • une petite partie écrite -> l’introduction de la version de Chega De Saudade de Antonio Carlos Jobim
  • une improvisation d’un membre du groupe -> les introductions de morceaux de be-bop de Charlie Parker comme Billie’s Bounce
  • La progression d’accords du début ou de la fin de la grille tournant en boucle (souvent « l’anatole » 1-6-2-5) -> La version de Cheek To Cheek par Ella Fitzgerald & Louis Armstrong

La coda

La « coda » est un terme hérité de la musique classique, c’est une partie qu’on ne joue qu’à la fin. Là encore, la coda peut être :

  • La progression d’accords de la fin de la grille tournant en boucle (souvent le « turnaround » 2-5-3-6), avec une redite de la dernière phrase du thème, ou une improvisation
    • La version de All Of You par Miles Davis est un bon exemple
      • À noter : dans cette version, la coda est jouée à chaque fin de solo (1’27 -> 1’54, 3’24 -> 3’50, 5’21 -> 5’48), en plus d’être jouée à la fin du thème (6’32 -> 7’08).
    • Ce type de coda est souvent joué seulement 3 fois.
  • une petite partie écrite -> la coda de ‘Round Midnight de Thelonious Monk (6’00), qui change complètement de style par rapport au reste du morceau
  • une improvisation d’un membre du groupe -> la coda de Once In a While par Clifford Brown (4’23)
    • ce type de coda est souvent joué à la fin de ballades, mettant en valeur le discours virtuose de l’interprète

Intermèdes

Les intermèdes sont de petits passages souvent écrits pour séparer les solos. Ils peuvent comporter une mélodie ou simplement un « vamp » (motif harmonique tournant en boucle).

  • L’intermède de In Your Own Sweet Way de Dave Brubeck est un bon exemple, il arrive que les instrumentistes improvisent dessus.
    • il est souvent utilisé en tant qu’introduction de ce morceau, comme dans cette version :
  • Horace Silver est un grand amateur d’interludes pour ses compositions
    • On peut citer Nica’s Dream (1’08 -> 1’15)
  • Ou Cool Eyes (1’59 -> 2’09)

Le spécial

Un « spécial » est une partie intervenant après les solos, pour préparer la reprise de thème en variant le déroulé du morceau. Il est souvent riche mélodiquement parlant, comparable à un solo écrit.

Les morceaux des Jazz Messengers écrits par Benny Golson ou Bobby Timmons comportent souvent un spécial. on peut citer Whisper Not, Along Came Betty, Dat’ Dere

À 6’18 :

Généralement, le spécial prend la place de la 1re moitié du thème, et la mélodie originelle est reprise à sa 2e moitié ensuite.

Écritures non-conventionnelles

C’est assez rare, mais il peut arriver qu’un standard de jazz dévie des structures classiques AABA et ABAB’, voire carrément du compte carré de 32 mesures.

Structures non-conventionnelles de 32 mesures

Parmi ces morceaux, citons Bye Bye Blackbird qui est une sorte de AABA mais dont le 2d A diffère tellement du premier qu’il est souvent décrit comme un ABCA’.

Le standard Autumn Leaves est également structuré en AABA, mais sa dernière section est totalement différente des premières, on note donc AABC.

Structures non-conventionnelles basées sur une grille de 32 mesures mais ne comportant pas 32 mesures

Ces morceaux peuvent être obtenus en retirant ou ajoutant des mesures aux 32 existantes, on peut citer I Got Rhythm dont le thème comprend 34 mesures, donc 32 mesures avec 2 mesures ajoutées à la fin pour conclure le morceau. À noter, la plupart du temps, les solos se font sur une grille de 32 mesures, sans l’ajout des 2 mesures à la fin de la grille !

On peut également multiplier ou diviser la structure conventionnelle des 32 mesures, le morceau Doxy de Sonny Rollins en est un bon exemple. C’est un AABA classique, mais ses sections ne font que 4 mesures chacune au lieu des 8 traditionnelles. Il a donc 16 mesures au lieu de 32, mais fonctionne de la même manière.

Structures non-conventionnelles non-basées sur les grilles de 32 mesures

Ces structures sont très rare, mais nous pouvons en rencontrer, citons Blue Bossa, qui comporte seulement 2 cycles de 8 mesures AB.

Le morceau Infant Eyes de Wayne Shorter, lui, comporte 3 cycles de 9 mesures structurés en ABA.

Visualisation de la structure du morceau : ne tombez pas dans ce piège !

L’autre jour, j’animais un stage d’improvisation, comportant une jam session. Le morceau Autumn Leaves est proposé. Nous commençons à le jouer, et au fur et à mesure, nous nous rendons compte que tout le monde n’est pas au même endroit dans la grille.

La raison ? Plusieurs personnes suivaient la grille avec iReal Pro, la structure étant écrite avec des barres de reprises. Un des membres du groupe n’avait pas saisi cette subtilité…

C’est une illustration du fait que, quand on suit la partition d’un standard…

Une mauvaise mise en page peut tout compliquer

Prenons un exemple visuel. Voici la partition du morceau de Blue Mitchell Fungii Mama telle qu’on peut la trouver dans le Real Book :

Fungii Mama est un Rhythm Changes, dont une structure basique AABA de 32 mesures. Sous cette forme, rien ne saute aux yeux :

  • Les cycles naturels sont mal représentés
    • 2 mesures sur la 1re ligne, puis 3 mesures sur la 2e ligne, puis 3 mesures sur la 3e ligne pour la partie A, alors que 2 lignes de 4 mesures chacune sont beaucoup plus claires.
  • Les repères visuels sont inexistants.
    • Les 2 premiers A sont représentés sous la forme d’un A, avec une reprise et une boîte de 2 pour le 2d A. Ça fait gagner de la place, mais c’est beaucoup moins clair que 2 sections A écrites.
    • Pas de mention du nom des différentes sections.

Quand la grille est bien organisée, tout devient plus facile

Maintenant, voici la même grille, mais présentée de manière claire et logique :

Pourquoi c’est mieux ?

  • La forme AABA saute immédiatement aux yeux.
  • Chaque section est clairement isolée et libellée.

Partir d’un matériel bien organisé aide donc particulièrement à se repérer dans la structure. Mais si vous voulez développer votre boussole interne, voici quelques exercices.

Développer son sens de la structure : Exercices pratiques

Exercice 1 : Écoute active

  • Sélectionnez un standard que vous travaillez en ce moment et dont vous avez correctement identifié la structure (à l’aide d’une partition par exemple)
  • Écoutez une version jouée par de grands jazzmen, et identifiez chaque changement de section en claquant des mains
    • Généralement, ces changements de sections sont indiqués par la section rythmique, qui opère une petite relance.
  • Recommencez avec d’autres versions, en variant les instrumentations.

Exercice 2 : Improviser sur une seule note

  • Sélectionnez un morceau que vous maîtrisez bien.
  • Utilisez un accompagnement, sans regarder la grille qui défile pour ne pas tricher.
  • Improvisez en utilisant une ou deux notes qui peuvent fonctionner globalement sur toute la progression d’accords.
  • Essayez de ne pas vous perdre dans la structure !
  • Variez la longueur de vos phrases, 2 mesures, 4 mesures, 8 mesures.

Exercice 3 : Accompagner

  • Sélectionnez un morceau que vous êtes en train de travailler
  • Utilisez un playback, ou un métronome.
  • Jouez les fondamentales des accords, avec un rythme de blanches ou de noires.
    • En plus de réviser les accords de la grille, et de vous entraîner à être bien en place, vous améliorez votre ressenti de la structure

Le blues : le grand absent de cet article

Ce long article touche à sa fin. J’espère qu’il vous a été utile pour mieux vous repérer dans les grilles des standards de jazz, et vous éviter de vous perdre en improvisant.

Avez-vous remarqué ? Il y a une forme de morceau incontournable en jazz que je n’ai pas mentionné : le blues. Et pour cause, je lui ai déjà dédié beaucoup d’articles sur Jazzcomposer.fr, parmi lesquels :

Si vous voulez poursuivre votre lecture, cliquez sur les liens ci-dessus.

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Photo de couverture : Johnny Mercer © William P. Gottlieb, Public Domain

Comment apprendre à jouer du jazz ? Guide pour débutants

« 3 notes, déchirant le silence, s’échappent de votre radio…

Un coup de cymbale, un voicing de piano vous propulsent dans la pièce avec les musiciens.

Est-ce une odeur de tabac que vous sentez, provenant des nombreuses cigarettes grillées au cours de la séance, et dont les fumées viennent tamiser l’éclairage déjà sombre du studio ? »

C’est sans doute à une occasion similaire qu’est née votre envie de vous mettre au jazz, ou plutôt votre obsession, celle de réussir à faire sortir toutes ces notes, ces cris, ces émotions de votre instrument.

Mais voilà, pour devenir Miles Davis, la route est longue et sinueuse ! Et si vous êtes mal indiqué, vous pourriez vous décourager et ne jamais connaître ce formidable épanouissement musical qu’est la pratique du jazz.

J’ai écrit cet article pour vous donner une idée précise des étapes à accomplir pour apprendre le jazz, que vous soyez instrumentiste ou vocaliste. Suivez le guide !

1. Écoutez pour assimiler le langage du jazz

La musique et le jazz en particulier est un langage, avec ses mots particuliers, ses manières habituelles de les organiser en phrases, ses expressions particulières… Si vous parlez d’une langue étrangère, c’est donc une bonne idée de s’inspirer de votre apprentissage pour progresser dans votre pratique du jazz.

Et la 1re chose à faire avant d’ouvrir un dictionnaire ou un bouquin de conjugaison, ou d’apprendre les différentes déclinaisons et les verbes irréguliers, c’est d’apprendre le B-a-ba pour tenir une conversation ! Et la meilleure manière pour le faire est de vous immerger dans l’univers sonore de la langue que vous souhaitez apprendre, de repérer des mots particulièrement usités, des expressions, de les apprendre tels quels… En parlant le plus possible !

Donc, avant même de jouer, il est essentiel que vous écoutiez beaucoup de jazz.

  • Plongez-vous dans les enregistrements des grands musiciens : Miles Davis, John Coltrane, Charlie Parker, Bill Evans, Thelonious Monk, et bien d’autres.
  • Écoutez activement : repérez les motifs récurrents, imprégnez vous du swing, des sensations procurées par les progressions harmoniques…
  • Essayez de chanter les thèmes des morceaux avant de les jouer sur votre instrument.

L’écoute régulière permet d’intérioriser les structures du jazz et d’en assimiler le groove, de manière intuitive.

2. Acquérez de solides fondamentaux

Si vous débutez, un minimum de maîtrise de votre instrument et des fondamentaux musicaux est nécessaire pour aborder le jazz.

  • Travaillez la gamme majeure dans plusieurs tonalités « faciles » (ayant peu d’altérations), comme Do, Fa, Si bémol, Sol, Ré.
  • Travaillez les arpèges d’accords de ces différentes couleurs : majeur à 3 sons, mineur à 3 sons, maj7, min7, 7.
  • Développez une maîtrise basique du solfège :
    • connaissance des intervalles : cela vous aidera à mieux manier les éléments musicaux comme les gammes et les arpèges
    • lecture de notes en clé de Sol : pour pouvoir déchiffrer des partitions basiques et des exercices basiques
    • connaissance du principe du rythme, de la décomposition du temps en débits que sont les noires, croches, etc…

Toutes ces notions ne doivent pas vous faire peur, et peuvent être abordées ensemble, en même temps que vous apprenez vos premiers thèmes de jazz. Mais il est important de ne pas développer de lacunes dans votre apprentissage. Si vous voulez vous exprimer avec liberté et virtuosité, vous devez vous appuyer sur ces fondamentaux.

3. Apprenez des standards

Les standards de jazz sont la base du répertoire. Ils permettent de développer votre vocabulaire musical et de jouer avec d’autres musiciens.

  • Commencez par des morceaux accessibles comme C Jam Blues, Blue Bossa, Summertime, Take The A Train, Song For My Father, All of Me.
  • Écoutez plusieurs versions du morceau pour savoir comment il est joué par les jazzmen, pour ne pas être pris au dépourvu quand quelqu’un fait référence à un enregistrement particulier pour le jouer en Jam-session
    • Apprenez en priorité des versions « basiques » enregistrées par Ella Fitzgerald, Frank Sinatra, Nat « King » Cole…
  • Apprenez la mélodie du morceau, et ensuite sa progression d’accords.
  • Commencez à improviser sur le morceau selon les deux approches de l’harmonie, le jeu vertical ou horizontal (= selon les arpèges des accords, ou la gamme de la tonalité du morceau)
  • Pour ne pas être désarçonné en Jam-session, jouez le morceau à différents tempos et dans plusieurs tonalités
    • Généralement, un standard est joué par les jazzmen dans une tonalité bien précise, popularisée par un enregistrement de référence
    • On est amené à le transposer pour correspondre au registre limité d’un vocaliste ou d’un instrumentiste.

En connaissant plusieurs standards, vous pourrez rapidement participer à des jam sessions et échanger avec d’autres musiciens.

4. Comprenez l’harmonie du jazz

L’harmonie du jazz est particulièrement riche. Pour improviser et accompagner efficacement, il est essentiel de comprendre certaines notions de base.

  • Le chiffrage des accords (la notation des accords) : les accords sont indiqués sur une grille avec leur note fondamentale (écrite avec la lettre correspondante dans le système anglo-saxon) suivie d’altérations qui donnent sa composition.
    • Par exemple : CΔ7.
    • « C » signifie la note Do
    • Elle n’est suivie d’aucune précision avant l’indication de 7e, cela signifie qu’on fait face à une triade de Do majeur
    • La notation « Δ7 » indique une 7e majeure ajoutée à cette triade.
  • La différence entre harmonie tonale et modale.
    • Cliquez pour ouvrir cet article dans un nouvel onglet, je vous y explique les enjeux de l’harmonie tonale simplement.

5. Apprenez des techniques d’improvisation

Généralement, un morceau de jazz se structure en Thème – Improvisation – Thème. L’improvisation se fait sur la grille d’accords sur laquelle la mélodie du morceau a été écrite, il s’agit donc d’inventer de nouvelles mélodies, qui doivent être autant voire plus intéressantes que celle du morceau !

L’improvisation est donc un art à part entière, exigeant, auquel vous devez vous préparer. Voici quelques exercices pour vous mettre le pied à l’étrier, avec à chaque fois le lien vers une vidéo de ma chaîne Youtube pour vous inspirer :

  • Commencez par ré-interpréter la mélodie du morceau, en vous en détachant peu-à-peu pour construire un solo de plus en plus original
    • Inspirez vous des techniques utilisées par les jazzmen pour ré-interpréter des mélodies simples, je les détaille dans cette vidéo :
      https://youtu.be/tLtVPrzaWmA
  • Commencez à jouer des solos originaux en construisant vos phrases grâce aux arpèges des accords
  • Améliorez le tout en basant votre discours sur les conduites de voix qui traversent les accords, afin que vos phrases soient plus abouties mélodiquement parlant
  • Ajoutez à cela des techniques be-bop pour enrichir votre jeu.
    • Utilisez ces deux vidéos à cet effet :
  • Transcrivez ou étudiez des transcriptions de solos de grands musiciens pour comprendre leur logique et intégrer des éléments de vocabulaire qui font le son du jazz.
    • Aidez-vous des séquences ciblées autour de pépites de vocabulaire vous proposant des exercices pour les maîtrisez dans ma page Patreon

Vous pourrez ensuite vous intéresser aux modes et autres substitutions qui amènent des couleurs sophistiquées à vos phrases.

6. N’oubliez pas le rythme et le swing

Le swing est l’âme du jazz. Comme dit la chanson de Duke Ellington :

« It Don’t Mean A Thing If It Ain’t Got That Swing »

Même en jouant les bonnes notes au bon moment, si votre placement rythmique est rigide, votre jeu ne sonnera pas comme celui des grands jazzmen.

  • Accentuez légèrement les 2e et 4e de la mesure quand vous jouez des noires
  • Accentuez légèrement les contretemps quand vous jouez des croches
  • Jouez vos croches avec un phrasé swing
    • La 1re croche de chaque temps est légèrement plus longue que la 2de
  • Pratiquez avec des playbacks pour vous imprégner du swing de la section rythmique
  • Encore mieux : Pratiquez avec un collègue batteur pour améliorer votre sens du rythme.

Tous les jazzmen, peu importe leurs instruments, sont des virtuoses rythmiques. Un bon jazzman est avant tout un bon rythmicien. Ne l’oubliez jamais !

7. Jouez en groupe

C’est de l’interaction entre les différents musiciens que naît la richesse du jazz, et l’intérêt à en jouer. Jouer seul est une étape, mais pour vraiment vivre cette musique, il faut la jouer en groupe.

  • Pratiquez souvent en groupe pour vous habituer à l’exercice
    • Rejoignez un atelier jazz dans une école de musique ou un conservatoire.
  • Sortez souvent en jam-session ou « boeuf » pour rencontrer d’autres musiciens et jouer avec eux.
  • Travaillez votre réactivité musicale : écoutez les autres et adaptez votre jeu à leurs idées.

Plus vous jouerez avec d’autres, plus votre compréhension du jazz se développera naturellement et intuitivement.

Conclusion

Vous l’avez compris, pour pleinement vivre votre passion, quelques heures de pratique sont nécessaires ! J’espère que cet article vous aidera à tracer un itinéraire direct vers votre épanouissement musical.

Si vous suivez ces 7 règles, vous y arriverez :

  1. Écoutez pour assimiler le langage du jazz
  2. Acquérez de solides fondamentaux
  3. Apprenez des standards
  4. Comprenez l’harmonie du jazz
  5. Apprenez des techniques d’improvisation
  6. N’oubliez pas le rythme et le swing
  7. Jouez en groupe

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Transposer dans toutes les tonalités, est-ce vraiment nécessaire ?

Quel que soit votre niveau, vous vous êtes sans doute rendu compte de la complexité harmonique des grilles de jazz.

En plus d’utiliser des couleurs parfois alambiquées, les compositeurs aiment souvent explorer des accords et des progressions qui sortent de la tonalité principale. Si bien qu’un tapis confortable de Do majeur peut se retrouver chahuté par une progression en La♭ ou Si ou Mi majeur… !

Si vous n’y êtes pas préparés, vous allez déraper.

Pour cette raison, on nous conseille souvent de transposer les éléments de vocabulaire qu’on travaille dans toutes les tonalités. Que ce soit de simples arpèges ou gammes, mais aussi des petites phrases, voire des thèmes ou relevés de solo entiers !

Nous allons le voir ensemble, je ne pense pas que ce soit un bon conseil pour tout le monde. Dans cet article, je vais vous faire part de mon expérience, et de mes astuces pour être le plus efficace possible, sans se submerger de boulot.

Cas pratique : un plan de Chet Baker

Partons d’un cas concret. Sur ma page Patreon (que je vous encourage à rejoindre, au passage !), nous travaillons en ce moment un solo de Chet Baker, que nous relevons phrase par phrase.
Chaque phrase peut être utilisé comme un « plan » (« lick » en anglais), et je vous encourage à les replacer dans vos propres solos, sur les grilles des morceaux que vous jouez.

Prenons cette phrase, jouée sur un ii V I (2-5-1) en Sol majeur :

Si vous la travaillez comme je l’indique dans la vidéo sur Patreon, ça vous donnera une super phrase à utiliser sur les ii V I en Sol.
Mais n’est-ce pas dommage de pouvoir la jouer seulement dans cette tonalité ? Et s’il n’y a pas de ii V I en Sol dans les morceaux que vous jouez ?

Il faut donc transposer cette phrase, et le premier conseil qu’on vous donnera est :

« Transposez dans toutes les tonalités »

Si vous êtes comme moi, vous devriez rechigner à exécuter cette consigne… Cela représente une énorme quantité de boulot ! Dans notre cas précis, cela nécessite de :

  • bien connaître les accords du ii V I dans toutes les tonalités ;
  • déterminer les intervalles des notes du plan par rapport aux accords originels ;
  • arriver (sans se tromper) à calculer ces intervalles par rapport aux accords de la nouvelle tonalité ;

Si vous ne connaissez pas par cœur les couleurs d’accord du ii V I, dans toutes les tonalités, rien que la 1re étape va vous causer des nœuds au cerveau !

Transposer dans toutes les tonalités est donc bénéfique et approprié quand on a un certain niveau de connaissance des progressions d’accords, des intervalles, des cellules mélodiques classiques en jazz…

Pour la majorité d’entre vous, fidèles lecteurs, la quantité de boulot nécessaire ne peut que vous décourager. Pour pallier ce problème, voici deux recommandations :

Priorisez les tonalités dont vous avez VRAIMENT besoin

En d’autres termes : travaillez seulement les tonalités incluses dans les grilles des morceaux que vous jouez en ce moment.
C’est certes lacunaire, mais ça a le bénéfice d’alléger la charge de travail, et d’alimenter directement votre maîtrise des grilles en question. Vous forgerez de solides réflexes de pensée qui alimentera votre discours d’improvisation sur les progressions en question.

Et quand vous vous attaquerez à une nouvelle grille, elle contiendra sans doute de nouvelles tonalités à dompter, vous pourrez à ce moment-là reprendre votre élément de vocabulaire et le transposer selon ces nouveaux besoins.

Si vous avez un peu de temps libre, et si vous voulez vous préparer un peu mieux, vous pouvez être pro-actif et transposer les éléments de vocabulaire que vous voulez apprendre dans d’autres tonalités que celles dont vous avez besoin sur le moment. Dans ce cas :

Privilégiez les tonalités les plus communes

Il existe deux types de tonalités :

  • les « sympas » ;
  • et les « pourries » !

La quantité d’altérations à la clé détermine comment les tonalités se classent dans ces deux catégories. Les tonalités très altérées (« pourries ») nécessitent beaucoup de réflexion et sont par conséquent plus difficiles à manier que les tonalités peu altérées (« sympas »).

Les tonalités les plus communes sont dans l’ordre :

  • Do Majeur / La mineur (rien à la clé)
  • Fa majeur / Ré mineur (Si♭ à la clé)
  • Sol majeur / Mi mineur (Fa # à la clé)
  • Si♭ majeur / Sol mineur (Si♭ et Mi♭ à la clé)
  • Ré majeur / Si mineur (Fa# et Do # à la clé)
  • Mi♭ majeur / Do mineur (Si♭, Mi♭, et La♭ à la clé)
  • La majeur / Fa# mineur (Fa#, Do#, et Sol # à la clé)

Et voici les tonalités « difficiles », des moins altérées aux plus altérées :

  • La♭ majeur / Fa mineur (Si♭, Mi♭, La♭, et Ré♭ à la clé)
  • Mi majeur / Do# mineur (Fa#, Do#, Sol#, et Ré # à la clé)
  • Ré♭ majeur / Si♭ mineur (Si♭, Mi♭, La♭, Ré♭, et Sol♭l à la clé)
  • Si majeur / Sol# mineur (Fa#, Do#, Sol#, Ré#, et La # à la clé)
  • Fa# majeur / Ré# mineur (Fa#, Do#, Sol#, Ré#, La#, et Mi # à la clé)

Remarque : on pourrait ajouter Sol♭ majeur / Mi♭ mineur, qui ont 6 bémols à la clé, et qui équivalent à Fa# majeur / Ré# mineur, 6 dièses à la clé. La difficulté est similaire, vous pouvez choisir le couple qui vous arrange selon votre préférence. La plupart des instrumentistes préfèrent « penser » en dièses.

Les tonalités à ne surtout pas travailler

Par contre, il est contre-productif d’utiliser les tonalités de Do♭ majeur / La♭ mineur et Do# majeur / La# mineur. Ces tonalités équivalent respectivement à Si majeur / Sol# mineur et Ré♭ majeur / Si bémol mineur, que j’ai inclus dans le classement ci-dessus. Utilisez ces ces dernières, qui comportent une altération en moins que leurs enharmonies (6 # ou 6 ♭ contre 7).
Si on peut s’épargner des altérations, autant le faire !

Travaillez en priorité les tonalités « sympas »

C’est bien logique, les jazzmen écrivent plus fréquemment leurs thèmes dans les tonalités les moins altérées, qui vont leur demander le moins de réflexion et sur lesquelles il sont le plus à l’aise. Il est donc judicieux d’axer votre travail en priorité sur celles-ci.


Ça peut vous sembler lacunaire, mais rassurez-vous, une fois que vous vous êtes forgés de solides réflexes dans ces 7 tonalités « faciles », les autres plus « difficiles » peuvent être calculées en fonction.

Suivez cette simple règle :

  • une phrase en X♭ majeur correspond aux mêmes notes qu’en X majeur, avec un bémol ajouté à chaque note ;
  • une phrase en X# majeur correspond aux mêmes notes qu’en X majeur, avec un # ajouté à chaque note.

Petite précision : si vous rajoutez un bémol à une note diésée, alors elle devient bécarre, et inversement.

Voici un exemple avec la phrase de Chet. Imaginons que nous souhaitions la jouer dans la tonalité difficile de Ré♭ majeur. Il suffit de considérer la phrase en Ré majeur, et d’ajouter un bémol à chaque note :

Ajout d’un ♭ à chaque note

Morceler le travail et varier les tonalités

Les pratiques que je vous ai présenté ci-dessus visent à alléger votre charge de travail, pour que vous puissiez passer du temps à des choses plus épanouissantes.

Mais si vous voulez slalomer avec grâce dans les progressions sophistiquées de morceaux comme In Your Own Sweet Way ou Stella By Starlight, alors il est important de ne pas faire l’impasse sur les tonalités les plus ardues dans votre routine de travail.

D’ailleurs, même dans des morceaux présentés comme accessibles, on peut faire de mauvaises rencontres ! Prenez la grille d’Autum Leaves, c’est un morceau basique en Sol mineur, mais il comporte une grosse difficulté vers la fin, avec un accord de F#7, issu de la gamme de Si majeur. Ou Blue Bossa, le début est en Do mineur, mais on module rapidement en Ré♭ majeur !

Vous aborderez plus sereinement ces progressions d’accord en visitant fréquemment les tonalités altérées dans votre pratique.

On en revient au conseil de départ… On dirait bien que vous allez devoir transposer dans toutes les tonalités, finalement !

Pour éviter l’overdose, il est important de morceler votre travail. 
Si vous disposez de 3 ou 4 sessions de travail par semaine, vous pouvez très bien faire le tour des 12 tons en n’en travaillant que 2 ou 3 différents par session.

Ça peut vous paraître léger, mais vous allez faire de solides progrès si vous travaillez régulièrement. Je vous garantis que si vous cultivez la tonalité de Fa# majeur chaque semaine, au bout de 3 mois, 6 mois, un an, vous la connaîtrez comme votre poche.

Attention à ne pas tomber dans ce piège si vous travaillez 2 ou 3 tonalités consécutives :

Au cours d’une même session de travail, vous pourriez être tentés de travailler Do, Ré♭, et Ré majeur. Vous allez enchaîner une phrase/arpège/gamme en Do, puis la même chose tout de suite après en Ré♭, puis en Ré.

Ce faisant vous allez déduire les notes de la phrase suivante par rapport à la phrase précédente (dans mon exemple, en ajoutant un demi-ton à ce que vous venez de jouer).

Où est le problème ? Eh bien… C’est de la triche ! Car qu’êtes-vous en train de travailler :

  • votre connaissance d’une tonalité, de ses notes, de ses altérations, des intervalles des notes de l’élément que vous transposez par rapport à la tonalité ?
  • Ou simplement votre habileté à ajouter un demi-ton aux notes de la phrase précédente ?

Soit dit en passant, cette deuxième compétence peut s’avérer très utile, mais ce n’est pas celle qui nous intéresse ici.

  • Nous voulons créer de solides réflexes qui pourront nous faire reconnaître d’un coup d’oeil un 2-5 en Fa# dans une grille ;
  • nous voulons déterminer du tac-au-tac les notes de la gamme de Ré bémol majeur ;
  • nous voulons enchaîner un même arpège sur BΔ7 et ensuite EΔ7, à la vitesse de l’éclair.

Pour ne pas tomber dans ce piège…

… Transposez par cycle de tierces, ou quartes, ou quintes.

J’affectionne particulièrement les cycles de 3ces, car chaque session nous fait à la fois visiter des tonalités « sympas », et des « pourries ».

Si vous transposez par 3ces mineures :

  • 1re session : Do Majeur / La mineur, Mi♭ majeur / Do mineur, Fa# majeur / Ré# mineur, La majeur / Fa# mineur
  • 2e session : Ré♭ majeur / Si♭ mineur, Mi majeur / Do# mineur, Sol majeur / Mi mineur, Si♭ majeur / Sol mineur
  • 3e session : Ré majeur / Si mineur, Fa majeur / Ré mineur, La♭ majeur / Fa mineur, Si majeur / Sol# mineur

Si vous transposez par 3ces majeures :

  • 1re session : Do Majeur / La mineur, Mi majeur / Do# mineur, La♭ majeur / Fa mineur
  • 2e session : Ré♭ majeur / Si♭ mineur, Fa majeur / Ré mineur, La majeur / Fa# mineur
  • 3e session : Ré majeur / Si mineur, Fa# majeur / Ré# mineur, Si♭ majeur / Sol mineur
  • 4e session : Mi♭ majeur / Do mineur, Sol majeur / Mi mineur, Si majeur / Sol# mineur

Testez, vous m’en direz des nouvelles !

Dernier conseil : ne trichez pas avec les enharmonies

Les enharmonies sont le fait de considérer une hauteur de note avec plusieurs noms. Dans notre système de tempérament égal, un Ré♭ correspond strictement à un Do#. Do équivaut à Si# ou Ré♭♭, etc…

Lorsque vous transposez, ne prenez pas de libertés avec ces enharmonies, concrètement : ne remplacez pas une note altérée par une autre plus facile.

Si vous vous forcez à ne pas remplacer un Mi# par un Fa, un Sol♭ par un Fa#, alors vous aurez un système de pensée clair et carré, même si cela vous demande un peu plus de réflexion.

Lorsque vous déchiffrerez une partition qui contient ces altérations difficiles, vous serez mieux préparés pour les aborder.

Également, vous serez plus rapide pour manipuler un élément musical dans un contexte très altéré.

Par exemple, vous rencontrez dans une grille un accord de D♭Δ7, vous voulez jouer dessus un arpège majeur. Si, dans vos sessions de travail, vous avez « pensé » l’accord de Ré♭ majeur avec les notes « Do#, Fa, La♭ » au lieu de « Ré♭, Fa, La♭ » (parce que vous préférez Do# à Ré♭), alors votre système est bizarre, détourné. Vous allez perdre du temps à chercher à quoi correspond l’enharmonie de la note Ré♭ avant de jouer votre arpège !

Laissez-moi vous donner un autre exemple. Les accords basiques sont constitués d’empilements de notes situées à des intervalles de 3ces les unes des autres.
Imaginons que vous honnissiez la note La#, et que vous la remplaciez systématiquement par son enharmonie, Si♭. Si vous rencontrez un accord de Fa# majeur dans une grille, alors vous serez tentés de le considérer ainsi : Fa#, Si♭, Do#. 


Si vous faites ça, votre accord ne correspond plus à un empilement de 3ces. C’est un « machin » constitué d’une 4te et une 2de (Fa -> Si = 4te, Si -> Do = 2de), beaucoup moins clair que de belles 3ces (Fa -> La -> Do = 3ces). 


Également, vous ne pouvez plus utiliser l’astuce que je donnais précédemment de calculer les éléments altérés à partir d’éléments non altérés. Ici, notre accord de Fa# correspond à un accord de Fa, avec un dièse à chaque note.

Si la manière avec laquelle vous manipulez les accords est claire et carrée, alors vous augmentez les chances pour que votre discours le soit aussi. Inversement, si vos accords comprennent des intervalles improbables, vous augmentez les chances pour que votre discours soit fouillis et chaotique.

Ce point n’est valable que pour les tonalités et éléments basiques. Si vous manipulez des accords ou modes très altérés (accords/modes diminués, mode altéré, gamme par tons…), arrangez-vous avec les enharmonies sous peine de vous retrouver avec des double-bémols ou double-dièses. La rigueur a ses limites !


Résumons :

Dans cet article, nous avons vu de bonnes pratiques pour transposer avec le plus d’efficacité pour se préparer au mieux aux défis harmoniques que représentent les grilles de jazz :

  • transposez dans toutes les tonalités seulement si vous êtes très à l’aise avec les bases du solfège ;
  • sinon, priorisez le travail des tonalités les plus communes qui sont :
    • Do, Fa, Sol, Si♭, Ré, Mi♭, et La majeur ;
  • morcelez votre travail et variez les tonalités régulièrement, en procédant par cycles de 3ces, 4tes, 5tes…
  • ne trichez pas avec les enharmonies quand vous transposez, sauf si vous manipulez des éléments très sophistiqués tels que les modes à transposition limitée.

Si cet article vous a donné envie de transposer du vocabulaire, faites donc un tour sur ma page Patreon et alimentez votre discours de belles phrases de Chet Baker, dans plusieurs tonalités !

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Jeu horizontal : improvisez facilement SANS PENSER aux accords

Vous trouvez cela trop beau pour être vrai ? Écoutez cette phrase de Clifford Brown, dans son solo sur September Song :

À vue de nez, on dirait que Clifford Brown improvise globalement en Si bémol pendant 4 mesures, avec une petite touche bluesy.
Voici maintenant cette même phrase, dans son contexte harmonique :

Quelle surprise ! La grille est en fait très riche, elle comprend beaucoup d’accords, beaucoup de couleurs différentes… Cela ne s’entend pas du tout dans le jeu de Clifford, on dirait qu’il improvise sans se soucier des accords…

Serait-on devant un flagrant délit de filouterie !? Se pourrait-il qu’un grand jazzmen comme Clifford Brown, admiré pour son jeu si riche et sophistiqué, truande la grille sans que personne ne s’en rende compte ??

Je vous le confirme, et il n’est pas le seul à le faire. Si vous êtes abonnés à la chaîne Youtube de Jazzcomposer.fr, vous connaissez déjà cet exemple de Joey Di Francesco qui improvise sur la moitié de Fly Me To The Moon en n’utilisant que 2 gammes !

https://www.youtube.com/shorts/6-t_61KZEM4

Mais quelle est donc cette technique ? Comment la reproduire à notre tour, sans faire complètement n’importe quoi ?

Toutes les réponses sont dans cet article. Commençons avec…

… Un peu de théorie !

La majorité des standards de jazz sont écrits selon un cadre tonal. En résumé, pour construire la tonalité majeure, on sélectionne une note qui sera le centre tonal (aussi appelée « tonique »), et on utilise la gamme majeure en partant de cette note pour composer des mélodies :

On peut aussi harmoniser la gamme pour créer des accords (les « degrés« ), qui seront joués par la section rythmique :

Un petit détail très important pour la suite : pour constituer ces accords, on utilise seulement des notes de la gamme majeure de départ. On dit que les notes (et les accords) sont diatoniques, elles appartiennent à la tonalité, elles sont toutes issues de la même gamme.

Ensuite, ces accords s’alternent, tendent, détendent l’harmonie selon les notes qu’ils contiennent…

C’est l’harmonie tonale, empreinte d’une sonorité et d’un caractère propre, se distinguant d’autres systèmes d’harmonisation comme l’harmonie modale, ou atonale…

(Consultez cet article pour en savoir plus sur la construction de l’harmonie tonale)

La manière basique d’improviser, le jeu « vertical »

Parmi l’harmonisation de la gamme de Do majeure présentée ci-dessus, j’ai pioché 4 accords pour créer une progression tonale, que voici :

Prenez votre instrument et improvisez sur ces accords.

Alors ?

Je suis sûr que vous avez procédé ainsi :

  • vous avez étudié chaque accord séparément,
  • vous vous êtes demandé quelles sont ses notes, quelles gammes vous avez le droit d’employer dessus,
  • et vous vous êtes lancé dans une impro endiablée !

Cela devait donner quelque chose du style :

Vous ne vous en êtes pas rendus compte, mais vous avez appréhendé la progression d’accords d’une manière bien particulière. J’appelle cela le jeu « vertical », vous avez utilisé un outil harmonique (gamme, arpège) pour chaque accord.

C’est la manière de « penser » l’harmonie par défaut, elle a pour avantage de vous connecter à la section rythmique (vous jouez exactement le même contenu harmonique au même moment), et elle donne un jeu plutôt virtuose car vous multipliez les éléments harmoniques dans votre phrase.
Autant de pirouettes et galipettes harmoniques qui vous permettent de briller en société : « Et toc, vous avez vu comment je maîtrise bien mes gammes et mes arpèges ? »

Bien sûr, ce mode d’improvisation n’est pas sans inconvénients ! En effet, si, vous n’avez pas vos gammes et arpèges sous les doigts… Bonjour les dégâts. Également, à la longue, improviser seulement en jeu vertical peut paraître scolaire et mécanique.

Ce qu’on ne vous a sans doute jamais dit… C’est que ce n’est pas la seule manière d’aborder une progression d’accords !

La 2de manière de penser l’harmonie : le jeu « horizontal »

1. L’analyse de grille

Prenons un peu de recul par rapport à la progression d’accords, et interrogeons-nous : « Comment le compositeur s’y est-il pris pour créer sa grille ? ».
A-t’il mis de jolies couleurs un peu au hasard les unes après les autres, ou y a t’il une logique ?

Bien souvent, il y a une logique, et cette logique, c’est celle de l’harmonie tonale. Dans notre exemple, vous m’avez vu faire…

… J’ai sélectionné les Ier, vie, iid, et Ve degrés de la tonalité.

Dans la vraie vie, vous ne pourrez pas passer un coup de fil au compositeur de chaque morceau que vous jouerez, alors comment repérer par vous même le parcours tonal d’une grille que vous ne connaissez pas ?

En réalité, il n’y a pas 36 manières d’harmoniser un morceau. Certaines alternances sont trèèèès fréquentes (on les appelle les « cadences »). Plus vous vous intéresserez au fonctionnement de l’harmonie tonale, plus vous analyserez des grilles différentes, et plus vous trouverez votre chemin facilement et rapidement.
Je vous enseigne comment faire dans mon cours complet Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation.

2. L’improvisation avec le jeu horizontal

En quoi cette analyse de grille nous facilite la vie ? Une fois cette petite étape franchie :

  • si les accords n’appartiennent pas à une seule et même tonalité —> jeu vertical (= selon chaque accord) ;
  • si les accords appartiennent à une seule et même tonalité, alors vous pouvez improviser de manière horizontale.

En quoi consiste le mode de jeu horizontal ? Comme les accords sont issus d’une même tonalité, ils ont été créés à partir du même réservoir de notes : la gamme majeure de la tonalité.
On peut donc tout à fait utiliser cette gamme pour improviser sur ces accords, on jouera forcément les « bonnes » notes ! Autrement dit, pas de risque de « fausses » notes.

Vous n’avez donc qu’à improviser, en utilisant seulement la gamme majeure… Sans vous soucier des accords !

Voici ce que ça donne :

Les avantages du jeu horizontal

Vous l’aurez deviné, improviser ainsi est diablement plus facile que le jeu vertical ! Votre esprit n’est plus encombré par tout un calcul des arpèges et modes afférents aux accords… Vous pouvez vous concentrer pleinement sur votre musicalité.

Comme vous utilisez une seule et même gamme, le son que vous obtenez est moins sinueux et vallonné que si vous utilisiez une gamme ou arpège différent pour chaque accord. Vos phrases ont un caractère plus mélodique qu’avec un mode de jeu vertical.

Ça paraît trop facile… Même si ça l’est, vous avez raison de vous méfier.

Les inconvénients du jeu horizontal

Vous l’aurez peut-être deviné, utiliser une seule gamme pour exprimer plusieurs accords est problématique.

Il y a une raison pour laquelle les différents accords de la tonalité sonnent différemment. Certes, nous partons d’une même gamme majeure pour les constituer, mais, pour chaque accord, nous ne prenons pas TOUTES les notes de la gamme pour les créer ! Les notes des accords sont les plus importantes, ce sont elles qu’on doit mettre en valeur dans notre impro, afin qu’on perçoive bien le rôle harmonique de l’accord (autrement dit sa « fonction », tendre ou détendre l’harmonie).

Ainsi, en jouant une seule gamme pour plusieurs accords, vous prenez le risque de jouer des notes étrangères aux accords spécifiques, ne plus faire sonner la progression et vous déconnecter de l’histoire harmonique qu’a voulu raconter le compositeur.

Également, vous vous désolidarisez de la section rythmique, ce qui n’est pas du plus bel effet.
Autre écueil, si vous abusez de ce mode de jeu, votre impro paraîtra monotone et plate.
Sans mentionner qu’il est beaucoup plus facile de se perdre sans être concentré à 100% sur les accords qui défilent !

Mais pourquoi le jeu horizontal fonctionne-t’il alors ?

Malgré tous ses défauts, malgré qu’on fasse parfois sonner les « mauvaises » notes sur certains accords, le jeu horizontal reste incroyablement efficace et convaincant, comme le montre l’exemple de Clifford Brown :

2e mesure, 3e et 4e temps, remarquez les notes : Fa#, Sol, Si b sur l’accord F7… Pas du tout les « bonnes » notes !

Pourquoi ? Car le son de la gamme de la tonalité du morceau est bien particulier, il est ancré dans notre oreille. Si votre phrase sonne, si elle utilise du vocabulaire simple et basique, sa puissance mélodique primera sur ses défauts harmoniques.

Et ce, particulièrement si vous ajoutez ce petit ingrédient en plus…

Utilisez les gammes blues pour donner un caractère explosif à votre jeu horizontal

Voici de nouveau la phrase de Clifford Brown :

Vous l’aurez sans doute remarqué, Clifford Brown n’utilise pas exactement la gamme majeure pour improviser horizontalement… Il utilise un vocabulaire blues.

Pourtant, la grille est tonale, à priori sans rapport avec le blues… Comment cela peut-il fonctionner ?

Revenons aux basiques :

Les deux gammes blues

Il existe deux gammes blues :

  • la gamme blues majeure ;
  • la gamme blues mineure.

On construit une gamme blues en partant d’une gamme pentatonique, à laquelle on ajoute une « blue note », note épicée, extrêmement dissonante qui donne tout son caractère plaintif au jeu blues.

Précisément, pour créer les gammes blues, on part des gammes :

  • pentatonique majeure pour la gamme blues majeure ;
  • pentatonique mineure pour la gamme blues mineure.

Pour créer ces gammes pentatoniques :

  • on part de la gamme majeure dont on enlève les notes dissonantes, la 4te et la 7e pour la gamme pentatonique majeure ;
  • on part de la gamme mineure naturelle dont on enlève les notes dissonantes, la 2de et la 6te pour la gamme pentatonique mineure.

Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais la clé est ici. Pour créer une gamme blues, on part de la pentatonique correspondante elle-même issue d’une gamme parente, gamme servant à établir la tonalité et son harmonie.

On passe de la gamme majeure… :

… À la gamme pentatonique majeure… :

… À la gamme blues majeure :

Si on peut improviser de manière horizontale avec la gamme de la tonalité, on peut tout à fait le faire avec les gammes en découlant (pentatonique et blues).

Et c’est comme ça qu’on en arrive à ce genre de phrases, pensées simplement sur des progressions pourtant fournies :

Résumons :

  • Pour improviser ou composer des phrases sur une grille d’accords, on peut « penser » l’harmonie de deux manières :
    • verticalement, en utilisant un outil harmonique (gamme, arpège) pour chaque accord ;
    • horizontalement, en prenant la gamme de la tonalité de laquelle est issue la progression d’accords.
  • Ces deux pensées offrent deux sonorités différentes à exploiter dans vos impros :
    • plus virtuose et sinueuse en jeu vertical ;
    • plus mélodique et linéaire en jeu horizontal.
  • Pour improviser horizontalement, il est mieux d’avoir analysé sommairement la grille, pour ne pas utiliser la mauvaise gamme sur un bout de progression qui ne ferait pas partie de la tonalité.
  • N’abusez pas du jeu horizontal pour ne pas paraître déconnecté de la grille, ne pas vous perdre…
  • Utilisez les gammes pentatonique et blues pour varier de la gamme de la tonalité.

Si vous n’en avez jamais entendu parler, il y a des chances pour que cet article révolutionne votre manière d’appréhender les grilles d’accords, et vous ouvre de nouveaux horizons pour vos solos !
Partagez-le donc à vos collègues jazzwomen et jazzmen, pour qu’ils bénéficient également de ces conseils.

Pour intégrer cette modes de jeu à vos impros, je vous recommande de pratiquer les exercices que je donne dans mon cours complet : Harmonie Jazz, de la Théorie à l’Improvisation.
Dans ce cours, vous retrouverez le contenu de cet article en vidéo et sous forme de fiche récap’ pdf, et beaucoup d’autres notions comme celles-ci, indispensables pour improviser sur les grilles de jazz.

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Voicing drop 2 : le guide complet pour les jazzmen débutants

Les « drop 2 »… Au détour d’une conversation entre jazzmen, au cours d’un atelier jazz dans votre école… Vous en avez forcément entendu parler.
 Et si tout le monde en parle, ça doit être important !

Je vous l’affirme, ce type de répartition de note au sein d’un accord voicing » en anglais) est incontournable. Quel que soit le disque de jazz que vous écoutiez, il contient forcément des drop 2 quelque part ! 


Dans cet article, nous allons découvrir les drop 2 et leurs principales utilisations en arrangement, accompagnement et composition. En plus de nous donner des sonorités sophistiquées à explorer, ils vont nous tirer d’affaire dans une variété de situations…

Qu’est-ce qu’un voicing drop 2 ?

Pour construire un voicing drop 2, partons d’une autre disposition de voix : la position serrée.
Si ce terme ne vous évoque rien, consultez brièvement cet article avant de poursuivre votre lecture :

En cliquant, il s’ouvrira dans un nouvel onglet, vous pourrez revenir aux drops 2 en un clic.

Voici un Cmaj7 en position serrée :

Comme son nom l’indique, pour créer un voicing « drop 2 » à partir de cet accord, il suffit de prendre sa deuxième note en partant du haut et de la faire « tomber » (« to drop ») d’une octave. Voici maintenant les notes obtenues :

→→→

En écoutant le son de cet accord, on se rend compte qu’il est plus large, plus aérien. Il correspond maintenant à une position dite « ouverte » puisque l’intervalle entre certaines de ses notes est supérieur à la tierce.

Je vous vois venir : « Ça sonne super, mais c’est dommage que le Do ne soit plus la basse de l’accord… ». J’y viens !

Les différents renversements de l’accord de Cmaj7 et les voicings drop 2 correspondants.

Pour obtenir différentes basses pour notre Cmaj7 en drop 2, « renversons » notre accord de base, Cmaj7 en position fermée. Voici ses différents renversements :

Pour chaque renversement, basculons la 2de note en partant du haut d’une octave inférieure, pour créer des voicings drop 2 :

En prenant le second renversement de Cmaj7 et en appliquant la formule du drop 2 on se retrouve avec un accord ouvert dont la note Do (la fondamentale de notre accord), est bien la basse (= sa note la plus grave).

Écoutez la différence entre un Cmaj7 joué en position serrée, et cet accord :

Lequel préférez-vous ?

Comme nous venons de le voir, nous pouvons donc obtenir tout type d’accord sous cette forme du drop 2. Maintenant, découvrons à quoi tout cela peut bien servir.

Les différentes utilisations du voicing drop 2

Le drop 2, star de vos arrangements

Les voicings Drop 2 sont un outil privilégié de l’arrangeur, ils vont lui servir dans une variété de situations. 


En premier lieu, voici une application résolvant un problème concret : l’atteinte d’une limite d’ambitus d’un de vos instruments. Il n’est pas rare qu’au cours d’une harmonisation, quelques notes soient trop hautes ou basses pour qu’un de vos instruments puisse les jouer. Prenons pour exemple cette phrase, jouée par une section de cordes :

C’est une montée qui se termine sur une note aiguë. En harmonisant toute la phrase en positions serrées, on se rend compte que les notes de nos instruments graves tels que le violoncelle sont dans son registre aigu.
Compte tenu de la nuance demandée et du jeu en section, cela ne va pas convenir car joué dans ce registre, le violoncelle a globalement un caractère plus timbré et fort, qui convient mieux pour un passage en solo, lyrique. Il serait plus judicieux de rester dans les médiums de l’instrument.

Solution : ouvrons notre accord en utilisant la technique du drop 2. En faisant basculer d’une octave inférieure sa deuxième note en partant du haut, l’accord est maintenant plus étendu et sa nouvelle note la plus grave est située pile dans les médiums du violoncelle. Parfait !

(Remarquez au passage l’harmonisation en approches chromatiques, si vous voulez des détails, consultez cet article)

De manière générale, vous pouvez très bien utiliser les voicings drop 2 pour harmoniser un contre-chant ou une mélodie qu’on pourrait harmoniser sans problème en positions serrées. Votre choix sera motivé par la différence de caractère entre les deux techniques :

  • La position fermée donne un son assez compact, les instruments sont très proches au sein de la section et paraissent « soudés » :
  • La position ouverte est plus aérée :

Au final, c’est votre goût qui décidera de la disposition d’accord choisie !

Utilisez le drop 2 pour renforcer vos accompagnements

Il faut le savoir : si jamais vous jouez de la guitare, il y a de fortes chances pour que les accords que vous utilisez dans vos accompagnements (ou quand vous jouez en chord melody) correspondent déjà à des drop 2 :

Voicings de guitare typiques, en drop 2 !

Également, écoutez comment les grands pianistes utilisent les drop 2 pour enrichir leurs accompagnements et obtenir des phrases et harmonisations qu’il serait moins facile d’obtenir avec des positions serrées :

Vous pouvez entendre ce même exemple de Bill Evans dans cette petite vidéo d’Antoine Hervé :

Quel que soit votre instrument, si jamais vous n’avez pas l’habitude de les utiliser, familiarisez vous avec les drops 2 en prenant une grille que vous maîtrisez bien, et en vous forçant à disposer vos accords ainsi. Bien entendu, vous pouvez passer par l’écrit si la gymnastique mentale est trop ardue !

Je ne m’étends pas plus sur le sujet, qui pourrait être celui d’un article complet. Si jamais vous voulez en savoir plus, écrivez-le en commentaire !

Utilisez le drop 2 et obtenez des arpèges sophistiqués au sein de vos compositions

Si vous utilisez les arpèges des accords dans vos compositions et que vous trouvez que vous en avez fait le tour, alors les drop 2 tombent à pic ! Voici une illustration de leur utilisation dans une ligne mélodique dont vous pouvez vous inspirer. Il s’agit d’une musique de jeu vidéo du compositeur Eirik Suhrke :

Pour écouter la bande-son complète, par ici :

https://phlogiston.bandcamp.com/track/ice-caves-a-2

Conclusion

En résumé, voici ce que nous avons exploré dans cet article sur les voicings drop 2 :

  • Les drop 2 sont des voicings obtenus à partir des positions serrées en basculant la 2e note en partant du haut d’une octave inférieure
  • Ce sont des positions d’accord « ouvertes »
  • Ils sont utiles en arrangement pour obtenir une harmonisation plus aérée et pour contourner des limites de registre
  • Ils sont utiles en accompagnement pour obtenir un son plus ouvert et sophistiqué que la position fermée
  • Ils peuvent vous aider à renouveler les arpèges de vos compositions.

Si vous avez besoin de précisions sur l’un des sujets abordés ou si vous souhaitez explorer davantage ce sujet, n’hésitez pas à me le demander en commentaire !

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L’image de couverture a été générée par l’intelligence artificielle Stable Diffusion XL, avec cette instruction : « Representation of a piano keyboard, Piet Mondrian style »

Bix Beiderbecke : biographie, 3 transcriptions de solos à travailler

J’ai rédigé cet article pour TROMPETTISTE(S) MAGAZINE, la revue 100% trompette traitant aussi bien de classique que de jazz. Si vous êtes trompettiste et cherchez à vous cultiver sur votre instrument, découvrir ses virtuoses d’hier et d’aujourd’hui, abonnez-vous en suivant ce lien :

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Cet article est le premier d’une série consacrée aux trompettistes de l’école « cool », courant stylistique encore bien en vogue aujourd’hui et s’opposant au jazz « hot ». La différence ? L’un est plus intimiste, réservé (on peut parfois le qualifier de « jazz de chambre »), l’autre explosif, exubérant, festif.

J’ai espoir que la plongée dans cet univers pourra vous inspirer, mener à la découverte de belles oeuvres musicales, et vous aider à façonner votre discours d’improvisateur grâce à l’étude de ceux des maîtres.

Commençons avec un trompettiste injustement méconnu, ayant pourtant une influence considérable sur ceux qui l’ont écouté et suivi : Bix Beiderbecke.

Bix Beiderbecke : Biographie

Débuts

Bix Beiderbecke, né le 10 mars 1903 à Davenport, Iowa, est un trompettiste et pianiste de jazz autodidacte. Issu d’une famille de la classe moyenne, son père, Bismark Herman Beiderbecke, dirige une entreprise prospère de combustibles et de bois de construction, tandis que sa mère, Agnes Jane Hilton, est une pianiste talentueuse. Dès son plus jeune âge, Bix démontre une oreille musicale exceptionnelle, apprenant à jouer du piano sans lire la musique.

En 1919, le frère de Bix acquiert une platine Victrola, et Bix est vite captivé par les enregistrements de jazz de l’époque, notamment par le son de la trompette, au sein de groupes phares tels que l’Original Dixieland Jass Band. Il reproduit ce qu’il entend au piano mais se procure rapidement un cornet, apprenant l’instrument sans professeur.

En 1921, il forme son premier orchestre, le Bix Beiderbecke Five. Son passage à l’Académie Militaire de Lake Forest en 1921 est écourté en raison de performances académiques insatisfaisantes et de démêlés dans des bars locaux.

1923-1927

Les années 1923 à 1927 marquent la période d’ascension de Bix dans le monde du jazz. En 1923, il rejoint le groupe des « Wolverines », dans lequel il joue principalement du cornet mais aussi parfois du piano, avec qui il enregistre ses premiers disques pour le label Gennett Records. C’est à cette époque qu’il fait la connaissance de Frankie Trumbauer, spécialiste du saxophone en ut, avec qui il grave ses plus beaux sillons. À la même époque, il enregistre avec d’autres petites formations dont les « Sioux City Six », puis rejoint en 1925 l’orchestre de danse de Jean Goldkette (un pianiste classique reconverti en imprésario, qui en fait ne joue dans aucun des groupes portant son nom !).

Frankie Trumbauer et son saxophone en Ut.

En parallèle de son engagement avec Goldkette, il enregistre avec Frankie Trumbauer et son orchestre des morceaux mythiques tels que Singin’ the Blues en 1927, qui établissent sa réputation parmi les musiciens de jazz. Également en 1927, Bix intègre l’orchestre le plus connu de l’époque, celui de Paul Whiteman, surnommé alors le « Roi du Jazz » (Paul Whiteman a notamment commandé la Rhapsody in Blue à George Gershwin). Malgré des tensions liées au style musical, un jazz symphonique maniéré et enfermant, il continue d’enregistrer des solos mémorables (Barnacle Bill, Mississippi Mud…).

La dissolution de l’orchestre Goldkette en 1927 le conduit à jouer avec Adrian Rollini et les New Yorkers avant de rejoindre définitivement l’orchestre de Paul Whiteman. Une version romancée de l’histoire du trompettiste le décrira en artiste maudit, rongé par l’alcool et profondément affligé par cet engagement commercial le bridant dans sa créativité, mais à la vérité, Bix n’aurait pas été si mécontent de cet emploi fixe et bien payé !

1928 – 1931

Les années 1928 et 1929 sont marquées par une intense activité musicale, avec des enregistrements mémorables tels que Changes, San, et I’m Coming Virginia. Cependant, la santé de Bix commence à décliner en raison d’une consommation excessive d’alcool. En 1930, il enregistre des compositions originales, dont I’ll Be a Friend with Pleasure.
Les dernières années de Bix, de 1929 à 1931, sont assombries par une détérioration rapide de sa santé. Il décède le 6 août 1931 à l’âge de 28 ans des suites d’une pneumonie, résultat de son mode de vie autodestructeur.

Sa contribution au jazz, en tant que génie et pionnier, est indéniable. Il est un des premiers jazzmen à ouvrir la porte vers la musique impressionniste, comme le montrent ses pièces pour piano, Candlelights, In The Dark, Flashes, et sa plus célèbre In A Mist qu’il enregistre au piano en 1927. On ne peut qu’imaginer comment aurait évolué sa personnalité musicale au cours des années 30, et au delà…

Parenthèse sur le matériel

L’instrument de prédilection de Bix Beiderbecke était un cornet long Conn Victor 80A (un cuivre à la perce très large), qu’il jouait sans doute avec une embouchure Bach 7C. Ce cornet a la particularité de pouvoir être converti rapidement de la tonalité de Si bémol à La : on tire au maximum la coulisse d’accord qui est reliée à un mécanisme automatique permettant l’allongement simultané des 3 coulisses des pistons pour éviter les problèmes d’intonation. Il dispose également du mécanisme “opera-glass”, une deuxième coulisse d’accord verticale à vis sans fin placée à l’entrée du pavillon, vraisemblablement pensée comme le mécanisme d’ajustement d’accordage principal de l’instrument. 
Bix a aussi joué deux cornets Bach Stradivarius, avec son nom gravé sur le pavillon. Il est également photographié avec un cornet long Holton Clarke en main, l’orchestre de Paul Whiteman dans lequel il se produisait étant alors sponsorisé par cette marque, rien n’indique qu’il l’ait effectivement adopté.

Le cornet Conn Victor 80A restauré par Fabrice Wambergue de l’atelier W.

Vue de côté révélant une tige pour maintenir la coulisse d’accord et une meilleure vue du mécanisme entraînant les autres coulisses

Zoom sur le mécanisme d’accordage des coulisses des pistons et la coulisse d’accord opera-glass (avant restauration)

Pour zoomer sur les images, cliquez ici. Merci à Fabrice Wambergue de l’Atelier W à Montreuil pour ces images d’un cornet Conn Victor 80A de 1923 dont il a effectué une restauration en 2019 (plus d’infos sur son site internet).

3 relevés de solo et analyse de son jeu

Les premiers enregistrements de Bix Beiderbecke sont précieux, on y découvre un jeune artiste en recherche de son propre style. En écoutant Jazz Me Blues et Davenport Blues (1925), malgré un phrasé rythmique un peu gauche et une articulation et justesse perfectibles, on devine déjà une certaine sophistication qui va caractériser son jeu.

En 1927, pas de doute, le discours de Bix Beiderbecke est arrivé à maturation, comme le prouve son assurance et la classe qui imprègne ce qui est sans doute son plus beau solo sur Singin’ The Blues. J’aime aussi particulièrement ses solos sur Riverboat Shuffle et Way Down Yonder In New Orleans. Vous trouverez les transcriptions de ces 3 solos en fin d’article ↓ (clic droit sur l’image et « enregistrer sous » pour les télécharger).

Écoute des solos

Écoutez attentivement ces 3 solos, et prêtez attention au son de Bix, son articulation, et son sens du rythme :

Way Down Yonder In New Orleans :

Riverboat Shuffle :

Singin’ The Blues :

En écoutant attentivement ces 3 solos, on est d’abord frappé par le son du cornet, doux et velouté, un point commun à tous les trompettistes de l’école cool. Puis, c’est l’articulation du cornettiste qui force l’admiration, chaque phrase est rendue dynamique par un accent, une note piquée, ou une série de liaisons.

Enfin c’est seulement par l’écoute qu’on peut réellement saisir son aplomb rythmique. Bix est solidement ancré dans le tempo et ne manque pas de souligner les temps pour affermir la cohésion avec ses accompagnants, comme l’illustre un élément de langage récurrent de son vocabulaire, 3 noires jouées à la suite (voir Singin’ The Blues mesures 17 et 19, Way Down In New Orleans mesures 1 et 9, Riverboat Shuffle mesures 18 et 20) :

En outre, il n’hésite pas à employer le rythme du triolet de croches, chose peu répandue à l’époque. Un plan récurrent qu’il utilise à cet effet met en scène les 3 premières notes d’un accord de 7e montées avec un triolet (Way Down In New Orleans mesure 19, joué deux fois de suite dans Riverboat Shuffle à la mesure 17) :

La science harmonique de Bix Beiderbecke

Les transcriptions sont particulièrement utiles pour se rendre compte de sa maîtrise harmonique. On y découvre entre autres que Bix connaît sur le bout des doigts les arpèges des accords et les gammes afférentes, qu’il aime agrémenter de quelques chromatismes.

Sur un accord majeur, ses outils préférés sont les gamme pentatonique majeure et gamme blues majeure. Il alterne occasionnellement avec la gamme majeure, faisant ressortir des notes plus sophistiquées comme la 7e majeure ou la 2nde majeure (voir Way Down Yonder In New Orleans à la 3e mesure du solo ou Riverboat Shuffle sur tous les accords de Bb) :

(Nous sommes en La majeur, 3 dièses à la clé (Fa#, Do#, Sol#)

De manière générale, ses choix de notes correspondent principalement aux tétrades basiques des accords : fondamentale, 3ce, 5te, avec pour les accords majeurs la 6te et pour les accords « 7 » la 7e. Mais il s’aventure souvent du côté des extensions d’accord (9e, 11e, 13e*), ce qui est précoce pour l’époque. J’ai décrit ci-dessus son goût pour les 7e et 9e sur les accords majeurs, pour les accords « 7 », un bon exemple est la 3e mesure du solo de Singin’ The Blues où il fait sonner sur un C7 les 9e (Ré) et 13e (La puis La bémol) :

*
La 9e d’un accord correspond à la 2nde de la gamme, la 11e à la 4te, la 13e à la 6te.

Autre chose marquante, il n’hésite pas à isoler une note et la répéter, quitte à l’ancrer sur de longues plages comme avec la note Do des mesures 13 à 20 dans son solo sur Riverboat Shuffle. Il aime également alterner entre deux notes, prises au sein d’un accord (Way Down Yonder In New Orleans mesures 3 et 18, Riverboat Shuffle mesures 25 et 27-28), ou prendre une note grave (souvent Do ou Do dièse) qu’on entend parfois à peine et qui n’est souvent même pas notée sur les transcriptions (voir l’exemple ci-dessus sur l’accord A6 ou Singin’ the Blues mesures 7, 9 et 25, Riverboat Shuffle intro, mesures 12 et 23, Way Down Yonder In New Orleans mesures 4 et 26).

Ces éléments sont ceux qui m’ont le plus marqué, mais ces 3 solos sont des mines d’or de vocabulaire à vous approprier en les jouant encore, et encore ! Je remercie particulièrement l’excellent trompettiste et spécialiste de Bix Beiderbecke Malo Mazurié qui a mis à disposition les relevés de Singin’ The Blues et Riverboat Shuffle. Si vous souhaitez le remercier, faites un don sur son site internet et téléchargez d’autres transcriptions de Bix, Wynton Marsalis, Roy Hargrove… en plus de retrouver des informations sur sa musique (son nouvel album Takin’ the Plunge paraît ce mois-ci !). Malo m’a également conseillé la lecture de la biographie par Jean-Pierre Lion « Bix Beiderbecke, une biographie », et l’écoute d’Andy Schumm et Mike Davis qui perpétuent l’héritage de ce cornettiste outre-atlantique.

Bix Beiderbecke : 3 solos retranscrits

Clic droit sur l’image et « Enregistrer sous » pour la télécharger. Ces transcriptions sont présentées un ton en dessous de la hauteur réelle des notes, en tonalité de transposition Bb. Si vous désirez les transcriptions en Ut, en Eb, en clé de Fa… cliquez sur les liens ci-dessous :

Pour la partition en Ut, clé de Fa… Contactez Malo Mazurié ici.

Un lecteur averti me souligne que le Singin’ The Blues de Bix est composé par J. Russel Robinson et Con Conrad ! Le Singin’ The Blues de Melvin Endsley est un autre morceau…

Pour la partition en Ut, clé de Fa… Contactez Malo Mazurié ici.

Conclusion

Je remercie également Fabrice Wambergue de l’Atelier W à Montreuil pour les images du cornet Conn Victor 80A de 1923 comprises dans cet article, dont il a effectué une restauration en 2019 (plus d’infos sur son site internet : atelierwparis.com/restauration-cornet-conn-victor-1923).

Si Bix Beiderbecke vous intéresse, creusez mes autres sources : les relevés de Jacques Gilbert, bixography.com, et sa page française sur Wikipedia.

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Jazz : les meilleures ressources en ligne pour progresser

Bonjour à vous cher(è) lectrice ou lecteur ! Si vous lisez cet article, vous voulez progresser dans votre pratique du jazz. Dans cette publication, j’ai voulu recenser les meilleures ressources en ligne à explorer pour vous aider dans ce but.

⚠️ Cet article est collaboratif : si une ressource vous a particulièrement aidé dans votre apprentissage et que vous aimeriez la partager avec le reste de la communauté, indiquez-la en commentaire, je l’ajouterai au corps de la publication ! ⚠️

Ces ressources sont classées par notion, puis par instrument, avec en premier lieu les sites francophones, puis anglophones.

Ressources générales

Commençons par le plus important, votre immersion dans l’univers du jazz. Plus vous en écouterez, de préférence en live, et mieux vous en jouerez ! Pour vous y aider :

Festival Jazz 360

Le site Festival Jazz 360 a pour but de recenser tous les festivals de jazz, en France et à travers le globe, avec la programmation, des infos pratiques sur chaque festival…
En prime, retrouvez des articles sur l’histoire du jazz, ses instruments, ses sous-styles…

Smalls Live

Et si vous pouviez vous connecter chaque soir à un des plus célèbres jazzclub au monde pour assister à des concerts d’artistes d’envergure internationale, se produisant à New York ? C’est ce que propose le club Smalls/Mezzrow, grâce à des retransmissions en direct de sa programmation sur Youtube ou sur le site. Accédez également à des centaines de concerts en archive sur Youtube.

Radio France

La programmation Jazz de Radio France est pleine de podcasts comme Open Jazz, Club Jazzafip
Pour rester à l’affût des dernières nouveautés, ou revivre des concerts incontournables.

Web Radios

Immergez-vous dans un océan de jazz grâce aux web radios TSF Jazz, Couleurs Jazz Radio, Art District Radio.

Progresser en Improvisation

En premier lieu, je ne saurai que vous recommander les nombreux articles et vidéos disponibles sur Jazzcomposer.fr ! Ceci étant dit, voici une sélection des ressources qui ont été les plus précieuses aux membres de la communauté :

Les exercices d’improvisation Eduardo Kohan

Plus de 100 exercices publiés depuis 2007 dans le mensuel Viva la Música de l’AMR (Association pour l’encouragement de la musique improvisée) à Genève.

La chaîne de Stan Laferrière & Docteur Jazz

« Chaîne officielle de Stan Laferrière, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre & du blog pédagogique Docteur Jazz »

La chaîne de David Sauzay

« Une chaîne pour partager des vidéos de live, de studio et beaucoup de cours pédagogiques pour découvrir ma philosophie ! »

CNP Music

Contient de nombreux cursus d’improvisation, entre autres cours (théorie, composition, analyses de standards…)

En anglais :

Progresser en Théorie

Jazzcomposer.fr

Jazzcomposer.fr est la 1ère ressource francophone dédiée à l’apprentissage de la théorie du Jazz. Épluchez la catégorie d’articles dédiée intitulée « Théorie » pour y trouver votre bonheur, ou pour un apprentissage approfondi, considérez les cours en lignes et méthodes.

Composer sa musique

Ces site et chaîne Youtube menées avec brio par Alex Koutso relèvent le défi de rendre l’apprentissage du solfège accessible et ludique !

Mamie-Note

Malheureusement, ce qui pourrait passer pour le meilleur site de vulgarisation de la théorie musicale n’est plus mis à jour par son créateur, n’ayant pas rencontré le succès escompté. Pourtant… Ça vaut le détour, particulièrement pour la bonne dose d’humour contenue dans les publications !

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En anglais :

Progresser en connaissance du Répertoire

Repassez-moi le standard

La superbe émission de Laurent Valero Repassez moi le standard revient à l’origine des standards en nous faisant découvrir de nombreuses versions, à travers les âges.

Be’swing

Be’swing est un groupe de jazz événementiel ayant eu la bonne idée d’ajouter à leur site un menu « Principe du jazz » comportant une section théorique avec accords, gammes…, mais surtout une section reprenant l’histoire du jazz condensée, et une autre avec des suggestions de groupes incontournables à écouter.

iReal Pro

Plus un outil qu’une ressource, l’appli iReal Pro est un allier de taille pour vous aider à progresser ! Outre son répertoire de grilles sans cesse alimenté, la possibilité d’écouter les accompagnements et de les varier (style/instrumentation), on apprécie l’outil de visualisation d’accords/gammes du morceau..

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En anglais :

Progresser en Oreille/Rythme

Jazzcomposer.fr

Jazzcomposer.fr vous propose un programme de relevé de lignes de basse, pour entraîner votre oreille à entendre cet instrument particulier ; et également un cours de Rythme.

EarMaster

La célèbre appli de reconnaissance de sons propose aussi des cours rythmiques.

Meludia

Meludia repose sur la méthode d’écoute SEMA – Sensations Emotions Mémoire Analyse – créée par Vincent Chaintrier. Fruit de 25 ans d’enseignement auprès de 3000 musiciens, meludia a reçu la médaille d’or du prestigieux concours Lépine en 2014.

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Progresser sur son Intrument

Ne jouant pas de tous les instruments, je ne peux pas inclure des ressources que je ne connais pas ! À vous de partager en commentaire les pédagogues qui vous font progresser, selon votre instrument. Merci d’avance !
(Si votre instrument ne figure pas à la liste, mentionnez-le, je l’ajouterai !)

Piano

En anglais :

Guitare

En anglais :

Saxophone – Clarinette

En anglais :

Trompette

En anglais :

Basse

Chant

En anglais :

Violon

Trombone

En anglais :

Batterie

En anglais :

Accordéon

En anglais :

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3 ERREURS que tout le monde fait sur ces standards : All Of Me, Bye Bye Blackbird, Take The A Train

Comme tout langage, le Jazz évolue avec le temps. On peut le constater en étudiant son harmonie, qui s’est progressivement colorée notamment grâce à l’utilisation des modes. Mais, comme nous allons le voir dans cet article, elle s’est également appauvrie au niveau de la variété des progressions d’accords. C’est particulièrement notable sur les grilles de ces 3 standards que vous connaissez à coup sûr : All Of Me, Bye Bye Blackbird, Take The A Train.
Sans le savoir, vous jouez sans doute des versions éloignées des compositions originelles, comportant peut-être des erreurs au niveau des accords ou carrément de la mélodie !

All Of Me (1931) – Gerald Marks & Seymour Simmons

All Of Me est un des standards de jazz les plus joués par les grands jazzmen, il a connu beaucoup d’harmonisations différentes selon les arrangeurs. Selon mes recherches, l’harmonisation originelle a tenu pendant environ deux décennies pour progressivement disparaître, entraînant carrément la modification d’une note du thème !

Seule la phrase de conclusion est concernée, la mesure 29 précisément. Prenons la tonalité de Do majeur, il est certain que vous jouiez cette phrase comme ceci :

Cela ne correspond pas à la version originale et celles qui ont suivi (notamment de Louis Armstrong, Dean Martin, Peggy Lee…). Au fil du temps, une note a changé, le La, qui de base était… bémol !

Remarquez que l’accord D-7 est modifié, il n’est plus adapté pour harmoniser la note La bémol. À la place, les compositeurs ont privilégié un D-7b5, qui peut être analysé en tant que iind degré, mais en Do mineur. Cette cadence est donc plus expressive qu’un simple ii V I en Do majeur, on esquisse un début de résolution en mineur en assombrissant l’harmonie, pour finalement résoudre de manière éclatante en majeur. C’est la même cadence qui conclue le standard Stella By Starlight.

Écoutez donc (D-7b5 – G7 – C6) :

Par rapport à la version communément jouée (D-7 – G7 – C6) :

Au final, je ne pense pas qu’on puisse considérer que jouer La bécarre soit une erreur, mais c’est certainement un appauvrissement, ce que je trouve dommage. Militons pour la réhabilitation du La bémol !

Take The A Train (1939) – Billy Strayhorn & Duke Ellington

Autre standard incontournable, Take The A Train a dès ses premières années d’existence été joué avec une erreur au sein de sa mélodie, que vous interprétez sans doute ainsi :

Au lieu de :

Duke Ellington maintient cette dernière version tout au long de sa carrière, malgré que d’illustres jazzmen jouent un Ré bécarre, Ella Fitzgerald en tête.

Le Ré bémol étant un chromatisme, il est plus délicat à faire sonner, et donne un caractère plus sinueux et imprévisible à la mélodie. Cela sied bien à l’histoire que raconte le thème, la description d’un trajet mouvementé en métro.

Faites-y attention la prochaine fois que vous jouerez ce thème !

Bye Bye Blackbird (1926) – Ray Henderson & Mort Dixon

Bye Bye Blackbird est l’exemple typique du standard de jazz composé dans les années 20 ayant traversé les âges et les styles, notamment grâce à des actualisations d’harmonisation.
On pourrait lui dédier un article entier, mais je ne vais vous parler ici que des 4 premières mesures.
Voici la mélodie et l’harmonisation originelle :

Faisons un bond dans le temps, voici la version communément jouée aujourd’hui, voyez-vous ce qui cloche ?

La deuxième mesure est harmonisée avec les iind et Ve degrés de la tonalité, la note Mi sonne maintenant comme la 13e de l’accord G7, ce qui est un véritable enrichissement. Le problème se trouve au niveau de la 4e mesure qui comprend la note Do, tonique, note de résolution à l’échelle de la tonalité, avec pour harmonisation un G7, le Ve degré de la tonalité, l’accord le plus tendu !
Cela ne fonctionne pas harmoniquement parlant.

Je pense que cette harmonisation est dérivée de celles de Miles Davis et John Coltrane, qui jouaient souvent ce thème avec pour ces 4 mesures seulement un Ier degré :

On comprend cette version en considérant leurs expérimentations du côté du jazz modal, notamment les morceaux de l’album Kind Of Blue comme So What ou Flamenco Sketches qui comprennent de longues plages d’un même accord.

Si vous accompagnez et tenez à jouer cette grille avec cette harmonisation, prenez garde à la mélodie et teintez le Ve degré de la 4e mesure d’une couleur 7sus4, cela résoudra le conflit harmonique.

Je vous conseille cependant de jouer et propager autour de vous l’harmonisation originelle, voire, si vous aimez l’aventure, de tester celle-ci issue d’enregistrements de Ben Webster ou Chet Baker :

Conclusion

De manière générale, si vous voulez vraiment maîtriser un morceau, il est nécessaire que vous soyez au fait de ses évolutions mélodiques et harmoniques pour pouvoir réagir dans diverses situations. Dans un contexte de jam, il n’est pas rare que les gens que vous côtoyez sur scène ne connaissent qu’une version précise du morceau. Si vous en jouez une différente, vous paraîtrez déconnecté·e du reste du groupe, à vous de vous adapter pour bien sonner.

Un bon réflexe à adopter est donc d’écouter de nombreuses versions des thèmes que vous souhaitez jouer, notamment la première enregistrée, et d’essayer de constater les changements d’harmonisations au fil du temps.
Vous apprendrez ainsi le langage à sa source et éviterez le prisme déformant des Realbooks ou d’Ireal Pro, outils bien pratiques mais truffés d’erreurs…

Bien sûr, cela nécessite que vous entraîniez votre oreille pour entendre ces changements de notes, voire d’harmonie. Ce n’est pas un travail facile, mais vous pouvez y arriver avec les bonnes méthodes et les bons outils. Si vous voulez progresser sur ce point, j’ai écrit un article complet sur le relevé de solo dont les conseils s’appliquent également à cet exercice. En prime, je vous donne le solo parfait à relever pour vous faire la main :

Comme d’habitude, si cet article vous a appris des choses, partagez-le à vos collègues jazzwomen et jazzmen ! Pour ne manquer aucune publication de Jazzcomposer.fr, abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire :

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Tout savoir sur le RELEVÉ de SOLO (astuces, outils, intérêt…)

J’ai rédigé cet article pour TROMPETTISTE(S) MAGAZINE, la revue 100% trompette traitant aussi bien de classique que de jazz. Si vous êtes trompettiste et cherchez à vous cultiver sur votre instrument, découvrir ses virtuoses d’hier et d’aujourd’hui, abonnez-vous en suivant ce lien :

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En tant que jazzwoman ou jazzman, vous avez sans doute rencontré au cours de votre parcours un exercice délicat : le relevé de solo. Si jamais la difficulté de la tâche vous a découragé, ou que vous manquez de motivation pour vous y mettre sérieusement, cet article vous est destiné.
Et si jamais vous débutez en jazz et que vous n’avez jamais entendu parler de cet exercice, commençons par établir la base :

Qu’est-ce que le relevé de solo ?

Le relevé de solo est un exercice consistant à apprendre d’oreille un solo contenu dans un enregistrement, pour ensuite le jouer à notre tour le plus fidèlement possible. Au delà de la simple restitution des notes et des rythmes, vous devez incarner l’instrumentiste que vous relevez, en copiant toutes ses mimiques, ses erreurs, ses intentions de jeu, afin de vous en imprégner.

Vous pouvez aussi choisir d’écrire votre relevé sur une partition, on parlera alors de « transcription », cela peut être utile pour l’analyser dans le détail.

Rien ne vous oblige à relever un solo dans son entièreté. Vous pouvez cibler ce qui vous plaît le plus à l’intérieur, fût-ce une grille entière, une section, ou seulement une ou deux phrases… Également, rien ne vous oblige à relever exclusivement des solos de votre instrument. Comme je le précise ci-dessous, copier les grandes figures de votre instrument est essentiel pour s’inscrire dans sa tradition, mais de nombreux trompettistes ont innové en adaptant le vocabulaire de pianistes, de guitaristes, de saxophonistes…

Quel est l’intérêt du relevé de solo ?

Aux débuts du jazz, tous les outils pédagogiques dont nous disposons aujourd’hui (méthodes, écoles, vidéos sur internet…) n’existaient pas ! Pour apprendre, les musiciens devaient généralement écouter et répéter d’oreille les morceaux qu’ils voulaient jouer.
Ainsi, le grand trompettiste Louis Armstrong a commencé sa carrière avant de savoir lire une partition. Au sein des orchestres où il se produisait, il demandait à d’autres instrumentistes de lui jouer les mélodies qu’il retenait ensuite.

Le trompettiste et chanteur de jazz Louis Armstrong, 1953, Library of Congress Prints and Photographs Division

Cette tradition orale s’est étendue ensuite à l’improvisation, les jazzmen usant des 33 tours en repassant des passages en boucle afin de reproduire les phrases de Charlie Parker, Coleman Hawins… Ou bien sûr d’Armstrong, qui a été un des premiers à réserver une place centrale aux solos au sein de ses arrangements.

Le relevé est donc une manière d’apprendre à jouer du jazz alternative à la lecture d’une partition. Cette approche orale est beaucoup plus pratique que l’écrit pour apprécier toute l’étendue du jeu d’un instrumentiste : nuances, articulation, phrasé, intention… Elle est donc plus adaptée pour nous en imprégner à notre tour. Également, elle améliorera votre oreille, ce qui vous permettra de jouer plus facilement sans partition, d’entendre quand votre section rythmique réharmonise la grille, de jouer des riffs spontanés avec un autre soufflant…

Mais le relevé de solo est bien plus qu’une méthode d’apprentissage. Si vous écoutez beaucoup de jazz, vous avez pu remarquer qu’au fil du temps se forment de véritables lignées d’instrumentistes s’inscrivant dans le sillage les uns des autres. Par exemple, chez les trompettistes, Freddie Hubbard s’est inspiré de Lee Morgan, qui s’est lui-même inspiré de Clifford Brown, qui s’est lui même inspiré de Fats Navarro, etc…
Cette filiation s’entend d’emblée grâce aux timbres de leurs sons de trompettes, très riches et puissants. Mais en s’intéressant à leurs jeux, on remarque qu’ils contiennent des similitudes au niveau de la manière de phraser, d’articuler, d’ornementer… On remarque même de petits éléments de langage récurrents comme celui-ci :

Un exemple de Clifford Brown dans sa cadence à la fin de Once In A While.

Il s’agit d’un plan utilisant la gamme par tons qu’on peut même entendre chez des trompettistes plus modernes comme Wynton Marsalis. Ce fragment de langage traversant les âges est la preuve concrète que les plus grands jazzmen écoutent leurs aînés et leurs piquent des idées pour alimenter leur vocabulaire, et innover à partir de cette base.

En relevant vous aussi les solos des jazzmen que vous vénérez, vous vous forgerez un véritable style de jeu qui vous caractérisera en tant qu’instrumentiste.

Quels sont les difficultés du relevé de solo, et comment les surmonter ?

Si vous vous y êtes déjà essayé, vous savez que relever un solo est loin d’être une tâche facile ! J’ai sélectionné quelques problèmes que vous pourriez rencontrer en vous donnant à chaque fois des conseils pour les résoudre.

1. Relever des solos est difficile car les jazzmen sont virtuoses…

Certes, nous avons tous et toutes dans l’oreille des solos de Dizzie Gillespie ou Freddie Hubbard débitant des double-croches par centaines et stationnant des heures durant au-dessus du contre-ut… Cependant, plus que tout autre instrument ayant marqué le jazz, la trompette est également reconnue pour ses qualités mélodiques. Cet instrument possède donc un grand répertoire de solos accessibles, voici quelques exemples :

  • Le trompettiste Chet Baker est reconnu pour ses qualités de mélodiste. N’étant pas un grand technicien, ce qu’il a produit s’avère facile à jouer même quand on débute sur l’instrument. Je vous recommande tous les solos des albums Chet Baker Quartet featuring Russ Freeman, Chet Baker Sings, Chet.
  • Doté d’une meilleure technique, Miles Davis est également un poète de l’instrument. Ses solos sur Four, Solar, On Green Dolphin Street, So What, Freddie Freeloader… sont des incontournables.
  • Enfin, je vous suggère de relever un trompettiste beaucoup moins connu, mais tout aussi pertinent quand on débute : Harry « Sweets » Edison. Il s’est notamment illustré dans le pupitre de trompettes de l’orchestre de Count Basie, ou accompagnant Billie Holiday, il a rendu iconique le son de la sourdine harmon avec extension wah wah. Tous ses solos sont de véritables leçons de swing, écoutez et relevez tout l’album Patented By Edison.

Photo portrait of American jazz trumpeter Chet Baker, 1955, Distributed by Joe Glaser’s Associated Booking Corporation

Miles Davis à Antibes dans la nuit du 26 au 27 juillet 1963. À gauche, Ron Carter. À droite, Tony Williams, Own Work, Mallory1180, CC 4.0

American jazz trumpeter Harry « Sweets » Edison in Paris, France, 5 May 1980, Own work, Lionel Decoster, CC 3.0

2. Retrouver les notes nécessite une bonne oreille.

Sur ce point, il n’y a pas de raccourcis, il faut entraîner votre oreille pour reconnaître les notes jouées dans le solo. Bonne nouvelle : plus vous le ferez, plus ce sera facile !

Dans un premier temps, vous pouvez vous aider de votre instrument ou d’un piano et comparer les notes que vous jouez à celles qui sont jouées sur l’enregistrement. Mais à terme, votre objectif doit être, à partir de la première note jouée, de pouvoir déduire les autres sans aide extérieure, en reconnaissant les intervalles qui les séparent. Cette compétence s’appelle l’oreille relative, il existe de nombreux logiciels et applications conçus pour l’entraîner (je recommande Chet et Ella sur iOS, Complete Ear Trainer sur Android).

L’oreille absolue, soit la capacité de reconnaître la hauteur d’une note sans référence préalable, est un excellent outil qui vous aidera énormément pour relever plus facilement, mais vous pouvez très bien vous en sortir sans. Je vous encourage à la développer si vous êtes jeune et que vous entendez déjà quelques notes (par exemple le La ou le Do). Sinon, concentrez vos efforts sur le développement de votre oreille relative.

Laissez-moi vous donner un dernier conseil, basé sur mon expérience personnelle :

Au début de mon parcours, je m’étais mis en tête de relever un morceau de Bill Evans pour pouvoir le rejouer au piano. Mais, avec au moins 7 sons différents par accord, tout ce que je parvenais à entendre était un vaste brouillard sonore, très joli, mais complètement flou ! J’ai donc abandonné.
Quelques mois plus tard, j’ai lu par curiosité le Jazz Piano Book de Mark Levine (l’auteur du Jazz Theory Book). J’ai reproduit non sans mal mais avec grand plaisir les voicings sophistiqués, techniques d’harmonisation, modes alambiqués qu’il contenait. Par hasard, je suis ensuite revenu à mon relevé abandonné, pour me rendre compte avec stupeur que j’arrivais maintenant à distinguer avec précision ce que jouait Bill Evans.
Mais, plus puissant encore, partant de mes nouvelles connaissances théoriques et de ma mémoire des sonorités que je m’étais habitué à jouer, j’arrivais à déduire en avance les notes intermédiaires des voicings, ce qui s’avérait particulièrement utile quand elles n’étaient pas jouées très fortes.

Pour arriver à ce stade-là vous aussi, je vous conseille de chanter les thèmes, solos, gammes, modes, arpèges… que vous apprenez pour les ancrer dans votre oreille. Soyez curieux, plus vous jouerez de formes différentes, plus vous serez à même de les reconnaître dans le discours d’instrumentistes.

4. Relever les rythmes exacts est un vrai casse-tête !

À se focaliser sur les hauteurs de notes, on en oublie vite le rythme, discipline dans laquelle les jazzmen excellent particulièrement. Le même conseil énoncé ci-dessus s’applique : habituez-vous à jouer une multitude de figures rythmiques dans des débits variés.

Par exemple, si vous ne savez pas ce qu’est un triolet de noire et ne savez pas le noter sur une partition… vous ne pourrez pas l’entendre comme tel au cours d’un solo, et le confondrez avec un autre, proche, que vous avez dans l’oreille comme croche – noire – croche. Ce qui vous amènerait à penser, par dessus le marché, que l’instrumentiste n’est pas précis !

Également, les trompettistes et les saxophonistes ont tendance à se placer en arrière du temps, et donc à jouer des phrases qui vous paraîtront « en retard ». Sur une partition, notez le rythme tel qu’il a été pensé par l’instrumentiste même s’il a été exécuté avec un placement farfelu.

Généralement, tout ce que jouent les jazzmen est quantifiable, donc peut se noter avec des valeurs rythmiques traditionnelles… Même s’il faut parfois reconstituer ce qu’a « pensé » l’instrumentiste. Encore une fois, votre culture rythmique va vous y aider, c’est aussi à cet effet que j’ai créé le cours complet de rythme de Jazzcomposer.fr.

5. Le solo que je relève est particulièrement difficile. Existe-t’il des outils pour m’aider ?

Quand vous relèverez des virtuoses comme le trompettiste Clifford Brown ou le saxophoniste Charlie Parker, vous rencontrerez forcément une phrase trop rapide pour pouvoir être relevée. Je vous conseille de prendre comme source un morceau hébergé sur la plateforme Youtube et d’y ralentir l’audio en allant dans les paramètres du lecteur (la petite roue crantée) et « Vitesse de lecture ».

Si vous avez accès au fichier audio sur votre ordinateur ou téléphone, le logiciel open-source VLC vous donne encore plus de flexibilité pour ce faire, en allant dans le menu « Lecture » et en ajustant le paramètre « Vitesse de lecture ».

Si vous vous perdez dans un solo contenant de longues phrases alambiquées, vous pouvez vous aider d’un logiciel comme Audacity pour réaliser un marquage des mesures, et ainsi procéder étape par étape.

Importez votre fichier audio dans le logiciel, lancez la lecture et maintenez les touches « CTRL » et « MAJ » (ou « CMD » et « MAJ » si vous êtes sur Mac) appuyés. À chaque début de mesure, appuyez sur la touche « . ; » de votre clavier. Un marqueur apparaîtra sur une piste dédiée, vous pourrez même le renommer pour indiquer le numéro de la mesure par rapport à la grille.

Sélectionnez ensuite la ou les mesures qui vous intéressent en cliquant (sur la piste audio) à l’emplacement d’un marqueur et en déplaçant votre curseur jusqu’au marqueur suivant (en maintenant le clic appuyé). En lançant la lecture, vous n’entendrez que les mesures qui vous intéressent. Vous pouvez même faire tourner cette région en boucle en appuyant sur la touche « L » et en lançant la lecture.

Enfin, si vous avez jeté votre dévolu sur un enregistrement ancien ou mal mixé, vous peinerez à entendre distinctement l’instrumentiste que vous relevez (c’est particulièrement avec les contrebassistes). Malheureusement, on peut rarement faire des miracles pour améliorer la qualité d’un fichier audio. Je vous conseillerai donc de prime abord de relever des solos contenus dans des disques enregistrés en studio, à partir des années 50.

Mais… Ce n’est pas tout à fait vrai, il existe bien une solution qui tient du miracle pour extirper un instrument noyé dans un mauvais mix : l’intelligence artificielle ! Ainsi, il existe depuis peu des logiciels permettant d’isoler des instruments au sein d’un enregistrement, notamment l’application Moses.ai ou le site internet Lalal.ai.
Cela fonctionne particulièrement bien avec des morceaux récents et des instrumentations traditionnelles.

Soit dit en passant, vous pouvez également vous servir de ces applications pour créer des playbacks de rêve à partir d’enregistrements célèbres, en retirant du mix l’instrument soliste…

Faites-un essai en cliquant sur l’image ci-contre :

lalal

Tous les outils cités dans cette partie vont vous aider à relever plus facilement, mais attention à ne pas vous en servir comme béquilles ! Sauf cas exceptionnellement ardu, vous devez à terme être capable de relever comme les jazzmen qui vous ont précédé, uniquement avec l’enregistrement et du papier à musique.

Conclusion

J’espère que cet article a répondu à toutes vos questions concernant le relevé de solo, et a pu vous donner des pistes pour résoudre les problèmes que vous rencontrez en faisant cet exercice.

Pour conclure, j’aimerais vous donner une mission, en particulier si vous n’avez jamais relevé de solo de votre vie. J’ai déniché le solo parfait pour vous mettre le pied à l’étrier, il s’agit de 2 grilles de blues en Do jouées par le trompettiste Clark Terry lors d’une masterclass donnée à la RTS en 1969 :

Clark Terry fait la démonstration d’une improvisation sur le blues en n’utilisant qu’une seule note dans la 1ère grille, 2 notes dans la 2e, et 3 dans la 3e (mais elle est moins bien, arrêtez-vous à la 2e). Vous ne devriez donc pas avoir de soucis à entendre les hauteurs de notes, et pourrez pleinement vous concentrer sur le rythme. Précision : le morceau commence à 1’19, sachant que Clark Terry commence à jouer à la 5e mesure de la première grille.

Vous trouverez la transcription de ce solo à cette page :

https://jazzcomposer.fr/wp-content/uploads/2022/12/Clark_Terry_solo_rythmique.pdf

Comme d’habitude, si cet article vous a appris des choses, partagez-le à vos collègues jazzwomen et jazzmen ! Pour ne manquer aucune publication de Jazzcomposer.fr, abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire :

Si vous avez une interrogation particulière concernant cet article, indiquez-la en commentaire. Je serai ravi de vous répondre.

Et vous, quel est votre niveau en rythme ?

Chère lectrice, cher lecteur, si vous me suivez depuis les débuts de Jazzcomposer.fr, vous savez que j’attache une importance particulière au RYTHME.

Tout jazzman pourra vous le confirmer, le rythme, en jazz, c’est important. Peut-être même plus que connaître l’harmonie des grilles, c’est dire !

Mais voilà : là où les ressources pour progresser en harmonie sont légion (on ne compte plus le nombre de livres d’harmonie qui vous mèneront de zéro à Brad Mehldau), côté rythme… ce n’est pas la même histoire.

Sans ouvrages ou méthodes de référence connus et répandus, comment vous auto-évaluer ? Comment savoir précisément quelles sont vos lacunes ? Quels points clés travailler pour vous améliorer ?

Pour répondre à ces questions, je vous propose dans cet article de passer en revue toutes les compétences (ou presque) que renferme la maîtrise du rythme, en jazz. J’en ai listé 6, que j’ai classé par ordre d’importance.

Après avoir lu tout cela, je vous garantis que vous saurez exactement quoi travailler pour progresser en rythme !

1. Connaître les différentes rythmiques

À la base de toute votre pratique du rythme se trouve… La musique. Chaque morceau que vous jouez s’inscrit dans une esthétique musicale, dont découle une rythmique particulière.

Vous conviendrez qu’un morceau de Louis Armstrong n’a rien à voir avec un morceau de Michael Jackson. Au-delà de l’époque et de l’instrumentation, la différence principale entre les deux esthétiques se trouve au niveau des rythmiques, et ce qui les caractérise :

  • Le tempo ;
  • La découpe du temps (binaire, ternaire, entre les deux ?)
  • La métrique ;
  • Des claves/vamps/riffs caractéristiques ;

Si je viens de vous perdre avec ces quelques mots de vocabulaire, ouvrez le lexique essentiel de la théorie du jazz de Jazzcomposer.fr (cliquer sur ce lien ouvrira l’article dans un nouvel onglet).

Cette première compétence fait donc appel à votre culture musicale. Le jazz est une musique métissée, née de fusions et ayant fait éclore une multitude de sous-styles. Si vous connaissez les caractéristiques de ces esthétiques, alors vous pouvez comprendre ce que joue la section rythmique de votre groupe, et ainsi jouer avec elle, sonner « en place », vous amuser avec elle…

Concrètement, en développant votre connaissance de ces différentes rythmiques, vous connaîtrez les différents canevas sur lesquels placer vos notes rythmiquement. C’est primordial, car comme vous pourrez le lire dans le point suivant, tout ce que vous jouez doit être « quantifiable », donc s’aligner avec le débit et le tempo que joue la rythmique.

Voici plusieurs paliers de maîtrise de cette compétence :

Niveau 1

Vous connaissez les rythmiques de base des styles les plus courants :

  • Le swing

Splanky, Count Basie Orchestra

  • La bossa-nova

Wave, A. C. Jobim

  • Les rythmiques binaires dérivées de la bossa et du rock (« even eights » en anglais, pour « croches binaires »)

Cold Duck Time, Eddie Harris

Niveau 2

Vous connaissez les rythmiques jouées moins fréquemment dans notre pratique du jazz :

  • Les rythmiques afro-cubaines

African Skies, Michael Brecker

  • Le rock/funk

Sex Machine, James Brown

  • La Samba

Som De Carnaval (Percussão E Batuque), Baden Powell

  • La musique cubaine

The Latin Trane, Arturo Sandoval

Niveau 3

Vous connaissez des rythmiques spéciales, spécifiques à un morceau ou un groupe :

  • La rythmique du morceau Pensativa

Pensativa, Art Blakey & The Jazz Messengers

  • Des rythmiques binaires dérivées de la bossa mais plus libres et ouvertes

Bright Size Life, Pat Metheny

  • Le Flamenco
  • Le Tango

Tango Magnifique, Lars Danielsson

Bien sûr, cette liste est non-exhaustive, mais le principal est là.

Pour maîtriser ces rythmiques, vous devez être en mesure de répondre à ces questions :

  • Quel est la métrique de base de cette rythmique ?
  • Quel est le tempo dans lequel elle est principalement jouée ?
  • En quel débit est découpé le temps, quel est le nombre de subdivisions ? (Si le temps est découpé en 2 croches ou 4 double-croches -> la rythmique est binaire. S’il est découpé en 3 croches -> la rythmique est ternaire)
  • Y a-t-il une clave à connaître ?

Une fois que ces différents paramètres seront clairs pour vous, il sera temps de pratiquer. Voici un exercice que j’apprécie :

Prenez un enregistrement connu et reconnu, caractéristique du style que vous souhaitez maîtriser. Entraînez-vous à jouer sur l’enregistrement des phrases dans le débit de base de la rythmique. Ici, l’essentiel n’est pas le choix de vos notes par rapport à la grille, concentrez-vous sur la sensation d’être « en place » avec les grands jazzmen qui vous accompagnent.

2. Savoir jouer dans tous les débits

Le débit de notes est le nombre de notes que vous jouez dans votre phrase. Plus il est grand, plus vous jouez de notes.
En musique, « les débits » sont les unités de mesure de la durée de vos notes.

Voici les principaux :

Si vous avez besoin de précisions pour maîtriser ces différents débits, indiquez-le en commentaire de cet article ! J’en écrirai un dédié si le besoin est partagé.

Pour « jouer en place », toutes vos notes doivent être quantifiées. Ce mot doit vous parler si utilisez logiciels de MAO, sinon, laissez moi vous expliquer en d’autres termes :

Chaque note que vous jouez doit correspondre précisément à une subdivision du temps. Si ce que vous jouez flotte entre différents débits sans jamais se raccrocher à un précisément, alors vous ne serez pas précis·e rythmiquement.

Quand vous relevez les grands jazzmen, il n’y a jamais de doute quant au débit de leurs notes. Par exemple, vous pouvez toujours dire qu’ils jouent ce segment de phrase en triolets de noire, puis en croches, en double-croches, etc…

Pour maîtriser cette compétence, voici différents paliers :

Niveau 1

Vous jouez et pouvez alterner différents débits de base :

  • Noires

Twenty – Forty, Harry « Sweets » Edison

  • Croches

So What, Miles Davis

  • Blanches
  • Rondes
  • Noires pointées

Niveau 2

Vous jouez des débits avancés, plus rapides et virtuoses :

  • Triolets de croches

Delilah, Clifford Brown

  • Double-croches*

Sandu, Clifford Brown

*J’ai choisi exprès un extrait commençant avec une majorité de débit de triolet de croche, pour que vous entendiez bien la différence avec les double-croches qui viennent ensuite

  • Sextolets
  • Triples croches

Niveau 3

Vous pouvez superposer des débits ternaires sur une rythmique binaire et inversement :

  • Croches binaires et Double-croches sur une rythmique swing :
    (Voir exemple précédent)
  • Triolets de noire sur une rythmique binaire*

Girl From Ipanema, Big Band MDK Sokolov

*Cet extrait commence par 4 mesures de noires et croches binaires. Écoutez bien la différence avec le débit ternaire des triolets de noire qui vient ensuite.

  • Duolets/Quartolets de croches/noires sur une rythmique ternaire :

Footprints, Bobby Matos and his Afro-Cuban Jazz Ensemble

4. Être à l’aise dans tous les Tempos…

Le tempo est la vitesse du morceau, il se calcule en bpm (battements par minute) et correspond à un débit particulier. Par exemple :

Noire = 120 signifie que 120 noires se succéderont en 1 minute.

Il faut absolument vous entraîner à jouer à tous les tempos, car nous sommes naturellement à l’aise sur certains, et d’autres, beaucoup moins.
Sur des tempos que nous ne maîtrisons pas, nous avons tendance à presser ou ralentir, donc à se raccrocher à un tempo sur lequel nous sommes plus confortables… Si vous ne jouez pas dans le même tempo que le reste du groupe, vous n’allez pas sonner « en place ».

Voici différents paliers de maîtrise :

Niveau 1

Vous pouvez jouer des tempos Medium compris entre 100 – 150 bpm

Niveau 2

Vous pouvez jouer des tempos extrêmes : Medium-Up (150 – 200), Up (200 – ??), et Ballad (60 – 100)

Niveau 3

Vous réussissez à changer de tempo en cours de morceau. L’exemple le plus courant est de doubler le tempo quand on joue une balade, voici un exemple (écoutez à partir de 2’35) :

Également, il est important de savoir jouer en tempo sans rythmique (un bon exemple du saxophoniste Chris Potter ici).
Comme pour la maîtrise des débits, si vous voulez caler votre horloge interne sur celle des autres, encore faut-il qu’elle soit stable, et régulière. Il vous faut donc travailler sans l’aide d’un play-back pour consolider ce tempo intérieur (un exercice privilégié des jazzmen est d’utiliser un métronome en le faisant sonner seulement sur le 1er temps de la mesure).

5. … Et toutes les Métriques

La métrique est le nombre de temps dans une mesure. Une métrique impaire ne va pas donner les mêmes sensations qu’une rythmique paire, on y est souvent moins confortable, et on risque plus facilement de se perdre dans la mesure !

Niveau 1

Vous maîtrisez le 4 temps, autant ternaire (swing, afro-cubain) que binaire (bossa-nova, funk…)

Niveau 2

Vous jouez sans vous perdre en 3 temps (par exemple : Someday My Prince Will Come) et en 5 temps (comme l’emblématique Take Five).

Niveau 3

Vous jouez des métriques impaires complexes : 7 temps, 9 temps…

5. Bien gérer son Placement

Cette compétence est un peu la cerise sur le gâteau. Travaillez-la quand vous maîtriserez les précédentes, au moins jusqu’au niveau 2 pour chaque.

Le placement rejoint la compétence n° 3 du tempo, mais à une échelle plus réduite. Il va déterminer si vous placez vos notes soit précisément sur le temps, soit en arrière du temps (laid-back), ou en avant du temps.

Par exemple, le saxophoniste Dexter Gordon a un des placements les plus laid-back qu’on puisse entendre dans un disque de jazz, il est à la limite de ne plus sonner en place :

Pour bien entendre la différence avec un placement moins laid-back, écoutez la version de Charlie Parker du même morceau :

Entendre et arriver à appliquer ces différents placements prend du temps et de l’entraînement.
Par chance, j’ai écrit un article complet sur le sujet !

6. Inscrire son discours dans un Langage

Enfin, la maîtrise de cette dernière compétence sépare l’apprenti jazzman du maître.
Elle fait de nouveau appel à votre culture musicale pour développer votre vocabulaire rythmique, et enrichir votre jeu d’éléments de langage d’une esthétique en particulier.

Ces éléments de langage vous permettront de raconter votre histoire d’une manière élégante, avec des mots justes, et des phrases bien rythmées. C’est comparable à l’apprentissage d’une langue, comme l’anglais, quel plaisir d’employer les élégantes formules « Good Morning » ou « Good Evening » en substitution du traditionnel et fade « Hello ».

Voici différents paliers, avec des exemples :

Niveau 1

Vous maîtrisez les placements rythmiques de base. Par exemple, en swing :

  • Commencer et terminer ses phrases en sur les contretemps (« en l’air »).
  • Commencer et terminer ses phrases sur le 4e temps de la mesure.

Écoutez ce solo de Charlie Parker sur Au Privave. Toutes ses phrases suivent les deux paramètres ci-dessus ! (écoutez à partir de 0’29)

Également, à ce niveau, vous connaissez les claves principales et arrivez à les utiliser dans vos solos :

  • Le pattern basique de bossa nova
  • les claves son cubaines :
  • Ce pattern caractéristique du be-bop :

Billie’s Bounce, Charlie Parker

Niveau 2

Vous jouez des clichés rythmiques plus virtuoses, comme les Ornements, qui vous permettront d’insérer des triolets de croche ou des double-croches au sein d’une phrase en croches.

Pour apprendre à ornementer vos phrases, regardez cette vidéo complète :

Niveau 3

À ce stade, vous connaissez de spectaculaires groupes rythmiques et équivalences, et pouvez les utiliser dans vos solos ! (Suivez les liens pour ouvrir les articles correspondants)

Et maintenant ? Que devez-vous travailler pour progresser en rythme ?

Alors, quel est votre niveau en rythme ? À quels paliers de ces 6 compétences vous situez-vous ?

  1. Connaître les différentes Rythmiques
  2. Savoir jouer dans tous les Débits
  3. Être à l’aise dans tous les Tempos…
  4. … Et toutes les Métriques
  5. Bien gérer son Placement
  6. Inscrire son discours dans un Langage

Selon votre profil de musicien ou musicienne, vous pouvez approcher votre pratique du rythme de différentes manières :

  • Si vous êtes amené·e à jouer beaucoup d’esthétiques différentes, consolidez les 1ère et 2e compétences pour chacune d’elle avant de passer aux autres ;
  • Si vous ne jouez qu’une ou deux esthétiques, alors vous pouvez avancer plus vite et vous renforcer sur des tempos extrêmes, des métriques impaires, votre placement et votre langage.

Quoi qu’il en soit, je vous encourage vivement à vous mettre à travailler le rythme si vous ne le faites pas déjà ! Vous sonnerez mieux et plus en phase avec le reste du groupe.

Si cet article vous a éclairé et que vous ne voulez en manquer aucun de ce type, abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire de Jazzcomposer.fr :

Si vous avez une interrogation particulière concernant cet article, indiquez-la en commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

Crédit photo : Portrait_of_Max_Roach,Three_Deuces,_New_York,_N.Y.,_ca._Oct._1947, William P. Gottlieb, Domaine Public