Tout savoir sur le RELEVÉ de SOLO (astuces, outils, intérêt…)

J’ai rédigé cet article pour TROMPETTISTE(S) MAGAZINE, la revue 100% trompette traitant aussi bien de classique que de jazz. Si vous êtes trompettiste et cherchez à vous cultiver sur votre instrument, découvrir ses virtuoses d’hier et d’aujourd’hui, abonnez-vous en suivant ce lien :

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En tant que jazzwoman ou jazzman, vous avez sans doute rencontré au cours de votre parcours un exercice délicat : le relevé de solo. Si jamais la difficulté de la tâche vous a découragé, ou que vous manquez de motivation pour vous y mettre sérieusement, cet article vous est destiné.
Et si jamais vous débutez en jazz et que vous n’avez jamais entendu parler de cet exercice, commençons par établir la base :

Qu’est-ce que le relevé de solo ?

Le relevé de solo est un exercice consistant à apprendre d’oreille un solo contenu dans un enregistrement, pour ensuite le jouer à notre tour le plus fidèlement possible. Au delà de la simple restitution des notes et des rythmes, vous devez incarner l’instrumentiste que vous relevez, en copiant toutes ses mimiques, ses erreurs, ses intentions de jeu, afin de vous en imprégner.

Vous pouvez aussi choisir d’écrire votre relevé sur une partition, on parlera alors de « transcription », cela peut être utile pour l’analyser dans le détail.

Rien ne vous oblige à relever un solo dans son entièreté. Vous pouvez cibler ce qui vous plaît le plus à l’intérieur, fût-ce une grille entière, une section, ou seulement une ou deux phrases… Également, rien ne vous oblige à relever exclusivement des solos de votre instrument. Comme je le précise ci-dessous, copier les grandes figures de votre instrument est essentiel pour s’inscrire dans sa tradition, mais de nombreux trompettistes ont innové en adaptant le vocabulaire de pianistes, de guitaristes, de saxophonistes…

Quel est l’intérêt du relevé de solo ?

Aux débuts du jazz, tous les outils pédagogiques dont nous disposons aujourd’hui (méthodes, écoles, vidéos sur internet…) n’existaient pas ! Pour apprendre, les musiciens devaient généralement écouter et répéter d’oreille les morceaux qu’ils voulaient jouer.
Ainsi, le grand trompettiste Louis Armstrong a commencé sa carrière avant de savoir lire une partition. Au sein des orchestres où il se produisait, il demandait à d’autres instrumentistes de lui jouer les mélodies qu’il retenait ensuite.

Le trompettiste et chanteur de jazz Louis Armstrong, 1953, Library of Congress Prints and Photographs Division

Cette tradition orale s’est étendue ensuite à l’improvisation, les jazzmen usant des 33 tours en repassant des passages en boucle afin de reproduire les phrases de Charlie Parker, Coleman Hawins… Ou bien sûr d’Armstrong, qui a été un des premiers à réserver une place centrale aux solos au sein de ses arrangements.

Le relevé est donc une manière d’apprendre à jouer du jazz alternative à la lecture d’une partition. Cette approche orale est beaucoup plus pratique que l’écrit pour apprécier toute l’étendue du jeu d’un instrumentiste : nuances, articulation, phrasé, intention… Elle est donc plus adaptée pour nous en imprégner à notre tour. Également, elle améliorera votre oreille, ce qui vous permettra de jouer plus facilement sans partition, d’entendre quand votre section rythmique réharmonise la grille, de jouer des riffs spontanés avec un autre soufflant…

Mais le relevé de solo est bien plus qu’une méthode d’apprentissage. Si vous écoutez beaucoup de jazz, vous avez pu remarquer qu’au fil du temps se forment de véritables lignées d’instrumentistes s’inscrivant dans le sillage les uns des autres. Par exemple, chez les trompettistes, Freddie Hubbard s’est inspiré de Lee Morgan, qui s’est lui-même inspiré de Clifford Brown, qui s’est lui même inspiré de Fats Navarro, etc…
Cette filiation s’entend d’emblée grâce aux timbres de leurs sons de trompettes, très riches et puissants. Mais en s’intéressant à leurs jeux, on remarque qu’ils contiennent des similitudes au niveau de la manière de phraser, d’articuler, d’ornementer… On remarque même de petits éléments de langage récurrents comme celui-ci :

Un exemple de Clifford Brown dans sa cadence à la fin de Once In A While.

Il s’agit d’un plan utilisant la gamme par tons qu’on peut même entendre chez des trompettistes plus modernes comme Wynton Marsalis. Ce fragment de langage traversant les âges est la preuve concrète que les plus grands jazzmen écoutent leurs aînés et leurs piquent des idées pour alimenter leur vocabulaire, et innover à partir de cette base.

En relevant vous aussi les solos des jazzmen que vous vénérez, vous vous forgerez un véritable style de jeu qui vous caractérisera en tant qu’instrumentiste.

Quels sont les difficultés du relevé de solo, et comment les surmonter ?

Si vous vous y êtes déjà essayé, vous savez que relever un solo est loin d’être une tâche facile ! J’ai sélectionné quelques problèmes que vous pourriez rencontrer en vous donnant à chaque fois des conseils pour les résoudre.

1. Relever des solos est difficile car les jazzmen sont virtuoses…

Certes, nous avons tous et toutes dans l’oreille des solos de Dizzie Gillespie ou Freddie Hubbard débitant des double-croches par centaines et stationnant des heures durant au-dessus du contre-ut… Cependant, plus que tout autre instrument ayant marqué le jazz, la trompette est également reconnue pour ses qualités mélodiques. Cet instrument possède donc un grand répertoire de solos accessibles, voici quelques exemples :

  • Le trompettiste Chet Baker est reconnu pour ses qualités de mélodiste. N’étant pas un grand technicien, ce qu’il a produit s’avère facile à jouer même quand on débute sur l’instrument. Je vous recommande tous les solos des albums Chet Baker Quartet featuring Russ Freeman, Chet Baker Sings, Chet.
  • Doté d’une meilleure technique, Miles Davis est également un poète de l’instrument. Ses solos sur Four, Solar, On Green Dolphin Street, So What, Freddie Freeloader… sont des incontournables.
  • Enfin, je vous suggère de relever un trompettiste beaucoup moins connu, mais tout aussi pertinent quand on débute : Harry « Sweets » Edison. Il s’est notamment illustré dans le pupitre de trompettes de l’orchestre de Count Basie, ou accompagnant Billie Holiday, il a rendu iconique le son de la sourdine harmon avec extension wah wah. Tous ses solos sont de véritables leçons de swing, écoutez et relevez tout l’album Patented By Edison.

Photo portrait of American jazz trumpeter Chet Baker, 1955, Distributed by Joe Glaser’s Associated Booking Corporation

Miles Davis à Antibes dans la nuit du 26 au 27 juillet 1963. À gauche, Ron Carter. À droite, Tony Williams, Own Work, Mallory1180, CC 4.0

American jazz trumpeter Harry « Sweets » Edison in Paris, France, 5 May 1980, Own work, Lionel Decoster, CC 3.0

2. Retrouver les notes nécessite une bonne oreille.

Sur ce point, il n’y a pas de raccourcis, il faut entraîner votre oreille pour reconnaître les notes jouées dans le solo. Bonne nouvelle : plus vous le ferez, plus ce sera facile !

Dans un premier temps, vous pouvez vous aider de votre instrument ou d’un piano et comparer les notes que vous jouez à celles qui sont jouées sur l’enregistrement. Mais à terme, votre objectif doit être, à partir de la première note jouée, de pouvoir déduire les autres sans aide extérieure, en reconnaissant les intervalles qui les séparent. Cette compétence s’appelle l’oreille relative, il existe de nombreux logiciels et applications conçus pour l’entraîner (je recommande Chet et Ella sur iOS, Complete Ear Trainer sur Android).

L’oreille absolue, soit la capacité de reconnaître la hauteur d’une note sans référence préalable, est un excellent outil qui vous aidera énormément pour relever plus facilement, mais vous pouvez très bien vous en sortir sans. Je vous encourage à la développer si vous êtes jeune et que vous entendez déjà quelques notes (par exemple le La ou le Do). Sinon, concentrez vos efforts sur le développement de votre oreille relative.

Laissez-moi vous donner un dernier conseil, basé sur mon expérience personnelle :

Au début de mon parcours, je m’étais mis en tête de relever un morceau de Bill Evans pour pouvoir le rejouer au piano. Mais, avec au moins 7 sons différents par accord, tout ce que je parvenais à entendre était un vaste brouillard sonore, très joli, mais complètement flou ! J’ai donc abandonné.
Quelques mois plus tard, j’ai lu par curiosité le Jazz Piano Book de Mark Levine (l’auteur du Jazz Theory Book). J’ai reproduit non sans mal mais avec grand plaisir les voicings sophistiqués, techniques d’harmonisation, modes alambiqués qu’il contenait. Par hasard, je suis ensuite revenu à mon relevé abandonné, pour me rendre compte avec stupeur que j’arrivais maintenant à distinguer avec précision ce que jouait Bill Evans.
Mais, plus puissant encore, partant de mes nouvelles connaissances théoriques et de ma mémoire des sonorités que je m’étais habitué à jouer, j’arrivais à déduire en avance les notes intermédiaires des voicings, ce qui s’avérait particulièrement utile quand elles n’étaient pas jouées très fortes.

Pour arriver à ce stade-là vous aussi, je vous conseille de chanter les thèmes, solos, gammes, modes, arpèges… que vous apprenez pour les ancrer dans votre oreille. Soyez curieux, plus vous jouerez de formes différentes, plus vous serez à même de les reconnaître dans le discours d’instrumentistes.

4. Relever les rythmes exacts est un vrai casse-tête !

À se focaliser sur les hauteurs de notes, on en oublie vite le rythme, discipline dans laquelle les jazzmen excellent particulièrement. Le même conseil énoncé ci-dessus s’applique : habituez-vous à jouer une multitude de figures rythmiques dans des débits variés.

Par exemple, si vous ne savez pas ce qu’est un triolet de noire et ne savez pas le noter sur une partition… vous ne pourrez pas l’entendre comme tel au cours d’un solo, et le confondrez avec un autre, proche, que vous avez dans l’oreille comme croche – noire – croche. Ce qui vous amènerait à penser, par dessus le marché, que l’instrumentiste n’est pas précis !

Également, les trompettistes et les saxophonistes ont tendance à se placer en arrière du temps, et donc à jouer des phrases qui vous paraîtront « en retard ». Sur une partition, notez le rythme tel qu’il a été pensé par l’instrumentiste même s’il a été exécuté avec un placement farfelu.

Généralement, tout ce que jouent les jazzmen est quantifiable, donc peut se noter avec des valeurs rythmiques traditionnelles… Même s’il faut parfois reconstituer ce qu’a « pensé » l’instrumentiste. Encore une fois, votre culture rythmique va vous y aider, c’est aussi à cet effet que j’ai créé le cours complet de rythme de Jazzcomposer.fr.

5. Le solo que je relève est particulièrement difficile. Existe-t’il des outils pour m’aider ?

Quand vous relèverez des virtuoses comme le trompettiste Clifford Brown ou le saxophoniste Charlie Parker, vous rencontrerez forcément une phrase trop rapide pour pouvoir être relevée. Je vous conseille de prendre comme source un morceau hébergé sur la plateforme Youtube et d’y ralentir l’audio en allant dans les paramètres du lecteur (la petite roue crantée) et « Vitesse de lecture ».

Si vous avez accès au fichier audio sur votre ordinateur ou téléphone, le logiciel open-source VLC vous donne encore plus de flexibilité pour ce faire, en allant dans le menu « Lecture » et en ajustant le paramètre « Vitesse de lecture ».

Si vous vous perdez dans un solo contenant de longues phrases alambiquées, vous pouvez vous aider d’un logiciel comme Audacity pour réaliser un marquage des mesures, et ainsi procéder étape par étape.

Importez votre fichier audio dans le logiciel, lancez la lecture et maintenez les touches « CTRL » et « MAJ » (ou « CMD » et « MAJ » si vous êtes sur Mac) appuyés. À chaque début de mesure, appuyez sur la touche « . ; » de votre clavier. Un marqueur apparaîtra sur une piste dédiée, vous pourrez même le renommer pour indiquer le numéro de la mesure par rapport à la grille.

Sélectionnez ensuite la ou les mesures qui vous intéressent en cliquant (sur la piste audio) à l’emplacement d’un marqueur et en déplaçant votre curseur jusqu’au marqueur suivant (en maintenant le clic appuyé). En lançant la lecture, vous n’entendrez que les mesures qui vous intéressent. Vous pouvez même faire tourner cette région en boucle en appuyant sur la touche « L » et en lançant la lecture.

Enfin, si vous avez jeté votre dévolu sur un enregistrement ancien ou mal mixé, vous peinerez à entendre distinctement l’instrumentiste que vous relevez (c’est particulièrement avec les contrebassistes). Malheureusement, on peut rarement faire des miracles pour améliorer la qualité d’un fichier audio. Je vous conseillerai donc de prime abord de relever des solos contenus dans des disques enregistrés en studio, à partir des années 50.

Mais… Ce n’est pas tout à fait vrai, il existe bien une solution qui tient du miracle pour extirper un instrument noyé dans un mauvais mix : l’intelligence artificielle ! Ainsi, il existe depuis peu des logiciels permettant d’isoler des instruments au sein d’un enregistrement, notamment l’application Moses.ai ou le site internet Lalal.ai.
Cela fonctionne particulièrement bien avec des morceaux récents et des instrumentations traditionnelles.

Soit dit en passant, vous pouvez également vous servir de ces applications pour créer des playbacks de rêve à partir d’enregistrements célèbres, en retirant du mix l’instrument soliste…

Faites-un essai en cliquant sur l’image ci-contre 👉👉👉

lalal

Tous les outils cités dans cette partie vont vous aider à relever plus facilement, mais attention à ne pas vous en servir comme béquilles ! Sauf cas exceptionnellement ardu, vous devez à terme être capable de relever comme les jazzmen qui vous ont précédé, uniquement avec l’enregistrement et du papier à musique.

Conclusion

J’espère que cet article a répondu à toutes vos questions concernant le relevé de solo, et a pu vous donner des pistes pour résoudre les problèmes que vous rencontrez en faisant cet exercice.

Pour conclure, j’aimerais vous donner une mission, en particulier si vous n’avez jamais relevé de solo de votre vie. J’ai déniché le solo parfait pour vous mettre le pied à l’étrier, il s’agit de 2 grilles de blues en Do jouées par le trompettiste Clark Terry lors d’une masterclass donnée à la RTS en 1969 :

Clark Terry fait la démonstration d’une improvisation sur le blues en n’utilisant qu’une seule note dans la 1ère grille, 2 notes dans la 2e, et 3 dans la 3e (mais elle est moins bien, arrêtez-vous à la 2e). Vous ne devriez donc pas avoir de soucis à entendre les hauteurs de notes, et pourrez pleinement vous concentrer sur le rythme. Précision : le morceau commence à 1’19, sachant que Clark Terry commence à jouer à la 5e mesure de la première grille.

Vous trouverez la transcription de ce solo à cette page :

https://jazzcomposer.fr/wp-content/uploads/2022/12/Clark_Terry_solo_rythmique.pdf

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Débuter l’arrangement grâce aux voicings en position serrée/fermée

Laissez-moi deviner… Vous devez harmoniser une mélodie ou des contrechants (« backs ») pour une section de 4 instruments accompagnés d’une rythmique ?
Vous ne savez pas comment vous y prendre et avez peur de passer de longues heures à tester des harmonisations à l’aveugle, pour un résultat final peu convaincant ?
Et vous avez atterri sur cette page en quête d’une méthode infaillible et simple à mettre en oeuvre pour vous sortir d’affaire ?

Rassurez-vous, il existe bel et bien une position d’accord (« un voicing ») utilisée par tous·tes les arrangeuses et arrangeurs pour écrire à 4 voix sans se prendre la tête.

Elle s’applique à tous les instruments : section de cuivres, quatuor à cordes, choeur, pourquoi pas des bois*… Elle est même utilisée par les pianistes pour s’accompagner à la main gauche !

*Prenez garde à ce que les instruments aient des timbres et volumes sonores proches pour obtenir un son équilibré.

Ce voicing magique, c’est la position serrée (aussi appelé position fermée, closed voicing en anglais).

Qu’est-ce qu’un voicing en position serrée (ou position fermée) ?

Un voicing en position serrée est caractérisé par :

  • L’intervalle entre la note supérieure et la note inférieure du voicing inférieur à une octave (dans le cas d’un accord à 4 sons) ;
  • L’intervalle entre deux notes de l’accord ne dépassant pas la 3ce.

Voici un accord à 4 sons disposé en position serrée :

Voici le même accord disposé d’une autre manière :

Cette seconde position ne répondant pas aux critères énoncés ci-dessus, on la qualifiera d’« ouverte ».

Le voicing en position serrée convient particulièrement aux accords à 4 sons, qui fourmillent dans les grilles des standards jazz.

C’est parti, harmonisons une mélodie pour 4 voix grâce à ce voicing :

Comment harmoniser une mélodie avec des voicings en position serrée ?

Nous allons harmoniser pour une section de 4 trompettes ce segment mélodique (je vous en révèlerai la source en fin d’article) :

La grille est un ii V I en Fa majeur. La mélodie comprend les notes des accords an arpèges.

Maintenant, imaginez que vous ayez une section de 4 trompettistes en face de vous, et que vous deviez leur faire jouer cette mélodie ensemble, en l’harmonisant. Qu’allez vous leur faire jouer ?

La première étape est d’assigner les notes de votre mélodie à la première trompette, celle qui va jouer la note la plus aigüe. Il est primordial que votre mélodie soit en haut de votre voicing afin de ne pas être noyée sous les autres voix. De cette manière, l’auditeur la percevra comme la voix la plus importante :

Ensuite, nous allons décider d’harmoniser en homorythmie, tous les instruments auront le même rythme.
Cette manière d’harmoniser est fréquemment utilisée en swing. Une fois que vous la maîtriserez, vous pourrez expérimenter en faisant évoluer une ou plusieurs voix séparément des autres.

Pour un rendu cohérent, vous allez décider d’harmoniser tout (ou du moins en majorité) votre segment mélodique avec un voicing précis. Ici, nous allons utiliser la position serrée, mais il en existe beaucoup d’autres (drop 2, en 4tes, unisson, etc…).

Enfin, intéressez vous à votre première note, et posez-vous ces questions :

  • Cette note fait-elle partie de la tétrade de l’accord sur lequel elle est jouée ?
  • Si elle est positionnée en fin de mesure, fait-elle partie de la tétrade de l’accord suivant (auquel cas, c’est une anticipation) ?

Si :

  • Oui, alors assignez aux 3 autres instruments les notes de l’accord en faisant attention à ce que le voicing respecte les critères de la position serrée ;
  • Non, faites appel aux techniques d’harmonisation que nous allons voir ci-dessous ;

La première note du segment, Do dièse, est située en fin de mesure, mais ne fait pas partie de la tétrade de l’accord de la mesure suivante G-7.
Nous allons voir dans un instant comment l’harmoniser, intéressons-nous à la suivante, la note Ré.

Cette note fait bien partie de l’accord G-7. Ainsi, nous allons pouvoir écrire pour la trompette 2 la note inférieure de G-7 la plus proche de cette note supérieure. De bas en haut, G-7 = Sol, Si bémol, Ré, Fa, ce sera donc la note Si bémol.

La trompette 3 va, elle, jouer la note inférieure de la tétrade la plus proche de la note jouée par la trompette 2 (Si bémol), ce sera donc Sol. La trompette 4 jouera la note la plus proche de celle de la trompette 3 (Sol), donc Fa.

Cela donne de bas en haut Fa, Sol, Si bémol, Ré, le 3e renversement de la tétrade de G-7.

Attelons-nous à la 2nde note de la mélodie, la note Si bémol.

Cette note fait-elle partie de l’accord G-7 ? Oui, c’est sa 3ce.

  • Notre trompette 2 va donc jouer la note inférieure de la tétrade la plus proche, soit Sol ;
  • La trompette 3 va jouer la note inférieure de la tétrade la plus proche, soit Fa ;
  • Et la trompette 4 la note inférieure de la tétrade la plus proche, Ré.

Allez-y, saisissez-vous de papier à musique, d’un crayon, et faites de même pour les autres notes de la mélodie. Laissez de côté pour l’instant la dernière note de la 1re mesure, et la 3e note de la 3e mesure.

Voici la correction :

Avez-vous la même chose que moi ? Remarquez qu’en connaissant bien les notes des accords, vous pouvez harmoniser très vite, sans avoir besoin de trop réfléchir. Est-ce que ça sonne ?

Oui, impeccable, ce sera encore mieux avec les 3 notes restantes !

Harmonisons-les grâce à trois techniques d’harmonisation incontournables :

1. L’approche chromatique

Comme son nom l’indique, l’approche chromatique est réservée à une note approchant chromatiquement une autre. Elle consiste à harmoniser de manière similaire l’approche et la note cible, tout en transposant les notes de l’approche pour obtenir un effet de parallélisme.

Prenons la première note de la mélodie :

Dans ce contexte, ce Do dièse est une approche chromatique descendante de la note suivante, la note Ré. Cette dernière faisant partie de l’accord D-7, nous l’avons harmonisée précédemment.
Pour harmoniser la note d’approche, reprenons l’harmonisation de la note ciblée et transposons-la un demi-ton en-dessous.

  • Harmonisation de la note cible (de haut en bas) : Ré, Si bémol, Sol, Fa.
  • Harmonisation de l’approche chromatique (un demi-ton en-dessous) : Do #, La, Fa #, Mi.

Cela fonctionne parfaitement.

Cette technique peut vous tirer d’affaire, mais elle est à utiliser avec parcimonie ! Trop présente dans votre harmonisation, elle brouille les pistes et créé une tension peu nécessaire entre ce que joue votre section de solistes et la section rythmique.

2. L’approche diminuée

J’ai détaillé dans mon dernier article l’harmonisation de la gamme be-bop et la technique de l’approche diminuée qui en découle.
Si vous l’avez lu, alors vous savez déjà comment harmoniser la 3e note de la 3e mesure.
Sinon, voici de quoi il s’agit :

Dans une mélodie, toute note ne faisant pas partie de la tétrade de l’accord sur laquelle elle est jouée mais faisant tout de même partie de la tonalité d’où provient l’accord peut être harmonisée avec un accord diminué.

Ici, la note Si bémol ne fait pas partie de la tétrade de F6, mais elle est tout de même diatonique à la tonalité de Fa majeur. Nous allons donc l’harmoniser avec un accord diminué :

3. Les rootless voicings ou positions serrées sans fondamentale

Attaquons-nous à la note restante. C’est un Ré sur l’accord de C7, par rapport à cet accord, cela correspond à sa 9e, une extension.

Je passe rapidement sur ces notions car je les détaille longuement dans mon cours complet Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation, mais les extensions sont les 9e, 11e, et 13e d’un accord.
Leurs altérations sont déterminées par les modes desquels ont tire les accords.

La 9e correspond à la 2nde de la gamme du mode correspondant à laquelle on ajoute une octave, la 11e à la 4te + une octave, et la 13e la 6te + une octave.

Par exemple, notre C7, dans la tonalité de Fa majeur est le Ve degré de mode mixolydien. La 9e de C7 correspond à la 2nde note de la gamme de Do mixolydien, Ré. Ainsi, un C9 ressemblera à ceci :

Remarquez que ce voicing basique est une position serrée ! Pourrait-on l’utiliser pour terminer l’harmonisation de notre mélodie ? Malheureusement, cet accord a 5 sons, cela ne colle pas avec notre instrumentation. Nous pouvons au choix :

  • Rajouter un instrument à notre section ;
  • Enlever une note à l’accord ;

La première option étant difficilement envisageable, nous allons recourir à la seconde. Mais de quelle note se passer ?

Tout dépend de notre instrumentation. Si notre groupe comprend un·e bassiste, alors il·elle joue déjà la fondamentale de l’accord, nous pouvons donc nous en débarrasser.

Et si jamais nous décidions d’ajouter également la 13e à notre voicing ? Alors il faut éjecter la 5te qui n’apporte pas d’informations cruciales quant à la couleur de l’accord.
(Attention toutefois si jamais la 5te est altérée comme pour un accord #5 ou b5, dans ce contexte, elle est très importante !).

Revenons à nos moutons, harmonisons notre Ré avec les notes de C9, sans la fondamentale, les voici : (Do), Mi, Sol, Si bémol, Ré.

Nous aurons donc :

  • TP1 : Ré ;
  • TP2 : Si bémol ;
  • TP3 : Sol ;
  • TP4 : Mi.

Et voilà ! Notre mélodie est intégralement harmonisée selon un système cohérent, simple et rapide à manier.

L’exemple type : Four Brothers

Si l’harmonisation à l’aide des voicings en position serrée vous intéresse, alors ne cherchez plus. Voici l’exemple parfait de ce que l’on peut faire avec ce voicing : le thème Four Brothers de Jimmy Giuffre.

Conçu spécialement pour la section de saxophones du big band de Woody Herman dont Giuffre tenait le baryton, ce thème est intégralement harmonisé à 4 voix en position serrée. Écoutez comme le son de la section est cohérent et dynamique :

Avez-vous remarqué ? Le segment mélodique que j’ai utilisé dans mes exemples ci-dessus est la première phrase du B !

La voici, isolée et ralentie :

Constatez que, même si j’ai transposé mon exemple en Fa pour que l’article reste accessible, l’harmonisation originale est similaire la nôtre. En réutilisant les techniques d’harmonisation que je vous montre ci-dessus, vous ferez sonner vos arrangements comme les plus grands morceaux de jazz !

/!\ À lire attentivement avant d’utiliser les voicings en position serrée !!

  1. Harmoniser avec des voicings en position serrée ne convient pas à un tempo lent, cela va donner un effet pataud, il faudra arranger votre morceau d’une autre manière.
    Ce voicing est particulièrement approprié aux tempos medium, et même aux tempos rapides (voir Four Brothers, ci-dessus).
  1. Attention également à bien respecter les registres de vos instruments ! Il serait dommage de leur écrire des notes trop hautes ou basses…
    Bien connaître la tessiture des instruments pour lesquels vous arrangez vous évitera des surprises au moment de faire jouer votre morceau. Transposez-le dès le départ si votre mélodie est trop haute/basse pour les instruments qui le joueront.
  1. Le voicing en position serrées ne sonne plus quand votre note la plus haute dépasse le Mi 5 (le Mi du haut de la clé de Sol), et quand votre note la plus basse est en-dessous du Mi 3 (le Mi du haut de la clé de Fa). Il vous faudra recourir à d’autres modes d’harmonisation (dites-moi en commentaire si le sujet vous intéresse !).
  1. Quand le tempo est rapide, pour assurer une harmonisation limpide, veillez à utiliser des voicings simples (sans trop d’extensions, évitez les voicings en position serrée sans fondamentale).

Résumons ce que nous avons appris sur les voicings en position serrée/fermée !

Dans cet article, nous avons appris à harmoniser une mélodie pour une section de 4 instruments en utilisant les voicings en position serrée/fermée.

Un voicing en position serrée est caractérisé par :

  • L’intervalle entre la note supérieure et la note inférieure du voicing inférieur à une octave ;
  • L’intervalle entre deux notes du voicing ne dépassant pas un intervalle de 3ce.

Quand vous harmoniserez une note de la mélodie, posez-vous cette question :
Cette note fait-elle partie de la tétrade de l’accord sur lequel elle est jouée (ou anticipe-t-elle l’accord suivant) ?

Si oui, alors assignez à votre premier instrument la note de la mélodie, et aux 3 autres les notes de la tétrade de l’accord (en faisant attention à ce que le voicing respecte les critères de la position serrée).

Si non, choisissez entre ces 3 techniques d’harmonisation, si :

  • La note en question est une approche chromatique de la note suivante, recopiez l’harmonisation de cette dernière en la transposant pour créer un effet de parallélisme ;
  • Cette note est diatonique à la tonalité d’où est tiré l’accord, utilisez l’approche diminuée en l’harmonisant avec un accord diminué ;
  • La note est une extension de l’accord, utilisez un rootless voicing ou voicing en position serrée sans la fondamentale (si votre groupe contient un·e bassiste !) ;

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Image de couverture : Portrait of John Chance, Paul Kashian, Nick Travis, Chuck Genduso, Joe Ferrante, and Curly Broyles, Hotel Commodore, Century Room, New York, N.Y., ca. Jan. 1947. Photograph by Gottlieb, William P.

Harmoniser une mélodie super facilement grâce à la Gamme Be-Bop ?

Imaginez : Vous venez de composer un morceau, vous êtes particulièrement satisfait.e de sa grille d’accords et de sa mélodie, et voudriez le faire jouer à vos camarades d’atelier Jazz.

Problème : L’instrumentation de votre groupe est composée d’une flûte, deux trompettes, un trombone, et la rythmique. Ce serait dommage que tous ces instruments jouent la mélodie à l’unisson… Pas le choix, il faut arranger votre morceau en harmonisant sa mélodie.

Vous voilà dans une fâcheuse posture, vous n’avez jamais écrit pour une telle instrumentation !
Vous vous préparez à passer de longues heures à souffrir devant votre piano, à peiner pour composer de nouvelles voix et les répartir aux différents instruments…

Et si je vous disais que la Gamme Be-Bop peut vous sortir de ce pétrin ? Que son harmonisation donne un système magique, simple à utiliser et pouvant servir en toutes circonstances (arrangements, accompagnements, mélodies en accords…) ?

Découvrons tout cela ensemble.

Avant toutes choses :

Dans cet article, nous allons prendre le cas de figure d’un arrangement à 4 voix, nous manipulerons avec cette instrumentation des voicings plus cohérents et faciles à prendre en main qu’à 2 ou 3 voix.
C’est de loin la manière la plus simple de débuter l’arrangement en jazz, faites-moi confiance !

De plus, nous allons nous restreindre à des voicings en positions serrées (closed voicings).
Ce terme signifie que :

  • L’intervalle entre la note inférieure et supérieure du voicing est inférieur à une octave ;
  • L’intervalle entre chaque note ne dépasse pas une tierce.

Voici un exemple de voicing en position serrée :

Enfin, toutes les voix seront homorythmiques, elles auront exactement le même rythme.

Certes, cette manière d’écrire est contraignante, mais elle est très fréquente dans la musique de la Swing Era, les arrangements pour Big Band, etc… C’est la base, il faut que vous la maîtrisiez !

Passons au vif du sujet.

La Gamme Be-Bop

Pour une découverte complète de la Gamme Be-Bop, voir cet article.

Les Gammes Be-Bop sont des gammes basiques comme la gamme majeure ou le mode mixolydien auxquelles on ajoute un chromatisme.
Comme je l’explique dans l’article cité ci-dessus, ce sont des gammes à 8 notes, ce qui se révèle pratique pour créer de longues phrases en croches comme aiment le faire les Boppers.

Ici, nous allons nous intéresser à deux gammes Be-Bop, la gamme Be-Bop Majeure et la gamme Be-Bop mineure.

La gamme Be-Bop Majeure est la gamme Majeure (aussi appelée mode ionien) à laquelle on a ajouté un chromatisme, la 6te mineure :

On joue cette gamme sur les accords maj7 ou 6, comme le Ier ou le IVe degré d’une tonalité majeure.

La gamme Be-Bop mineure est une gamme mineure de mode mineur mélodique à laquelle on a ajouté un chromatisme, la sixte mineure :

On joue cette gamme exclusivement sur les accords mineurs de couleur 6 ou min-maj7, des couleurs que portent le ier degré de la tonalité mineure, par exemple.

Comme telles, ces gammes ne vont pas vous être d’une grande aide pour harmoniser votre morceau, mais attendez de voir la suite.

L’harmonisation de la gamme Be-Bop Majeure

Prenons notre gamme Be-Bop Majeure (ici en Do) et construisons des accords à 4 sons ayant pour fondamentales chacune de ses notes. Pour construire ces accords, nous allons monter notre gamme à partir de notre fondamentale, prendre une note sur deux et les empiler. En suivant strictement cette logique, voici ce que ça donne :

Première surprise, vous voyez que ces 8 accords peuvent être réduits à seulement deux :

  1. L’accord C6 et ses différents renversements ;
  2. L’accord de (« Ré diminué ») et ses différents renversements.

Harmoniser à partir des fondamentales Do, Mi, Sol, et La donne un renversement de C6.
Harmoniser à partir des fondamentales Si, Ré, Fa, La b donne un renversement de D°.

Or, les notes Do, Mi, Sol, et La sont les Fondamentale, 3ce, 5te et 6te de l’accord C6. C’est précisément sur cet accord qu’on choisit d’utiliser la gamme Be-Bop de Do !

Écoutez maintenant l’enchaînement de ces différents accords, quand on monte la gamme par exemple :

Tout paraît s’enchaîner logiquement, de manière fluide… Avez-vous deviné pourquoi ?

En fait, tout vient de l’alternance de nos deux accords, C6 et D°.
D° (Ré, Fa, La b, Si) équivaut à un renversement de B° (Si, Ré, Fa, La b). Cet accord est en fait le viie degré de la tonalité de Do mineur, un accord de fonction dominante (plus d’infos sur ce degré dans mon cours complet sur l’Harmonie Jazz).
Or, tout accord de fonction dominante tend l’harmonie et veut se résoudre sur un accord de Ier degré, dans un mouvement de cadence parfaite.

L’harmonisation de la gamme Be-Bop pouvant être réduite à l’alternance des renversements des accords C6 et B°, elle fait entendre la cadence parfaite vii° -> I à de multiples reprises.

Mais que faire de toutes ces informations théoriques ?

Comment utiliser concrètement l’harmonisation de la Gamme Be-Bop ?

Prenons les premières mesures du thème There Will Never Be Another You, dans la tonalité de Ab Maj :

La mélodie évolue sur le premier degré, un accord majeur, Ab6, c’est donc l’endroit parfait pour l’harmoniser grâce à la gamme Be-Bop de Ab Majeur :

Écrivons dans un premier temps l’harmonisation de cette gamme :

Remarquez qu’ici, les accords qui s’alternent sont Ab6 et G° (sous leurs différents renversements).

Repérerons maintenant dans la mélodie chaque note appartenant à l’accord de Ab6, soit La b, Do, Mi b, et Fa. Nous allons harmoniser ces notes en utilisant les différents renversements de Ab6 comme écrit ci-dessus.

/!\ Nous voulons que la mélodie soit la note la plus haute de notre voicing, afin qu’elle ressorte et soit comprise par l’oreille de l’auditeur comme la voix principale.

Commençons par la première note, Mi b. Mi b est-elle une note de Ab6 ? Oui, c’est la 5te, c’est donc une note que nous allons harmoniser avec un renversement de Ab6. Cherchons dans l’harmonisation de la gamme Be-Bop de Ab Majeur un accord qui ait pour note supérieure Mi b. Il s’agit du 7e, Ab6/F, soit de haut en bas : Mi b, Do, La b, F.

Écrivons maintenant cette harmonisation en-dessous de notre première note. Voilà, notre premier accord est écrit !

Prenons la seconde note, Fa. Elle est également comprise dans Ab6. Allez-y, essayez de l’harmoniser en répétant les étapes ci-dessus. Voici le résultat :

La troisième note, Sol, n’est en revanche pas comprise dans l’accord de Ab6. Nous allons donc l’harmoniser à l’aide d’un accord diminué (qui correspondra au final à un renversement de G°).

Astuce : Les accords diminués sont uniquement constitués d’intervalles de 3ces mineures. Donc, ne réfléchissez pas, prenez votre note supérieure et harmonisez par intervalles de tierces mineures descendantes, et vous aurez votre accord !

Dans notre exemple : Sol -> Mi -> Do# -> A# (ou enharmoniquement Sol -> Fa b -> Ré b -> Si b).

Voici l’intégralité de la première phrase de There Will Never Be Another You harmonisée de cette manière :

(Remarquez que j’ai réinterprété le rythme afin que l’arrangement sonne plus « jazz »)

(Pour plus de clarté, j’indique les accords diminués en rouge, comme ci-dessus)

Ça sonne super non ? Et si vous y prêtez attention, chacune des voix séparées écrites grâce à ce système a un tracé cohérent par rapport à la mélodie, et va être par conséquent jolie et facile à jouer.
Tout ça, sans trop se fouler !

Attention, cette méthode a des limites !

En effet, cette méthode d’harmonisation ne fonctionne que si la mélodie s’appuie sur les notes de la tétrade de votre accord majeur (spécifiquement ses Fondamentale, 3ce, 5e et /!\ 6te).

Si votre mélodie met en valeur la 7e ou les extensions (9e, 11e, 13e), donc des notes que vous allez harmoniser avec des accords diminués, cela ne va pas sonner car cette couleur va s’opposer à la vraie couleur de l’accord.

Exemple avec le morceau Girl From Ipanema, dont la mélodie joue sur les 9e et 7e du Ier degré :

Voici l’harmonisation grâce à la Gamme Be-Bop de Ab Majeur :

… Ce n’est vraiment pas beau ! Il faut donc l’harmoniser autrement :

(Oups ! Dans mon audio, j’anticipe le 2nd temps de la 2nde mesure, ne m’en tenez pas rigueur !)

Jetons maintenant un œil à l’harmonisation de la Gamme Be-Bop mineure.

L’harmonisation de la gamme Be-Bop mineure

Prenons la gamme Be-Bop mineure de Do :

Construisons maintenant des accords à 4 sons à partir de chacune de ses notes, en empilant par-dessus des notes de la gamme prises par intervalles de tierces :

Là encore, nous pouvons réduire les 8 accords à seulement 2 :

  1. L’accord C-6 et ses différents renversements ;
  2. L’accord de D° (ou B°) et ses différents renversements.

Écoutez le son de l’enchaînement des différents à accords :

Nous retrouvons nos enchaînements de fonctions tonique et dominante, nos cadences parfaites.

Essayons d’harmoniser une mélodie grâce à cette gamme. Prenons le thème Jordu, ici en Sol mineur :

Le début de la mélodie évolue sur un accord de Sol mineur, de couleur 6, c’est le premier degré de la tonalité. Nous pouvons donc l’harmoniser grâce à la Gamme Be-Bop de Sol Mineur.

Toute note de la mélodie appartenant G-6 soit Sol, Si b, Ré, Mi, sera harmonisée avec un renversement de G-6. Toute note de la mélodie ne faisant pas partie de G-6 sera harmonisée avec un accord diminué.

Rappelez-vous, les notes de la mélodie sont les notes supérieures de nos voicings. Il faut donc :

  • Pour chaque note faisant partie de G-6 trouver dans l’harmonisation de la gamme Be-Bop l’accord ayant cette note en haut du voicing, et l’harmoniser ainsi ;
  • Pour chaque note ne faisant pas partie de G-6 écrire un accord diminué en descendant par intervalles de tierces mineures.

Faites-le de votre côté avant de regarder ma correction ! Voilà le résultat :

Attention ! Encore une fois, si votre mélodie met en valeur la 7e ou les extensions, l’harmonisation grâce à la gamme Be-Bop mineure ne va pas bien sonner.

Généralisation de l’approche diminuée

Bon, la méthode de l’harmonisation grâce à la gamme Be-Bop est très utile, mais elle est tout de même limitée !
En effet, on n’utilise la gamme Be-Bop Majeure que sur les accords 6 ou Maj7, et la gamme Be-Bop mineure sur les accords min6 et min-maj7.

Comment harmoniser les mélodies évoluant sur les autres accords, les couleurs -7, 7… ?

Et si je vous disais que les accords diminués allaient encore une fois nous tirer d’affaire ?

Lisez bien ce qui va suivre : De manière générale, toute note de votre mélodie étrangère à la tétrade de l’accord sur lequel elle est écrite peut être harmonisée avec un accord diminué.

Et, rappelons-le : Toute note de votre mélodie appartenant à la tétrade de l’accord sur lequel elle est écrite peut être harmonisée grâce aux notes de cet accord.

Avec un exemple, ce sera plus clair :

Prenez la suite de There Will Never Be Another You, les mesures 5, 6 et 7 :

L’accord de la mesure 5 est un F-7, le vie degré. Ce n’est ni un accord majeur ni un accord mineur 6, nous ne pouvons donc pas utiliser les Gammes Be-Bop pour l’harmoniser.

Cependant, nous allons isoler dans la mélodie les notes qui font partie de la tétrade de F-7, à savoir les notes Fa, La b, Do, et Mi b.
La mélodie contient les notes La b, Do, et Mi b. Nous allons pouvoir harmoniser ces notes tout simplement avec les notes de notre accord, F-7. Prenez bien soin de mettre la mélodie en note supérieure de vos voicings, et de répartir les notes pour que l’accord reste en position serrée.

Cependant, il nous reste la note Si bémol à harmoniser. Si bémol ne fait pas partie de l’accord sur lequel elle est écrite, par conséquent, nous allons l’harmoniser avec un accord diminué :

Et voilà, ça fonctionne parfaitement. Remarquez que j’ai procédé de la même manière pour l’accord suivant, Bb7. Le Mi b de la mesure 7 ne faisant pas partie de l’accord, je l’ai harmonisé avec une couleur diminuée.

Bien entendu, harmoniser ainsi ne fonctionne pas dans tous les contextes, faites confiance à vos oreilles pour distinguer ce qui sonne de ce qui ne sonne pas.

Si, dans votre mélodie, des notes ne faisant pas partie de l’accord approchent des notes faisant partie de l’accord, dans le cadre de la montée/descente d’une gamme par exemple, cela va particulièrement bien fonctionner. C’est pour cela qu’on appelle communément cette technique l’approche diminuée.

Et maintenant, à vous de jouer ! Voici un exercice pour vous entraîner.

Dans cet article, nous avons vu comment harmoniser une mélodie évoluant sur un accord majeur ou mineur grâce aux Gammes Be-Bop.
Sur ces accords : toute note de la mélodie étant une note de la tétrade de l’accord de couleur 6 (Fondamentale, Tierce, Quinte, ou Sixte) sera harmonisée grâce à un renversement de l’accord 6.
Toute note de la mélodie ne faisant pas partie de l’accord de couleur 6 sera harmonisée avec un accord diminué.

Vous pouvez élargir cette règle à tout type d’accord : Harmonisez toute note de la mélodie faisant partie de l’accord en question avec les notes de la tétrade de l’accord, et toute note ne faisant pas partie de l’accord avec un accord diminué.
Les notes ne faisant pas partie de l’accord servant souvent de notes d’approche aux notes de l’accord dans les mélodies de jazz, on appelle cette technique l’approche diminuée.

Attention cependant, si votre mélodie met en valeur la 7e ou les extensions, il faut changer de mode d’harmonisation pour ne pas vous retrouver avec des couleurs diminuées envahissantes.

Voyons si vous avez tout compris ! Prenez cette mélodie que j’ai composée sur la première section de la grille du standard All of Me, et harmonisez-la en utilisant l’approche diminuée et seulement les notes des accords :

Voici ma correction, et l’audio pour entendre le résultat final :

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Image de couverture : Posed photo portrait of American jazz bandleader and pianist Count Basie, seated at the piano, in 1955. Photograph by James J. Kriegsmann. Distributed by Willard Alexander, Inc. Domaine public.

Notation d’accords : 7#5 ou 7b13 ? L’erreur à ne surtout pas commettre

Trop, c’est trop !!
S’il y a bien une chose qui m’énerve au plus haut point avec le Realbook, ce sont les nombreuses erreurs de notation d’accords qu’il renferme. Improviser sur les grilles des standards est déjà une discipline complexe, si, en plus, la notation d’accords se révèle trompeuse… Bonjour les dégâts. Quand je pense à combien de Jazzmen.women en herbe se sont sentis démunis devant autant de difficulté…

Alors ça suffit, aujourd’hui, attaquons nous au coeur du problème, en dissipant une fois pour toute la confusion entre les accords de couleur 7#5 et 7b13 !

7#5 ou 7b13 : D’où provient la confusion ?

Posons les bases. Voici un accord de couleur 7#5 :

Cet accord est de couleur 7, avec une quinte augmentée, voici son échelle d’intervalles complète : Fondamentale, 3ce majeure, 5te augmentée, 7e mineure.
On chiffre aussi cet accord 7aug, ou 7+.

Voici maintenant un accord 7b13 :

Cet accord est de couleur 7 avec une extension, la 13e mineure, son échelle complète est la suivante : Fondamentale, 3ce majeure, 5te juste, 7e mineure, 13e mineure.

Nous avons d’un côté une tétrade, et de l’autre un accord à 5 sons. À priori, pas de raison apparente de les confondre, donc… Mais c’est oublier qu’en pratique, on joue souvent un accord de couleur 7 sans sa quinte, et 7b13 n’échappe pas à la règle :

Un accord 7b13(no5) (sans la quinte, donc) est donc exactement la même chose, enharmoniquement parlant, qu’un 7#5. En effet, la quinte augmentée et la sixte ou treizième mineure sont enharmoniques, elles ont la même hauteur, jouées sur la même touche d’un piano. Si nous juxtaposons ces accords, nous n’entendons pas de différence entre les deux :

Vous voyez mieux pourquoi on a vite fait de les confondre ?

Mais quel est le problème, au juste ?

Comme nous allons le voir, les accords 7#5 et 7b13 ne proviennent pas du tout des même modes ! Et, en plus d’être théoriquement incorrect, écrire par erreur un accord 7#5 à la place d’un 7b13 peut mener à de la perplexité au moment de déchiffrer la grille, si nous sommes habitués.ées à la bonne notation.

Étudions cela de plus près.

7#5 , qu’est-ce que c’est ?

Si on essaye de reconstituer un mode à partir des notes de l’accord 7#5, on se rend compte qu’il nous manque quelques informations. Les modes ayant traditionnellement 7 notes, nous n’en avons ici que 4 :

Cependant, c’est assez pour deviner le mode qui se cache derrière cette notation. Vous l’avez ?

En fait, la réponse se trouve au niveau de la 6te. En effet, entourée par les 5te augmentée et 7e mineure, notre 6te ne peut qu’être majeure. Or, avez vous déjà entendu un mode qui se termine comme ceci ?

Ce n’est vraiment pas beau, aucune gamme utilisée en jazz ne se finit ainsi ! Il ne nous reste donc qu’une seule solution, radicale : se débarrasser de la 6te !!!

Voici le résultat. Voyez-vous où je veux en venir ?

Si on ajoute une 9e majeure et une 4te augmentée à ce mode, cela nous donne… La gamme par tons !

Si vous ne la connaissez pas déjà, vous vous souviendrez facilement de la gamme par tons. L’intervalle entre ses notes conjointes est toujours le même : 1 ton !

Voilà donc d’où proviennent les accords 7#5 (ou 9#5, 9#5#11 si on ajoute les extensions).

Quelle est la bonne manière d’utiliser l’accord 7#5 ?

La gamme par tons est peu utilisée en jazz.
Voici un des rares contextes où son utilisation est requise :
L’enrichissement d’un accord 7 avec par dessus une mélodie contenant une 2nde (ou 9e) majeure et une 5te augmentée.

C’est le cas à la fin du B du standard I’ll Be Seeing You :

Par ailleurs, la gamme par tons est présente dans la musique de Duke Ellington, Art Tatum, Thelonious Monk… Des jazzmen ayant multiplié les expériences harmoniques pour repousser les limites du swing.

Si vous souhaitez utiliser la gamme par tons dans un arrangement ou une composition, soyez bien clair dans votre notation. Précisez la nature complète de l’accord, soit 9#5(#11), ou 7#5 avec la mention « gamme par tons » au-dessus.

Maintenant que vous êtes familier.ère avec la couleur 7#5, qu’en est-il des accords 7b13 ?

7b13, qu’est-ce que c’est ?

Si vous avez lu mes articles sur la tonalité mineure, cette couleur doit vous dire quelque chose… Généralement, 7b13 est le diminutif de 7b9b13, une couleur qui provient du mode mixolydien b9b13 :

Ce mode est joué basiquement sur les Ve degrés de tonalité mineure, et donne une couleur 7b9b13, plutôt tendue.

Ceci en tête, prenez par exemple la partition de Cheesecake, une sorte de blues mineur enrichi composé par Dexter Gordon. Prêtez une attention toute particulière aux accords 7, notamment.

(Je précise que nous sommes en Do mineur, D-7b5 est le second degré et G7 le cinquième.)

Ne voyez-vous pas ce qui cloche ??

… Pour tous les ii V i mineurs, le Ve degré a une couleur +7 (une autre notation pour 7#5), et non 7b13 ou 7b9b13 !

C’est un problème, car si vous écoutez le disque, les musiciens ne jouent absolument pas la gamme par tons à ces endroits !

De plus, jetez un oeil à la 2e mesure : la mélodie contient une quinte juste ! L’accord écrit au-dessus ne peut donc pas être une couleur 7#5 (qui implique une quinte augmentée !), c’est forcément une erreur.

Donc, à chaque fois que vous croiserez un accord 7#5 dans une grille, posez-vous cette question :

« Quelle est la fonction de cet accord ? »

Si c’est un Ve degré de tonalité mineure, alors la notation 7#5 est presque forcément une erreur, et il faut que vous corrigiez la partition avant d’improviser/accompagner.

Pour éviter toute confusion, dans vos arrangements et compositions, notez 7b9b13 voire simplement 7b9 pour désigner un Ve degré mineur.

Qu’en est-il des accords 7#5#9, alors ?

En faisant mes recherches, j’ai aussi rencontré dans certaines grilles des accords 7#5#9, ou même 7#5b9.
Ces accords sont aussi des aberrations de notation, mais concernent cette fois-ci le mode Altéré.

Si vous avez lu mon E-book gratuit Les Fiches d’Identité des Modes, vous connaissez le mode Altéré. On l’utilise en substitution du mode mixolydien b9b13 pour jouer les Ve degré de tonalité mineure.

Comme je l’avais aussi expliqué dans cet article, son échelle d’intervalle originelle a besoin d’être retravaillée pour correspondre à son utilisation en jazz.

Ainsi, d’un mode mineur comportant une 4te diminuée…

… Il devient un mode majeur, la 4te diminuée correspondant enharmoniquement à une 3ce majeure :

(J’avance rapidement sur ce sujet, si vous avez besoin que je vous l’explique plus en détail, consultez mon cours complet sur l’Harmonie Jazz)

Si nous construisons un accord à partir du mode Altéré, nous aurons une couleur 7b9#9#11b3 (sans quinte). Pour simplifier ce véritable numéro de téléphone (!), les jazzmen utilisent l’abréviation « 7alt ».

Imaginons quelques secondes que vous ayez une forte envie d’intégrer le mode Altéré à une de vos compositions, avec une couleur 7#9b13 :

Imaginons maintenant que vous ne connaissiez pas forcément les subtilités du mode Altéré, et que vous ayez simplement écrit cet accord en le trouvant à l’oreille… Comment le chiffreriez-vous ?

Eh oui, en n’ayant que ces cinq notes en tête, vous noteriez 7#5#9, en corrigeant au passage votre voicing pour qu’il colle au chiffrage (la note La bémol devenant Sol dièse, dans mon exemple) :

Or, cette notation ne correspond à aucun mode ! Vous allez être bien embêté.e quand vous devrez improviser dessus…

Il vaut donc mieux noter notre accord selon les altérations du mode Altéré (7#9b13). Cela nous facilitera la tâche au moment d’improviser, et nous évitera à terme d’avoir à déchiffrer de nombreuses notations différentes se contredisant entre elles.

De manière similaire, les accords 7#5b9 et 7b5b9 sont également des mauvais chiffrages d’accords tirés du mode Altéré.

La bonne notation ? « 7alt », tout simplement !

7#5 ou 7b13 ? Conclusion

Dans cet article, nous avons vu que la confusion entre les couleurs 7#5 et 7b13 provenait de l’enharmonie entre les #5 et b13 de ces accords.
Nous avons ensuite distingué les différents modes de ces deux accords, et leurs fonctions respectives :

  • La couleur 7#5 provient de la gamme par tons, et peut être utilisée pour enrichir un Ve degré majeur quand la mélodie contient une 9e majeure et une 5te augmentée ;
  • La couleur 7b13 provient du mode mixolydien b9b13, réservée originellement au Ve degré de tonalité mineure.

Donc, quand vous rencontrerez un accord qui porte une couleur 7#5 dans une grille, vérifiez si sa fonction n’est pas un Ve degré de tonalité mineure, et corrigez la notation en fonction.
Pour plus de clarté, notez 9#5(#11) pour un accord venant de la gamme par tons et 7b9 ou 7b9b13 pour un accord tiré du mode mixolydien b9b13.

En outre, les notations 7#5#9, 7#5b9, 7b5b9 sont des erreurs de chiffrage d’accords construits à partir du mode Altéré. À noter simplement 7alt.

Voilà, j’espère que cet article a clarifié beaucoup de choses pour vous et qu’il vous évitera des mauvaises surprises au moment d’improviser sur les grilles de jazz. Improviser est avant tout un plaisir, ne laissons pas les mauvaises notations d’accord nous gâcher la vie !

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Lexique essentiel de la Théorie du Jazz 
62 termes à absolument connaître

Ça y est, le jazz vous a piqué au vif et vous vous êtes pris.e de passion pour cette musique ?
Vous avez acheté un instrument et êtes prêt.e à vous lancer dans l’aventure de l’improvisation et du jeu en groupe ??

Malheureusement, vous n’y comprenez rien quand on vous parle d’ »Anatole » ou d’ »Enharmonie » ?
Pas de panique, vous êtes au bon endroit ! Ce lexique recense par ordre alphabétique 62 termes essentiels utilisés quotidiennement dans la pratique du jazz, et vous les explique exemples à l’appui.

Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Terminologie_du_jazz
Le Livre de la Théorie du Jazz de Mark Levine
Jazz Vocal : Techniques, interprétation, improvisation de Jérôme Duvivier

A

A Capella

Jouer un morceau a capella consiste à le jouer seul.e, sans accompagnement.

Cette expression n’est pas seulement réservée aux vocalistes.

Accord

Élément musical consistant en un empilement d’au moins deux notes, jouées simultanément.
L’harmonie tonale se construit à partir d’accords de trois notes (triades) empilées par intervalles de tierce à partir d’une fondamentale (la première note qui donne son nom à l’accord).
La seconde note d’un accord est la tierce car située à un intervalle de tierce de la fondamentale, et la troisième, la quinte car située à un intervalle de quinte de la fondamentale.
Les différentes combinaisons de notes dans les accords donnent différents caractères, impressions auditives qu’on caractérise avec le mot « couleur ».

Par exemple : on parle de couleur majeure si la tierce de l’accord est majeure. Il est mineur s’il contient une tierce mineure.

Un accord peut être écrit/joué dans son état fondamental (la fondamentale est la note la plus grave), ou renversé (une autre note que la fondamentale est la note la plus grave), et avec un voicing spécifique (voir définition ci-dessous).

Les notes d’un accord peuvent être altérées. On se réfère toujours aux accords construits à partir des tonalités majeures ou mineures pour caractériser ces altérations.

Par exemple : Gmaj. On peut trouver dans les grilles, en substitution de cet accord, un G#5. La #5 ou quinte augmentée est une altération, la quinte a été altérée par rapport à son état originel (quinte juste).

Anacrouse (Levée)

Note ou ensemble de notes précédant le premier « temps fort » d’une phrase musicale. En Jazz, on parle plus couramment de levée.

Par exemple : La première phrase de la mélodie du standard de Duke Ellington In a Sentimental Mood part en levée car ses premières notes sont jouées avant le premier temps de première mesure de la section A.

Anatole (Rhythm Changes)

1 : Cadence faisant s’alterner le premier, le sixième, le second et le cinquième degré d’une tonalité majeure. On parle d’anatole mineur si les degrés sont issus de la tonalité mineure.

2 : Morceau. Un Anatole ou une grille de Rhythm Changes est une grille d’accords basée sur le standard de George Gershwin I Got Rhythm. Les sections A de cette grille sont constituées en grande partie de cadences Anatoles décrites ci-dessus, ce qui explique le nom attribué à ce type de grille.

Armure

L’armure d’un morceau correspond aux altérations des différentes notes de sa tonalité par rapport à la tonalité non-altérée de Do Majeur. Ces altérations sont notées en dièses ou en bémol, selon des ordres bien précis, et sont situées au début de chaque portée d’une partition. Sauf indication dans la mesure ou changement d’armure, ces altérations valent pour tout le morceau.

Par exemple : Afin que l’échelle d’intervalles de la gamme de Sol majeur corresponde à celle d’une gamme majeure, sa septième note, la note Fa doit être relevée d’un demi-ton, elle sera donc dièse. Dans un morceau en Sol majeur, chaque Fa sera dièse par défaut, on indique donc un Fa dièse à la clé.

Pour trouver facilement la tonalité d’un morceau grâce à son armure (et inversement), consultez cet article.

Arpège

Figure mélodique correspondant aux notes d’un accord jouées successivement.

Par exemple : Les arpèges de guitare les plus fameux du rock :

B

Basse

1 : Instrument. Le terme « Basse » est utilisé comme raccourci pour désigner l’instrument qui joue les notes les plus graves de l’harmonie dans un groupe. Ce rôle peut être assuré par une Contrebasse, une Basse électrique, la main gauche d’un organiste ou d’un pianiste, un synthétiseur, une clarinette Basse…

2 : Basse d’un accord. La Basse d’un accord est sa note la plus grave. À ne pas confondre avec sa tonique ou sa fondamentale.

Binaire

Désigne la décomposition du temps. Un temps binaire est découpé de manière égale, par multiples de deux. Généralement, un temps va être égal à la valeur rythmique d’une noire. Les subdivisions d’un temps binaire vont être traditionnellement des croches, ou des double-croches.

Le jazz bossa-nova, le jazz-rock, le rock… ont des rythmiques binaires. Le terme binaire s’oppose au ternaire (voir ci-dessous).

(On parle aussi d’horloge rythmique pour désigner les subdivisions du temps).

Par exemple, le rythme rock de base s’insère dans une horloge binaire, dont toutes les subdivisions sont jouées par le charleyston. Ici, le temps correspond à une noire et ses subdivisions à deux croches :

Blue Note

La note caractéristique d’une gamme blues. Une gamme blues est constituée d’une gamme pentatonique (à 5 notes) et une blue note ajoutée. Cette note est dissonante par rapport à l’harmonie, et a un caractère acide caractéristique du son blues.

Par exemple : Les gammes blues majeures et mineures et leurs blue notes :

Gamme Blues Majeure :

Gamme Blues mineure :

Blues

1 : Genre musical. Le blues est un genre musical, vocal et instrumental dérivé des chants de travail des populations afro-américaines subissant la ségrégation raciale aux États-Unis. Le blues est apparu dans le sud des États-Unis au cours du XIXe siècle. C’est traditionnellement un style où un.e chanteur.euse exprime sa tristesse et ses déboires.

2 : Forme musicale. Le terme « Blues » désigne tout morceau basé sur la grille de blues. La grille de Blues comprend 12 mesures et (à l’origine) seulement 3 accords, comme ceci :

Pour plus d’information sur la grille de Blues, consulter cet article.

Bourdon (Pédale)

Une note grave tenue jouée par la Basse sur laquelle on improvise à l’aide d’un ou plusieurs modes. Si un rythme est rajouté à la note d’un bourdon, on parle d’une pédale. Des accords peuvent se succéder sur une pédale.

Par exemple : La pédale de Ve degré de la fin du thème Dear Old Stockholm.

Break (Stop)
  1. Mise-en-place où la rythmique d’un morceau s’arrête d’un coup pour créer le silence. Peut arriver au début d’un solo, on parle d’un stop-chorus.
    Par exemple : le fameux Stop Chorus de Charlie Parker sur A Night in Tunisia.
  2. Un break de batterie désigne une variation de la rythmique jouée à la batterie sur un temps assez court, pour casser la monotonie et relancer l’intérêt de l’auditeur. Le mot « Fill » est aussi approprié.
    Par exemple : Les fills de Batterie d’un spécial de Big Band comme celui de Splanky, de Count Basie.
Bridge (Pont)

La partie centrale d’un morceau AABA, le B. Elle fait le « pont » entre les 2e et 3e parties A, qui sont souvent parfaitement similaires. C’est souvent à cet endroit que se trouvent les changements significatifs d’harmonie et de mélodie du morceau.

Par exemple : Le pont du standard Have You Met Miss Jones.

C

Cadence
  1. Alternance spécifique d’accords faisant entendre des mécanismes de tension et de résolution de l’Harmonie Tonale.
    Par exemple : La cadence parfaite du Ve degré vers le Ier degré, le ii V I… Pour plus d’informations sur les cadences, consulter mon cours complet sur l’Harmonie Jazz.
  2. Moment improvisé à la fin d’un morceau où l’instrument soliste, souvent de manière virtuose, brode autour de la fin du thème pour mieux amener la dernière note du morceau où il est rejoint par la rythmique.
    Par exemple : La cadence de Clifford Brown sur le morceau Once in a While. Les fameuses cadences de Keith Jarrett sur les ballades, assez longues et virtuoses du point de vue harmonique.

Chabada

Le chabada ou cha-ba-da est la figure rythmique de base jouée par le batteur pour accompagner les morceaux de jazz avec une rythmique typée swing. Elle est jouée sur la cymbale ride ou bien la cymbale charleston fermée ou bien ouverte sur les 1er et 3e temps.

Chase (4-4, 8-8…)

On parle de chase (« poursuite » en anglais) quand au moins deux solistes se succèdent, en improvisant tour à tour en se passant le relais toutes les 8 ou 4 mesures. Cette formule, où chaque musicien doit répondre à une phrase improvisée par le précédent en faisant preuve d’inventivité et de virtuosité, est particulièrement stimulante pour les instrumentistes.
L’utilisation la plus commune de cette formule est celle qui permet des échanges entre orchestre et batterie.

On désigne plus couramment les chase par le nombre de mesures qui s’alternent : « 4-4 », « 8-8″…

Par exemple : Les fameux chase de Sonny Rollins et John Coltrane sur Tenor Madness.

Chorus

En anglais, le chorus désigne le refrain d’un morceau.
Les standards issus de chansons de Broadway sont souvent composés d’un premier thème, le verse (une sorte d’« introduction ») suivi d’un deuxième (souvent de 32 mesures de forme AABA ou ABAC) considéré comme le « refrain du morceau », et qui est en fait la partie la plus connue. Les jazzmen.women ayant l’habitude de ne jouer et de n’improviser que sur ce refrain, le mot chorus désigne, par extension, un « thème » (quel qu’il soit).
Prendre un chorus, c’est prendre un solo sur un thème quelle que soit sa structure.

Clave

Un pattern rythmique excédant rarement 2 mesures utilisé en musique cubaine ou brésilienne.
La clave est jouée traditionnellement par les claves, deux cylindres de bois.
Cet instrument est remplacé en jazz par la baguette du batteur en « cross stick » technique reproduisant les sons des claves en posant la baguette à plat sur la peau de la caisse claire et en frappant son cercle.

Par exemple : La clave cubaine son 3 – 2

Clé

Référentiel utilisé pour lire les notes inscrites sur une portée. Les clés les plus utilisées en Jazz sont la clé de sol et la clé de fa. La clé employée dépend de la tessiture de l’instrument pour lequel on écrit.

Par exemple : La clé de Sol place la note Sol sur la deuxième ligne en partant du bas d’une portée.

Coda

Partie arrivant en fin de morceau servant de conclusion. On écrit une coda quand on souhaite un enchaînement harmonique ou une mise-en-place rythmique différents de la grille initiale pour finir le morceau.

Par exemple : La fameuse coda du standard de Thelonious Monk ‘Round Midnight.

Crescendo

Avec une nuance de plus en plus forte. L’inverse est decrescendo.

Cycle des Quintes

Disposition circulaire des 12 notes de la gamme chromatique. Dans le sens des aiguilles d’une montre, chaque note suivante se trouve à une quinte juste ascendante de la précédente. Dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, chaque note suivante se trouve à une quarte ascendante de la précédente (c’est pourquoi on parle aussi de cycle des quartes).

Par Romainbehar — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4138216

On utilise le cycle des quintes (ou quartes) dans notre pratique de travail comme ordre pour transposer gammes, accords, phrases dans toutes les tonalités.
On utilise aussi le cycle des quintes comme outil pédagogique pour visualiser les différents accords à l’aide de formes géométriques crées au milieu du cercle en reliant les différentes notes entre elles.

D

Démarcation/Démarquage

Une démarcation est un thème original écrit sur la grille d’un standard déjà existant. Ce procédé a été en vogue à l’époque du bebop. Les progressions d’accord n’étant pas soumises à copyright, ce procédé permettait notamment aux musiciens d’improviser sur des morceaux connus sans avoir à payer de droits.

Lennie Tristano est un des spécialistes du démarquage. Il a par exemple composé 317 East 32nd et Cool Boogie sur les accords d’Out of Nowhere ou Coolin’ Off sur les accords de Sweet Georgia Brown. On peut citer Charlie Parker qui a composé Ko-Ko, Warming up a riff ou Home Cookin sur Cherokee ou Ornithology sur How High the Moon. Ou Tadd Dameron qui a composé Hot House sur la grille de What Is This Thing Called Love.

Diatonique

Se dit d’un accord ou d’une note qui appartient à la tonalité dans laquelle on se trouve.

Par exemple : La note Do est diatonique par rapport à la tonalité de Do majeur.

Une note qui n’appartient pas à la tonalité dans laquelle on se trouve est chromatique.

Par exemple : La note Do dièse est chromatique par rapport à la tonalité de Do majeur.

Les accords peuvent aussi être diatoniques.

Par exemple : Fmaj7 est diatonique à la tonalité de Do majeur. 

Double Time

Se dit quand on multiplie par deux le tempo du morceau. Le rythme harmonique se retrouve donc accéléré.

On peut aussi doubler le tempo et multiplier par deux la durée des accords et du thème dans ce nouveau tempo. On appelle ce procédé Double Time Feeling, car par rapport à l’origine, le rythme du thème et de la grille paraît inchangé, malgré la sensation de tempo plus rapide.

Par exemple : Dans la version du morceau Jim, l’arrangement comprend un double time feeling au moment du solo de trompette.

Drive

To Drive en anglais signifie conduire, ou diriger. Un bassiste qui « drive » le groupe en prend les rênes au niveau rythmique et le propulse. C’est une bonne chose en Jazz, car quand « ça drive », le tempo ne ralentit pas, ce qui est crucial pour conserver l’énergie et le côté dansant de cette musique.

E

Enharmonique

Deux notes enharmoniques ont la même hauteur mais ne sont pas notées avec le même nom sur une partition.

Par exemple : Les notes Do dièse et Ré bémol sont enharmoniques. Sur un piano, elles peuvent être jouées avec la même touche noire, mais sur une partition, elles ne sont pas notées sur la même ligne.

Les enharmonies s’étendent aussi aux accords.

Par exemple : C#7b13 et Db7b13 sont enharmoniques. 

Comment choisir entre dièse ou bémol ? Cela dépend de la tonalité dans laquelle on se trouve.

Par exemple : Il serait mal venu de noter un accord de Gb7 dans une grille en Si majeur, l’accord F#7 étant diatonique à cette tonalité.

Extensions

Les extensions d’un accord désignent les 9e, 11e, et 13e de l’accord. Un intervalle de 9e par rapport à la fondamentale correspond à un intervalle de 2de + 1 octave. Une 9e est donc une 2nde à l’octave supérieure. La 11e correspond à la 4te une octave supérieure, et la 13e à la 6te.

On utilise l’intervalle de 9e pour signifier que la note correspondante a été empilée au-dessus des tierce, quinte, et septième de l’accord. Ainsi, un accord 9 contient forcément une 3ce, une 5te, et une 7e.

Par défaut, la 3ce est majeure, la 5te est juste, la 7e est mineure, la 9e majeure, la 11e Juste, et la 6te majeure.

Par exemple : Dans une grille, C9 signifie : Do, Mi, Sol, Si bémol, Ré.

Quand notre accord contient une extension mais pas de 7e, il faut noter cette extension à l’octave inférieure, donc 2, 4, et 6.

Par exemple : Dans une grille, C2 signifie : Do, Ré, Mi, Sol.

F

Fake Book (Real Book)

Un Fake Book est une compilation de standards de Jazz sous forme de Lead Sheet (une seule portée avec la mélodie, les accords au-dessus, et quelques indications d’interprétation).
L’appellation vient de l’argot du verbe to Fake qui signifiait improviser en anglais.

Durant les années 70, Le bassiste Steve Swallow et le pianiste Paul Bley ont pris en charge la transcription d’un Real Book nommé de manière humoristique par rapport aux Fake Book. C’est pourquoi leurs compositions et celles d’autres personnes de leur entourage constituent une large partie du Real Book, parmi les standards et les compositions classiques de jazz. Le Real Book était à la base illégal car ne payant pas de redevance aux artistes dont il contenait les compositions, mais est maintenant publié par Hal Leonard.

Fade Out (Fondu)

Désigne une baisse du volume sonore fluide et douce, jusqu’au silence. Les fondus peuvent être plus ou moins abrupts et durer plus ou moins longtemps. Ils sont très utilisés dans la musique populaire pour terminer un morceau.

Par exemple : La fin du morceau Never Gonna Give You Up de Rick Astley se termine en fondu.

Fondamentale

Le terme « fondamentale » désigne la note qui donne son nom à un accord, quelque soit le renversement de l’accord. À ne pas confondre avec la tonique et la basse.

Par exemple : Dans un Cmaj7, la fondamentale est Do.
Mais dans le cas de Cmaj7/G (lire : « Do majeur sept basse Sol »), mon accord est toujours Do majeur 7, sa fondamentale est donc toujours la note Do, mais il a été renversé, sa basse est maintenant Sol.

Quand à la tonique, elle dépend de la tonalité dans laquelle on se trouve et ne change pas quoi qu’il arrive.

G

Grille

Ensemble des accords d’un thème. On parle de grille car ces accords sont fréquemment inscrits dans une grille, chaque case représentant une mesure.

Par exemple : La grille de blues

Groove

Le groove d’un morceau désigne son type de rythmique avec l’intention de jeu.

Par exemple : le groove du morceau The Sidewinder de Lee Morgan est un Boogaloo décontracté.

On dit qu’un instrumentiste « groove » quand il a un bon phrasé, placement, et « time » (tempo qui ne ralentit pas). « Ça groove » quand tous les membres d’un groupe sont parfaitement bien placés et jouent avec la même intention.

I

II V I ou ii V I

Le ii V I désigne la succession des second, cinquième et premier degrés d’une tonalité au sein d’une progression d’accords. C’est une cadence très utilisée en jazz, constituée de deux autres cadences :

  • La demi-cadence : ii V (un accord de fonction sous-dominante vers un accord de fonction dominante) ;
  • La cadence parfaite : V -> I (un accord de fonction dominante vers le premier degré de la tonalité).
Interlude

Section d’un morceau intervenant entre deux de ses parties clé, et contrastant avec elles.

Parfait exemple en jazz : l’interlude qui relie la fin du thème et la section solo dans l’arrangement de ‘Round Midnight de Miles Davis.

Introduction

(Plus ou moins) Courte section située au début d’un morceau servant à en établir l’ambiance et la rythmique.

Par exemple : Retournez ci-dessus et écoutez la célèbre intro de ‘Round Midnight.

K

Kicks (Mises-en-place, Pêches)

Élément rythmique joué par plusieurs instruments en même temps (souvent la section rythmique) à des fins de contraste par rapport au déroulé rythmique du morceau.

Par exemple, l’interlude de ‘Round Midnight (voir ci-dessus) est composé uniquement de mises-en-place.

L

Legato (Lié)

Mode de jeu consistant à ne pas attaquer les notes, donc à ne pas les séparer entre elles. Cela donne un son doux et permet de jouer plus rapidement, l’attaque nécessitant un mouvement corporel (de langue, de doigts, de gorge…).

Le contraire de legato est staccato, ou notes piquées.

Un legato est noté sur une partition à l’aide d’une liaison reliant les têtes de notes des notes liées. Un staccato est noté avec un point au-dessus ou au-dessous de la tête de la note. Si la note ne doit pas être jouée staccato ou legato, ne rien indiquer.

Lick (Plan)

Une phrase musicale intéressante, qui vaut le coup d’être retranscrite et apprise.

Par exemple, ces 7 licks de grands jazzmen joués sur le blues.

M

Mesure

Unité de découpe de base de la musique occidentale. Une mesure rassemble un certain nombre de temps, plus ou moins accentués (on parle de temps forts ou faibles), qui rythment la musique.

Par exemple : Une mesure avec une métrique 4/4.

Métrique

L’indication de métrique au début d’un morceau désigne sur quelle valeur rythmique se base le morceau, et combien en sont contenues dans une mesure.

Par exemple, l’indication 4/4 signifie qu’il y a 4 noires dans ma mesure. Il y a traditionnellement 4 temps dans une mesure 4/4, le temps correspondant à la noire.

Par contre, l’indication 12/8 signifie qu’il y a 12 croches dans ma mesure. Mais, en 12/8, il n’y a pas 12 temps dans la mesure, on peut choisir de grouper les 12 croches par 2, ce qui donne 6 temps binaires, ou par 3 (4 temps ternaires).

Mode

Ensemble de notes définies selon leurs intervalles par rapport à une tonique (note de référence à partir de laquelle on construit le mode).

Chaque mode a une couleur particulière, et les notes qui le composent peuvent être organisées pour former des lignes mélodiques (des phrases qui constituent un solo ou un thème) ou combinées pour former des accords.
Les modes sont traditionnellement présentés sous forme de gammes.
Plus d’infos sur les Modes dans cet article.

Modulation

Changement de tonalité en cours de morceau. On reconnaît une modulation car un nouveau Ier degré est affirmé à l’aide de cadences.

Par exemple : On module dans le B du standard Body & Soul.

Attention, ne pas confondre modulation et interchange modal, plus d’infos dans cet article.

O

Out (Jeu « out »)

Jouer out ou outside the Harmony consiste à jouer d’autres notes que celles contenues dans les accords d’une grille. On peut jouer out de manière intentionnelle, ce qui donne une certaine tension car les membres du groupe paraîtront ne plus jouer ensemble, tension qui sera désamorcée de manière spectaculaire en terminant sa phrase en jouant « in » (inside the Harmony).

Par exemple : La dernière phrase du solo de Woody Shaw sur There Will Never Be Another You est out (il retombe tout de même sur ses pattes à la fin de la phrase en jouant in).

Ostinato

Court motif répété en boucle. Un ostinato peut aussi être une succession d’accords avec un rythme précis, on parle alors deVamp. Les claves sont des ostinatos rythmiques.

Par exemple : le célèbre ostinato de basse d’Acknowledgement, la première partie de l’album A Love Supreme de John Coltrane. Il est d’ailleurs repris à la voix plus tard dans le morceau.
Ou encore le Vamp du morceau
Cantaloupe Island de Herbie Hancock.

P

Phrasé

La manière de s’approprier un élément musical et l’enrichir selon une certaine nuance, articulation, placement, timbre, ou intention de jeu, selon une certaine esthétique musicale.
Le phrasé Jazz désigne des croches swing ternaires, une accentuation des croches en contre-temps, un placement un peu laid-back, etc…

Pour plus d’informations sur le phrasé swing, consulter cet article

Placement

La manière placer un élément musical par rapport au temps. On peut se placer sur le temps, en arrière du temps (jouer Laid Back), ou en avant du temps.
Plusieurs placements peuvent exister au sein d’un même groupe.

Par exemple : la contrebasse joue traditionnellement en avant du temps, et l’instrument soliste en arrière du temps.

Pour plus d’informations sur le placement, consulter cet article.

Point d’orgue

Prolongation d’une note ou d’un accord menant souvent à un silence, ce qui créé une certaine tension.

Par exemple : Les musiciens jouent un point d’orgue sur la première note du standard On the Sunny Side of the Street (version de Dizzy Gillespie).

Pompe

Manière d’accompagner en jouant tous les temps d’une mesure. Dans une mesure à quatre temps, il est possible de jouer la basse de l’accord sur le premier temps, le reste de l’accord sur le second temps, la quinte sur le troisième temps, et le reste de l’accord sur le quatrième temps.

Par exemple : La main gauche de Thelonious Monk dans sa version du morceau Dinah.
L’accompagnement des guitares en jazz manouche s’appelle « pompe manouche ».

R

Riff

Courte phrase mélodique répétée. Les riffs sont très utilisé dans le swing. On peut jouer des riffs derrière un soliste, on appelle ce procédé des backs.

À ne pas confondre avec un ostinato qui se répète en boucle, les riffs quant à eux sont joués ponctuellement.

Par exemple : Les backs des cuivres sur le morceau Blue Train de John Coltrane.

Rubato

Manière de jouer en faisant fluctuer le tempo, ou sans tempo.

Par exemple : Art Tatum joue le standard Smoke Gets in Your Eyes rubato, en accélérant ou ralentissant au gré des phrases, jusqu’à ce qu’il introduise un tempo à 1’20.

Rythme Harmonique

La durée et le placement des accords par rapport au temps.

Par exemple : les accords des 4 premières mesures du standard Autumn Leaves durent 4 temps chacun, et sont placés sur les premiers temps des mesures.

S

Section Rythmique

Tous les instruments qui ne jouent pas la mélodie d’un morceau de jazz font partie de la section rythmique. Ils sont en charge de poser un tapis harmonique et rythmique sous le soliste qui joue le thème. Traditionnellement en jazz, la section rythmique est constituée de la contrebasse, de la batterie, du piano, et s’il y en a une, de la guitare.

Shout Chorus (spécial)

Un spécial est une section mélodique différente du thème intervenant entre le dernier solo et la reprise du thème. Il comporte souvent des mises-en-place, des fills de batterie, des harmonisations de phrases virtuoses…

Par exemple : Le spécial le plus célèbre est sans doute celui du morceau Whisper Not de Benny Golson.

Standard

Un standard est un morceau qui est connu de tous les musiciens de jazz, faisant partie d’un répertoire commun à tous les jazzmen. Il fait l’objet de nombreuses reprises et est joué lors des jam session.

Les standards sont issus de chansons de Broadway écrites durant la première moitié du XXe siècle, ou sont des compositions originales écrites par des jazzmen américains à partir des années 30.

Swing

1 : Genre musical apparu lors des années trente, période aussi appelée musicalement l’ère du Swing ou Swing Era. La Swing Era était l’âge d’or des grands orchestres (big band), dont ceux de Duke Ellington et Count Basie.

2 : Phrasé swing. Manière de phraser les croches de manière inégale, en « faisant rebondir » la croche située sur le contretemps en changeant son placement et son intensité (voir « ternaire » ci-dessous).

Pour plus d’informations sur le phrasé swing, consulter cet article.

Syncope

Figure rythmique placée en contre-temps, c’est à dire ailleurs que sur le temps.

Le Jazz est une musique syncopée, la majorité des départs et fins de phrases se font « en l’air ».
De plus, le phrasé swing accentue la croche en contretemps.

Par exemple : Toutes les fins de phrase du thème et du spécial du morceau Splanky de Neal Hefti sont syncopées.

T

Tag

Une section improvisée en fin de morceau tournant en boucle.

La progression d’accords jouée lors de cette section est souvent appelée turnaround.
Elle met en scène le second degré et le cinquième degré de la tonalité, sensés résoudre sur le Ier degré (ce qui se fera à la toute fin du morceau), puis un autre ii V, mais secondaire, celui du second degré (le premier accord de la progression). La fin de la figure nous fait revenir à son commencement, d’où le nom, turnaround.

Tempo

Vitesse du morceau. Elle est comptabilisée en battements par minute (bpm). En jazz, des noms sont donnés pour désigner des fourchettes de tempo :

Ballade : 50 – 90
Medium : 90 – 180
Medium – Up : 180 – 240
Up : 240 – inf

Ternaire

Désigne la décomposition du temps. Un temps ternaire est découpé de manière inégale, par trois. Le swing, le blues, le rock n’ roll et certaines musiques afro-cubaines sont ternaires.

En Swing, on utilise seulement la première et la troisième subdivision du temps (si le temps équivaut à la noire : la première et la troisième croche).

Pour faciliter la notation, on utilise cette convention :

ou bien :

Cela signifie qu’en swing, deux croches notées de manière binaire seront en fait interprétées comme la première et la troisième croche d’un temps ternaire (symbolisé sur le schéma à l’aide un triolet).
La première croche paraît donc durer plus longtemps que la troisième, ce qui instaure un balancement dans l’horloge de subdivisions.

Un exemple audio de croches swing tiré du spécial de Splanky de Neal Hefti :

Thème

La mélodie du morceau et ses accords.

Tonalité

Système musical ayant pour bases une gamme majeure ou mineure et un centre tonal (une note aussi désignée sous le nom de tonique). À partir de ces deux éléments sont construits des accords qui vont s’alterner selon un ordre bien précis (les cadences), et une mélodie.

Pour plus d’informations sur l’Harmonie Tonale, consultez cet article.

Triade, Tétrade
  • Triade : un accord composé de trois sons (notes différentes).
  • Tétrade : un accord composé de quatre sons.

Attention ! On peut écrire un accord de triade avec 4 notes, si une des notes est répétée.
Par contre, si cette quatrième note est différente des notes de la triade, c’est un « son » en plus, nous aurons donc un tétrade.

Triton

Désigne l’intervalle de 4te augmentée ou de 5te diminuée.

Tutti

Jouer tutti : Jouer tous ensemble, avec tous les instruments du groupe.
« Un tutti » peut aussi désigner un shout chorus.

V

Voicing

La disposition spécifique des notes d’un accord. Certains voicings sont plus utilisés que d’autres.

Par exemple : Ce voicing spécifique d’un accord de Cmaj7 s’appelle drop 2 (on part d’une tétrade et on fait tomber d’une octave la seconde note en partant du haut. Ici, on est parti du second renversement).

W

Walking Bass

Une ligne de basse au rythme régulier avec des notes placées sur tous les temps de la mesure.
Voir cet article pour une démonstration d’une Walking bass.

Conclusion : Lexique essentiel de la Théorie du Jazz

Ce lexique est non-exhaustif, si un terme que vous trouvez essentiel n’y est pas inclus, indiquez-le en commentaire, et je l’ajouterai à la liste.

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Analyse de la Grille de Blues : 6 points clés à bien faire sonner

Ah, la grille de Blues… Sans doute la grille la plus connue et la plus jouée de toute l’histoire du jazz. Depuis le début du XXe siècle, elle s’est progressivement enrichie, creusant un fossé entre sa progression de base avec seulement trois accords et celle couramment jouée aujourd’hui, la variante « jazz » avec les changements d’accords hérités du be-bop.
Si vous avez déjà été en jam, alors il y a de grandes chances pour que vous l’ayez déjà jouée.

La voici, ici en Sol :

Vous devez reconnaître ces accords. Peut-être même les connaissez-vous par coeur.
Mais est-ce que vous les maîtrisez vraiment ? Connaissez-vous leur provenance, les relations qui les lient entre eux ? Et pourquoi est-ce si important ?

Toutes ces questions trouveront leurs réponses dans cet articles. Nous allons analyser la grille de Blues pour y distinguer ces éléments :

Si jamais toutes ces notions sont totalement nouvelles pour vous, consultez en premier lieu les articles dédiés en cliquant sur les liens correspondants. Sinon, celui-ci risque de vous perdre ou d’être trop complexe pour vous, ce serait dommage !

Mais pourquoi analyser un standard ?

L’analyse de la grille d’un standard est une étape clé de la maîtrise d’un morceau de jazz. Elle permet de :

  • Présenter clairement et précisément sa structure pour éviter de se perdre ;
  • Savoir dans quelles tonalités se trouvent les différentes cadences, pour pouvoir jouer horizontalement ;
  • Délimiter ces cadences, pour savoir quelles sont les relations de tension et résolution entre les accords et baser notre improvisation dessus ;
  • (Et donc savoir où commencer et terminer nos phrases, et quelles notes accentuer).

À terme, analyser la grille d’un standard se fait en quelques coups d’oeil, si vous avez un entraînement solide.
Mais, si vous n’avez jamais fait ça de votre vie et n’êtes pas familier.ère avec les gammes et les accords employés en Jazz, cela peut se révéler complexe.

Pour vous aider, j’ai un outil :

Le Schéma de l’Harmonie Tonale

Il est basé sur l’application Mapping Tonal Harmony du développeur MDecks. Il peut se décliner en deux formes :

  1. Le schéma de l’harmonie Majeure
  2. Le Schéma de L’harmonie mineure.

Voici le schéma de l’harmonie Tonale en Do Majeur :

Nous retrouvons les degrés diatoniques de la gammes de Do Majeur, et leurs degrés correspondant en chiffres romains. Majuscules si le degré contient une tierce majeure, minuscule si le degré a une tierce mineure.

J’ai aussi rajouté les dominantes et sous-dominantes secondaires des différents degrés… On pourrait très bien imaginer un schéma comprenant les substitutions tritoniques et les substitutions diminuées à côté de chaque accord 7.

/!\ Si jamais je viens de vous perdre avec ces deux termes, alors vous avez grandement besoin de mon cours Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation.
J’y décris tout le processus d’analyse que je vais exécuter dans quelques instants en présentant pas-à-pas les principales composantes de nos grilles de Jazz. Ce, en plus de proposer de nombreux exercices pour intégrer la théorie directement dans votre jeu.

Revenons à notre Blues :

Analyse de la grille de Blues, 1ère étape : Trouvons la tonalité

Pour trouver la tonalité d’un morceau de Jazz, rien de plus simple. Il faut partir à la recherche du premier degré de notre tonalité, l’endroit où l’harmonie est la plus détendue, où le morceau peut se terminer sans un sentiment d’insatisfaction.

Le premier degré peut être :

  • Majeur : couleur maj7, Maj tout court à 3 sons ou Maj6 ;
  • Mineur : couleur min6, min tout court ou plus rarement min-maj7, mais surtout pas min7 (Cela vous étonne ? Consultez donc cet article).

Généralement, on affirme qu’il suffit d’aller à la fin de la grille pour le trouver. Sauf qu’en Jazz, le dernier accord de la grille est souvent une relance vers le début du thème.

Et c’est le cas pour la grille de blues, que voici :

Le dernier accord est un D7, ce n’est pas notre premier degré. En fait, je vous recommande de regarder en priorité l’avant dernière mesure pour trouver la tonalité d’un standard de Jazz, c’est généralement sur son premier temps que se trouve le premier degré.

Ici, nous avons un G7… Loupé ?

Eh bien non, nous avons bien affaire à une grille de Blues en Sol Majeur. Mais d’où vient cette couleur bizarre pour le premier degré ?

Le premier degré de Blues : un cas particulier

En fait, l’harmonie du Blues se base sur un mix entre les gammes blues mineure et majeure :

Si nous formons un accord à 4 sons avec les notes de ce mélange en partant de la première note, cela donne bien un G7 :

Voici donc la provenance du Ier degré de Blues, ayant une couleur 7. Peut-on retenir d’autres degrés de nos gammes blues ?

Nous allons procéder comme pour la tonalité majeure et sélectionner chaque note du mix de gammes blues de Sol pour en faire les fondamentales de nos nouveaux degré.

Pour assembler ces degrés, il avait suffi dans le cadre de l’harmonie majeure d’empiler des notes de la gamme situées à des intervalles de tierces les unes des autres en partant de la fondamentale.

C’est ce que nous avons fait pour notre premier degré, G7. Or, cela va se révéler un peu plus difficile que prévu pour les autres degrés, car nous avons 2 notes « en trop » dans le mix de gammes : la #2 ou b3, et la #4 ou b5.

Voici les bonnes combinaisons :

Ces accords sont les degrés issus de l’harmonie des gammes blues mélangées. Observons notre grille et voyons si certains accords correspondent :

Analyse de la grille de Blues, 2nde étape : Analyse des degrés diatoniques

Parfait, nous avons déjà bien entamé notre analyse, nous pouvons constater que beaucoup d’accords sont diatoniques à la tonalité de Sol « Blues ».

Et le reste des accords, alors ?

La tonalité de Sol Majeur

Quand on y regarde de plus près, on remarque que la grille de Blues « Jazz » emprunte beaucoup de vocabulaire harmonique à la tonalité de Sol majeur. Dressons les degrés de la tonalité de Sol Majeur.
Rappelez-vous, pour cela :

  1. Nous partons de la gamme de Sol Majeur ;
  2. Chacune de ses notes devient la fondamentale d’un degré ;
  3. Pour construire les degrés, on empile des notes de la gamme situées à des intervalles de tierces les unes des autres, en partant de la fondamentale.

Tant que nous y sommes, nous pouvons classer nos nouveaux degrés dans les trois fonctions de l’harmonie tonale : Tonique, sous-dominante, dominante.

Si l’harmonie est un élastique, alors un degré de fonction dominante va tendre cet élastique de manière insoutenable et va avoir envie de relâcher la pression pour atteindre un état stable, sur un degré de fonction tonique. Un degré de fonction sous-dominante prépare la tension de la fonction dominante, et tend donc un peu l’élastique.

Selon les notes que contiennent les degrés de la tonalité majeure, ils vont plus ou moins tendre l’harmonie.
Dans la tonalité majeure, il y a deux notes instables : La 4te Juste et la 7e Majeure que j’appelle « sensibles ».

Tout degré qui contient la 4te Juste fait partie de la fonction sous-dominante, tout degré contenant la 7e Majeure de fonction dominante.

Ainsi, classons nos degrés sur le schéma que je vous présentais tout à l’heure :

Au fait, je ne prends pas la peine de noter la couleur complète du degré dans la notation en chiffres romains, en tout cas pour les degrés de tonalité majeure.
Nous sommes maintenant familier.ères avec le fonctionnement de la tonalité majeure, gagnons du temps.

Ajoutons au schéma les degrés issus du mix de gammes blues :

Détails sans importance : Bien que les degrés #iv° et #ii° ne contiennent ni 4te Juste, ni 7e Majeure, je les ai classés en fonction sous-dominante, car les altérations qu’ils contiennent ne peuvent pas faire partie de la fonction tonique.
Le Ve degré min7 est un peu une exception, mais même s’il ne contient pas la 7e Majeure de la tonalité, il se trouve tout de même en fonction dominante.

Bien. Revenons à notre grille. Pouvons nous analyser d’autres choses ?

Oui, nous pouvons maintenant analyser D7 et A-7, et indiquer des cadences.

Avez-vous remarqué la flèche qui relie D7 à G7 mesure 10 ? C’est l’indication qu’il y a une cadence parfaite à cet endroit là, le mouvement d’un degré de fonction dominante vers le premier degré.

Également, un crochet relie A-7 de D7 mesure 9. C’est le signe qui indique la relation entre un degré de fonction sous-dominante et et un degré de fonction dominante.
Si jamais il n’y a pas résolution sur le premier degré ensuite, cela s’appelle une demi-cadence.
Même si ici, cette demi-cadence se transforme en cadence parfaite, il est toujours utile d’indiquer le crochet, cela rend les ii V I plus faciles à distinguer au milieu des autres accords.

Enfin, une flèche entremêlée relie le degré IV7 au degré I7 mesure 2. C’est une cadence plagale, le IV7 est de fonction sous-dominante, et est suivi de notre premier degré.

Analysons le reste des accords grâce aux dominantes secondaires :

Analyse de la grille de Blues, 3ème étape : Analyse des dominantes secondaires

Notre analyse de la grille de blues touche à sa fin. Nous allons rajouter les dominantes secondaires à notre schéma de l’harmonie tonale. Mais d’abord, un petit rappel :

Qu’est-ce qu’une dominante secondaire ?

En fait, il est possible d’amener tout degré d’une tonalité par son Ve degré respectif, comme si nous modulions brièvement dans la tonalité où il correspond au premier degré.

Exemple : Nous sommes en Sol majeur. Nous voulons amener notre bVIIe degré Fmaj7 de manière un peu mouvementée.
Considérons un instant que nous sommes en Fa majeur, Fmaj7 est maintenant notre Ier degré de fonction tonique. Son Ve degré de fonction dominante est C7.
Dans notre grille en Sol Majeur, il est donc possible d’utiliser un C7 (non-diatonique à Sol Majeur) pour amener son degré bVII, Fmaj7. C’est ce que l’on appelle une dominante secondaire.
C7 est ici le Ve degré du bVIIe degré, noté ainsi : V/bVII.

Il est aussi possible de faire précéder une dominante secondaire d’une sous-dominante secondaire.
Dans le cadre de mon exemple, je peux utiliser le iind degré de Fa majeur, G-7.
Ainsi, dans ma grille en Sol, j’aurai : G-7 C7 -> Fmaj7, qu’on analyse : ii/bVII V/bVII -> bVII.

Si vous voulez parfaire vos connaissances sur le sujet, j’y ai dédié un article complet.

Autre information capitale, les sous-dominantes et dominantes secondaires de degrés ayant une couleur mineure peuvent porter les couleurs des iind et Ve degrés mineurs, donc respectivement -7b5 et 7b9.

Trouvons maintenant les dominantes et sous-dominantes secondaires de chaque degré de notre schéma.
La méthode pour y arriver ? Compter une quinte ascendante par rapport à la fondamentale du degré diatonique et ajouter une couleur 7 pour la dominante secondaire (7b9 si le degré de résolution a une couleur mineure).
Pour la sous-dominante secondaire, même procédé mais avec un intervalle de 2nde mineure ascendante, et avec la couleur min7 (ou min7b5 si le degré de résolution a une couleur mineure) :

Pouvons-nous maintenant analyser toute notre grille ?

Oui, et nous pouvons même déceler que certains degrés que nous avions analysés précédemment sont également des dominantes ou sous-dominantes secondaires :

Pour plus de confort, je préfère noter seulement la fonction secondaire des degrés qui ont une double fonction, à savoir G7 mesure 4 et B-7b5 mesure 8.
Leurs relations avec les autres degrés de la grille seront plus facile à visualiser quand viendra le moment d’improviser.

En parlant d’improviser, il nous manque une information essentielle pour ce faire :

Analyse de la grille de Blues, dernière étape : Ajouter les modes correspondants aux accords

Vous savez sans doute que nous avons basé notre tonalité de Sol majeur sur la gamme Sol Majeur. Eh bien, cette gamme de Sol majeur, aussi appelée mode ionien, va nous donner sept modes, construits à partir des 7 notes de la gamme. On appelle cet ensemble de modes les « Modes de la gamme majeure ».

Les voici (ici en Do) :

Comme les notes de la gamme correspondent aux fondamentales des degrés de notre tonalité, on peut les relier entre eux et assigner à chaque degré son mode :

  • Au degré I correspond le mode ionien ;
  • Pour le ii le mode dorien ;
  • Le iii le mode phrygien ;
  • Le IV le mode Lydien ;
  • V -> mixolydien ;
  • vi -> aeolien ;
  • vii -> locrien ;

Rapportons cela à notre schéma :

Au fait, certains degrés de notre grille de blues sont issus de l’harmonie du mix des gammes blues majeure et mineure. Comment trouver leurs modes ?

Nous allons aller au plus simple :

  • Au premier degré correspond la gamme blues majeure ;
  • Pour le IV7, nous allons jouer le mode mixolydien, le mode basique des accords 7 ;
  • Quant au #iv°, nous allons lui donner le mode basique pour jouer les accords diminués, le mode diminué ton demi-ton ;

Pourquoi un tel choix ? En fait, il est difficile de construire des modes cohérents avec la gamme blues. Faisons donc au plus simple et choisissons les modes basiques pour jouer ces degrés.

Ramenons toutes ces informations à notre grille :

C’est bon, nous avons une bonne idée de ce qu’il faut jouer sur notre grille. Notre travail d’analyse est terminé, résumons ensemble ce qu’il nous apprend :

Conclusion : Les 6 points clés de la grille de Blues

Délimitons notre grille selon les différentes cadences :

Cela nous donne 6 régions clés :

  1. Mesures 1-3 : I7 IV7 -> I7. Une cadence plagale vers le Ier degré de couleur 7, « bluesifié » ;
  2. Mesures 4-5 : ii/IV V/IV -> IV7. Sous-dominante et dominante secondaires du degré IV avec résolution sur le IV7 ;
  3. Mesures 5-6 : IV, #IV°. Stationnement sur le IVe degré et retour sur le I7 avec un #IV° ;
  4. Mesures 7-8 : I ii ii7b5/ii V7b9/ii -> ii. Mouvement diatonique et atterrissage sur le iind degré grâce aux sous-dominantes et dominantes secondaires ;
  5. Mesures 9-11 : ii V -> I. C’est le moment où vous pouvez caser vos plus beaux plans sur le ii V I !
  6. Mesures 11-12 : I7 V/ii ii V. Un Anatole enrichi de la dominante secondaire du iind degré.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’ai les idées beaucoup plus claires qu’au début de cet article !
Tout ce qu’il me suffit de faire maintenant, c’est appliquer le langage jazz à ces différentes régions en utilisant les bonnes notes pour bien « jouer la grille ».

« Mais Louis, c’est bien beau ce que tu nous dis, mais si on a aucune idée de comment faire pour y arriver ?? »

Alors vous avez besoin de mon cours Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation !

Harmonie Jazz, de la Théorie à l’Improvisation est un cours vidéo complet sur l’Harmonie Jazz (plus de 4h de contenu). En le suivant, vous apprendrez à maîtriser l’Harmonie Majeure, l’Harmonie mineure et les Modes, et je vous donnerai de nombreux exercices pour intégrer la théorie directement à votre jeu.  

Je vous apprendrai pas-à-pas toutes les étapes pour analyser une grille comme je viens de le faire, et vous donnerai des exercices pour faire entendre les notes importantes des cadences, pour apprendre à relier les modes aux accords, etc…

Et sinon, consultez cet article où je propose 7 plans blues issus du jeu des grands jazzmen à jouer sur la grille de Blues. Ils vous seront d’une grande aide en attendant de pouvoir créer vos propres phrases !

Comme d’habitude, n’oubliez pas de partager cet article à vos collègues jazzmen.women qui ne maîtriseraient pas la grille de Blues en profondeur. Il vous suffit d’utiliser les petits boutons en bas à droite.

7 Plans Blues à voler aux grands jazzmen pour mieux jouer le Blues

Si vous lisez assidûment les articles de ce site, vous devez mieux connaître la Théorie qui se cache derrière les gammes et les accords utilisés en Jazz.
Mais si vous voulez vraiment « sonner jazz », il va falloir mettre la main à la pâte et étudier le Langage des grands jazzmen. Pour ce faire, il faut relever des solos, apprendre des plans, les transposer dans les 12 tonalités…

Pour démarrer la machine, nous allons nous intéresser à une grille basique, sans doute la plus jouée en jazz : la grille de Blues. Je vais vous donner 7 plans issus de solos de grands jazzmen qui vont enrichir votre jeu du langage à utiliser sur cette grille précise.

Petit Rappel : Les 6 points cruciaux de la grille de Blues

Dans cet article, je vais partir du principe que vous êtes à l’aise avec les concepts de :

  • Grille de Blues « Jazz » (La grille de blues avec les changements d’accords Be-Bop, voir cet article) ;
  • Gammes Blues Majeure et mineure (Les gammes pentatoniques Majeures et mineures enrichies de Blue Note, j’en parle en détail dans mon cours complet sur l’Harmonie Jazz) ;
  • Gamme Be-Bop (voir cet article) ;

Également, je vais faire référence à de multiples reprises aux 6 points cruciaux de la grille de Blues. Il est impératif que vous compreniez l’harmonie de la grille de Blues Jazz et ses différentes cadences pour saisir les enjeux qui se cachent derrière le vocabulaire harmonie des différents plans.

Par chance, j’ai dédié un article complet sur le sujet. Si vous ne l’avez pas encore lu, ouvrez le lien dans un nouvel onglet et revenez à cet article ensuite.

Remarque : Vous pouvez tout de même suivre cet article sans avoir tous ces pré-requis en tête, et travailler les 7 plans que je vais vous présenter sans vous soucier de mon analyse !

Je vous indique ci-dessous les conclusions de l’analyse, où nous avons divisé les 12 mesures de la grille de Blues en 6 blocs :

  1. Mesures 1-3 : I7 IV7 -> I7. Une cadence plagale vers le Ier degré de couleur 7, « bluesifié » ;
  2. Mesures 4-5 : ii/IV V/IV -> IV7. Sous-dominante et dominante secondaires du degré IV avec résolution sur le IV7;
  3. Mesures 5-6 : IV, #IV°. Stationnement sur le IVe degré et retour sur le I7 avec un #IV° ;
  4. Mesures 7-8 : I ii ii7b5/ii V7b9/ii -> ii. Mouvement diatonique et atterrissage sur le iind degré grâce aux sous-dominantes et dominantes secondaires ;
  5. Mesures 9-11 : ii V -> I. C’est le moment où vous pouvez caser vos plus beaux plans sur le ii V I !
  6. Mesures 11-12 : I V/ii ii V. Un Anatole enrichi de la dominante secondaire du iind degré.

Voyons maintenant comment les grands jazzmen s’en sortent pour faire sonner ces 6 passage clés.

Plans blues N°1 et N°2 : Harry Sweets Edison sur Sweetcakes

Nous commençons par étudier le jeu d’un de mes trompettistes favoris : Harry « Sweets » Edison (il fait sonner la grille de blues comme personne !).
Voici le plan que j’ai sélectionné, il se trouve au début d’une grille de blues en Ab majeur :

Arrivez-vous à deviner quelle(s) gamme(s) « Sweets » utilise ici ?

En fait, la seule gamme utilisée pour ces trois phrases est la gamme blues majeure de La bémol. La voici :

« Sweets » éclipse ici la 3ce majeure et la 2nde majeure et accentue la Blue note pour relier le début de sa phrase à la Tonique. Observez comment il varie son motif la 3e fois en remplaçant la Sixte par la Tonique et la 5te par la 6te :

C’est un beau plan à se mettre sous les doigts, qui pourra se jouer à tous les tempos.

« Sweets » utilise le même genre de phrase un peu plus tard dans le même morceau, cette fois-ci dans un mouvement ascendant :

Plan N°2

Nous retrouvons la gamme blues au début de la phrase, cette fois-ci avec la 3ce majeure incluse. Mais ce n’est pas le seul matériau harmonique utilisé.

Observez le chromatisme du 3e temps de la 3e mesure (4e mesure si on compte la levée).
Tonique, puis 7e Majeure, puis 7e mineure, cela ne vous dit rien de spécial ?

Oui, c’est bien la gamme Be-Bop dominante de Ab, gamme qui vous est familière si vous avez lu cet article. La voici :

Pour analyser le reste de la phrase, je ne vais pas tenir compte de l’accord de Eb-7, je ne pense pas que « Sweets » l’inclue dans sa phrase.

Pourquoi ?

Ma théorie est ici que le changement de matériau harmonique correspond au changement de point crucial de la grille. En effet, la phrase de « Sweets » fait la jonction entre les points 1 et 2, la cadence plagale du début et le ii V vers le IV.

Pour souligner le ii V, il change de vocabulaire, au lieu de rester « bluesy » comme sur le 1er point, il utilise ici du langage be-bop pour mieux faire entendre les mouvements de tension et résolution du ii V I.

Observez le 4e temps de la mesure 4 (sans compter la levée), la note Sol bémol y est jouée. Elle correspond à la 4te Juste par rapport à Db majeur, notre point d’arrivée. Cette note est caractéristique de la fonction sous-dominante de la tonalité de Db majeur.
Or, en passant sur l’accord de Db7, il utilise cette note en la faisant résoudre vers la note Fa, qui caractérise la fonction tonique de la tonalité de Ré bémol. Ces deux notes induisent le mouvement de cadence parfaite entre Ab7 et Dbmaj7 comme indiqué sur le schéma ci-contre.


Sauf que « Sweets » annonce le Sol bémol dès la fin de la troisième mesure, il prépare donc son arrivée sur le Db7 dès cet instant. En outre, cela correspond clairement à l’endroit où il emploie la gamme Be-Bop de La bémol.

Je pense donc qu’il éclipse le Eb7 et pivote du Ab7 Ier degré de blues au Ab7 Ve degré de Db majeur, en l’anticipant. Comme ceci :

« Sweets » change donc de vocabulaire pour passer du premier au second point crucial de la grille. Ce procédé est très courant, et nous en aurons un autre exemple avec le plan N°5.

Plan blues N°3 Charlie Parker sur Now’s the Time

Avançons et intéressons nous au 3e point crucial, le IVe degré. J’ai sélectionné pour ce faire un plan très court utilisé à de nombreuses reprises par Charlie Parker dans ses solos sur le Blues.
Nous allons voir que sa simplicité apparente renferme quelques surprises. Le voici, dans le cadre d’un Blues en Fa :

Devinez quel est le matériau utilisé par Parker. Bb Blues, Bb mixolydien ? En fait, pas vraiment. À mon avis, son plan est découpé de trois manières :

  1. Fa blues mineur : Au début, les notes Fa Lab Fa sont Tonique et tierce mineure potentielles de la gamme de Fa blues mineure, Fa étant la tonalité de notre blues. Gardez cela dans un coin de votre tête, le plan suivant utilise la même technique, en développant la phrase.
  2. Bb Blues majeur : Si vous suivez bien, vous l’avez reconnu. C’est le même plan que le premier de « Sweets » Edison !
  3. Fa blues majeur : Fa Sol La bémol : Tonique 2nde 2nde aug. Cela pourrait aussi être Bb mixolydien.

Ce qu’on peut retenir de ce plan, c’est qu’il est simple, et efficace. Les trois premières notes, accentuées comme il le fait sonnent vraiment blues, à utiliser sans modération.
J’aime aussi la possibilité de jouer Bb blues majeur à cet endroit. Cela donne des idées : on pourrait imaginer jouer une phrase blues sur les Ier degré des mesures 1 et 3, et jouer cette même phrase sur cette mesure, transposée d’une 4te ascendante…

Plan Blues N°4 Wynton Kelly sur Freddie Freeloader

Regardons de plus près le procédé évoqué dans la partie précédente, à savoir jouer la gamme blues mineure du premier degré sur le IVe degré. Nous allons jeter un oeil sur cette superbe phrase de Wynton Kelly sur Freddie Freeloader, un blues en Si bémol :

Jetez un oeil à la gamme blues mineur de Si bémol. Que remarquez-vous ?

En effet, malgré que l’accord soit un Eb7, Wynton Kelly joue tout le début de sa phrase sur la gamme blues mineure de Si bémol, la tonalité de notre blues.
Pourquoi est-ce que cela fonctionne ? Regardez donc une analyse de la gamme blues par rapport aux accords Eb7 et E° (le #iv° dans un blues en Bb majeur) :

Beaucoup de notes sont donc communes à la gamme et aux deux accords.

En fait, penser sa phrase à partir de la tonalité de notre morceau ou de la cadence dans laquelle on se trouve correspond à une pensée horizontale de l’harmonie.
Cela s’oppose à la pensée verticale, qui consiste à jouer chaque accord en montant ou descendant sa gamme ou son arpège.
Je ne m’étends pas sur le sujet, j’y ai dédié une séquence entière dans mon cours Harmonie Jazz : de la Théorie à l’Improvisation.

Terminons notre plan. Wynton Kelly revient sur le Ier degré, Bb7 en faisant s’alterner Bb blues mineur et Bb blues majeur :

Remarque : Freddie Freeloader est un morceau avec une grille simple qui ne contient pas les mouvements IV #iv° I et I ii ii/ii V/ii. Avec cette harmonie derrière, le plan fonctionne un peu moins bien, mais la puissance du son blues est telle que cela va quand même marcher, cf. la dernière partie)

Une astuce pour les instruments polyphoniques :

Dans le plan ci-dessus, Wynton Kelly harmonise sa phrase basée sur la gamme blues mineure avec la tonique en note supérieure :

Le son de cette harmonisation est très Bluesy car la tonique et la Blue note de la gamme blues mineure sont situées à un triton d’écart, un intervalle hautement dissonant qui définit le son du blues.

Il se sert aussi de cette note pour enrichir le reste de sa phrase qui utilise la gamme blues majeure. Même si cela fonctionne, il pourrait utiliser une autre note pour ce faire, et c’est ce qu’Oscar Peterson va nous montrer.

Plan Blues N°5 Oscar Peterson sur Now’s the Time

Regardez le début de cette phrase d’Oscar Peterson (début d’un blues en Fa) :

Nous retrouvons une harmonisation similaire à celle proposée précédemment par Wynton Kelly. Sauf qu’ici, deux choses changent :

  • La gamme employée est la gamme blues majeure (de Fa ici) ;
  • La note qui harmonise en note supérieure est la Sixte Majeure de cette gamme.

En effet, dans la gamme blues majeure, la note située à un triton de la Blue note est bien… la Sixte :

Donc, si vous improvisez sur la gamme blues mineure, vous pouvez harmoniser avec la Tonique en top note.
Par contre, si vous improvisez avec la gamme blues majeure, privilégiez la Sixte.

D’ailleurs, reprenons la fin du plan de Wynton Kelly avec cette idée en tête :

(Ici joué en Sol au lieu de la tonalité originelle Si bémol)

Ça sonne super aussi, non ?

Jetons un oeil à la fin de la phrase de Peterson. Nous pouvons la découper en 4 segments, que voici :

  1. (Le début basé sur la Gamme Blues majeure de Fa) ;
  2. Une phrase basée sur la gamme blues mineure avec la 3ce majeure incorporée qui fait référence à la gamme blues majeure ;
  3. Un cliché be-bop qui fait penser au début du thème Donna Lee ;
  4. La continuité de la phrase be-bop, utilisant gamme be-bop de Fa sur les premier et deuxième temps, puis le même tracé mélodique chromatique mais à partir de la sixte de la gamme pour atterrir sur la fondamentale de l’accord suivant ;
  5. Fin de la phrase Be-bop avec le vocabulaire de Bb mixolydien et une appogiature Be-bop.

Là encore, le vocabulaire be-bop est utilisé pour passer d’un virage important de la grille à un autre, tel le second plan de « Sweets » Edison vu plus haut.

Plan Blues N°6 Wes Montgomery sur D Natural Blues

Nous sommes maintenant dans le cadre d’un blues en Ré. Observez comment Wes aborde la progression ii/ii V/ii -> ii, notre 4e point névralgique aux mesures 8 et 9 de notre grille de Blues :

J’ai une question pour vous. À votre avis, comment Wes Montgomery s’y prend-il pour réussir à jouer les notes des accords tout en sonnant « bluesy » ?

Eh oui, il utilise les gammes blues, en prenant soin de choisir ses notes en fonction de l’harmonie qui défile :

Analysons ces quatre segments :

  1. Encore une belle manière de manier la Gamme blues ;
  2. Trois notes notes (sans compter l’appogiature) empruntées à la gamme blues mineure ;
  3. Quatre notes de la gamme blues majeure ;
  4. Un mix entre mineur et majeur. Si vous avez bien suivi, c’est l’exact même petit morceau que ce que joue Wynton Kelly dans Freddie Freeloader (4e temps de la 2nde mesure (sans compter la levée)),

Wes Montgomery joue donc Ré blues sur F#-7b5 B7b9 -> E-7… Cette manière d’approcher ce point crucial de la grille correspond encore une fois à une pensée horizontale.

Observons Joe Pass faire de même avec la fin de la grille :

Plan Blues N°7 : Joe Pass sur Joe’s Blues

Nous sommes maintenant dans le cadre d’un blues en Sol, sur les 4 dernières mesures, ce qui correspond à la cadence ii V I. Voici ce que Joe Pass propose :

Encore… Du blues !

Analysons cette phrase en se référant aux gammes blues mineure et majeure de Sol :

  1. Le début de la phrase est certes un arpège de A-9, mais aussi et surtout les notes la gamme blues majeure de Sol ;
  2. Joe Pass descend la gamme blues mineure de Sol sur le D7. Il prend soin d’harmoniser la 4te (par rapport à la note Sol) avec une note triton descendant. Cela donne les notes Do et Fa#, qui correspondent avec les 3ce et 7e du D7. La #4 (par rapport à Sol) qui précède est aussi harmonisée avec un triton, ce qui par rapport à l’accord est une approche chromatique.
  3. Résolution sur la gamme blues majeure, avec le même type d’harmonisation eu triton qui donne les 3ce et 7e de l’accord.
  4. Petite relance avec les notes de la gamme blues mineure.

Jouer blues sur ce ii V fonctionne, car même si la majorité des notes sont communes aux accords et aux gammes blues, cela revient surtout à anticiper la résolution vers le Ier degré.
C’est encore du jeu horizontal : Joe Pass base sa phrase par rapport à la tonalité de la cadence plutôt que ses accords individuels.

Cela nécessite tout de même de bien retomber sur ses pattes, à travailler, donc !

Résumons ce que nous avons appris, et assemblons ces 7 plans blues

Eh bien, ces 7 plans à jouer sur la grille de Blues nous aurons appris beaucoup de choses :

  • On peut jouer blues majeur sur le début de la grille ;
  • On peut utiliser le vocabulaire be-bop (gamme be-bop) de notre tonalité pour aller sur le degré IV7 ;
  • Jouer la gamme blues mineure de notre tonalité sur le IV7 fonctionne, c’est jouer de manière horizontale (on peut en déduire que faire cela fonctionne aussi à la 2nde mesure) ;
  • Mais on peut aussi jouer la gamme blues majeure du IV7 à cet endroit ;
  • Mixer les gammes blues majeure et mineure de notre tonalité sur les 7e et 8e mesures fonctionne aussi (jeu horizontal là encore) ;
  • Même chose sur le ii V I final ;

Partant de ce constat, on dirait qu’on peut jouer blues sur presque toute notre grille !!
Regardez plutôt :

Et le dernier point crucial alors, les deux dernières mesures ? Peut-on jouer blues aussi à cet endroit ? C’est ce que nous allons voir.
Assemblons nos 7 plans de manière à façonner deux grilles complètes, en utilisant le second (celui de Sweets Edison qui utilise la gamme blues majeure) à l’endroit fatidique :

Verdict : ça fonctionne. Allez, à vous de jouer !

Travaillez ces plans pour incorporer le langage des grands jazzmen dans votre jeu. Vous gagnerez au passage les quelques subtilités harmoniques que j’ai analysées tout au long de cet article.

Tous les plans contenant des triolets (Le 4e de Wynton Kelly, le 6e de Wes Montgomery, le 7e de Joe Pass) seront assez difficiles à jouer au dessus de 120 bpm (le tempo auquel je joue mon exemple ci-dessus). Par chance, un paquet de blues se jouent à ce tempo là ou en-dessous : Sandu, Billie’s Bounce, Blue Monk, Freddie Freeloader

Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

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Image de couverture : Oscar Peterson in 1977, Flickr, Tom Marcello (https://www.flickr.com/people/11447043@N00/) Webster, New York, USA. Licence

Comment la gamme Be-Bop règle le problème n°1 des gammes basiques

Vous rêvez de faire de longues phrases be-bop ? De jouer des tripotées de croches avec des chromatismes complexes et virtuoses ? De rendre Charlie Parker fier de l’héritage qu’il a laissé derrière lui ?

Super programme. Mais il faut que je vous prévienne, cela risque de ne pas se passer comme prévu si vous utilisez les gammes basiques : la gamme majeure, le mode mixolydien, etc…

En effet, ces gammes ont à leur essence même un problème majeur qui peut vous empêcher de sonner aussi bien que les plus grands boppeurs. Dans cet article, je vais vous expliquer pourquoi, et comment la gamme be-bop peut nous sauver la mise.

Croches : La hiérarchie des notes dans notre mesure

Prenons une mesure à 4/4, métrique dans laquelle se joue la quasi-totalité des standards.
Notre mesure comporte 4 noires, divisées en 2 croches, ce qui nous donne au total 8 croches.
Jetez un oeil à ce schéma :

La première croche tombe sur le 1er temps, la seconde, sur le « et » du 1er temps (en contretemps donc), la 3e croche tombe sur le 2nd temps, etc…

En fait, les croches qui vont tomber sur les temps vont sembler à l’oreille plus importantes que les croches placées en contretemps. Cette règle s’applique aussi bien aux croches swing qu’aux croches binaires. Laissez-moi vous donner un exemple.

Imaginons que je veuille improviser sur un premier degré majeur avec la gamme majeure correspondante. Ici, je vais prendre Cmaj7 et la gamme de Do majeur. Je vais la jouer avec un rythme de croches :

Voici maintenant la même phrase, mais décalée d’une croche :

Entendez-vous la différence ? La première phrase est bien placée, la seconde, non. Pourquoi ?

Analysons ce qui se passe. Dans mon premier exemple, les notes qui tombent sur le temps sont : Do, Mi, Sol, Si. C’est l’arpège de Do majeur 7, le degré que je cherche à jouer, parfait, donc.
Dans mon second exemple, les notes qui tombent sur les temps sont : Ré, Fa, La, Do. C’est l’arpège de mon second degré, D-7. Ce n’est pourtant pas l’accord sur lequel j’essaie d’improviser, mon premier degré, Cmaj7. Nous avons donc une sensation auditive désagréable, comme si le contenu de ma phrase était « décalé » par rapport à la normale.

Cette règle est aussi valable pour les phrases en double-croches. Les notes qui tombent sur les croches vont être plus importantes que celles qui sont « en l’air ».

Le Problème avec nos gammes classiques

Cette règle maintenant en tête, intéressons nous à la constitution de nos gammes « basiques » : la gamme majeure, la gamme mineure naturelle, le mode mixolydien…

Sans même les avoir sous les yeux, vous pouvez me lister une caractéristiques qu’elles ont en commun. Ce que je cherche à vous faire deviner, c’est qu’elles ont toutes 7 notes.

Cela peut sembler anecdotique, mais c’est pourtant ce qui pose problème lorsqu’on s’attelle à construire des phrases en croches. En effet, je vous disais tout à l’heure que notre mesure comporte huit croches. Si nous montons notre gamme dans un mouvement régulier et pair (conjointement, ou par tierces, ou par quartes…), au bout de 7 notes, nous allons nous retrouver à l’envers !

Regardez plutôt :

Je suis de nouveau en train d’improviser sur un Cmaj7 avec la gamme de Do majeur. Dans ma première mesure, ce sont les notes Do, Mi, Sol et Si qui tombent sur les temps et qui vont paraître les plus importantes. Mais dès que nous dépassons le quota des 7 notes, les notes qui tombent sur le temps sont Ré, Fa, La, et Do, exactement celles qu’on ne veut pas trouver à cette place !

Jamais nous ne pourrons sonner aussi bien que les boppeurs en utilisant nos pauvres gammes à 7 sons… Il faudrait rajouter une note pour que l’équilibre se fasse de nouveau et que nous puissions jouer plus de deux mesures « bien placé »…

La Gamme Be-Bop et son chromatisme ajouté

Nous sommes sauvés, voici la botte secrète des boppeurs, la Gamme Be-Bop. Pour la construire, il vous suffit de prendre la gamme majeure et d’ajouter un chromatisme, une note en plus non contenue dans notre tonalité, ici la 6te mineure par rapport à notre fondamentale :

Si je vous rejoue ma phrase de tout à l’heure, avec le chromatisme en plus :

Les notes qui tombent sur les temps ont légèrement changé par rapport à mon exemple précédent. Nous avons maintenant Do, Mi, Sol, La pour la première mesure et Do, Mi, Sol, La pour la seconde. C’est pour les deux mesures l’arpège de C6, accord tout à fait interchangeable avec l’accord de Cmaj7 (les jazzmen des années 30 jouaient presque exclusivement leurs premier degrés majeurs avec la couleur majeur 6).

La Gamme Be-Bop que je viens de vous présenter est la gamme Be-Bop « Majeure », à jouer sur les accords majeurs, donc. Il en existe deux autres vraiment essentielles à connaître :

Les deux autres Gammes Be-Bop essentielles : Mineure et Dominante

Voici la gamme Be-Bop à jouer sur les accords mineurs :

C’est en fait la gamme mineure mélodique (aussi appelé mode mineur-majeur, une gamme majeure dont la 3ce a été abaissée), avec le chromatisme de la 6te mineure en plus.

Attention, ne jouez pas cette gamme sur un accord mineur avec une 7e mineure (min7 donc).
En effet, ses altérations font entendre un accord -6, avec dans le mode une 7e majeure.
Cette gamme est donc plus appropriée pour jouer les premier degrés de tonalité mineure, qui ont par défaut une couleur min6 ou min-maj7. Si cela ne vous paraît pas clair, jetez donc un oeil à mes articles sur la tonalité mineure.

Je n’ai malheureusement pas trouvé d’exemples d’utilisation de cette gamme dans les improvisations des boppeurs (si vous en avez sous le coude, indiquez-les donc en commentaire !).
En effet, sur les premier degrés mineurs, ces derniers préfèrent jouer mineur mélodique, sans se soucier du chromatisme intégré.

Cependant, cette gamme est très utile pour accompagner les morceaux mineurs, car son harmonisation à quatre voix permet de créer un système bien rôdé où s’alternent accords mineurs 6 renversés et accords diminués (mais ce sera pour un autre article !).

Voici maintenant notre dernière gamme, la gamme be-bop dominante :

Comme son nom l’indique, elle est à jouer sur les accords 7, accords dits « de dominante », cela se vérifie à son échelle d’intervalle. Elle est en effet similaire à celle du mode mixolydien (le mode du Ve degré en tonalité majeure, de fonction dominante, et de couleur 7), avec en chromatisme ajouté une 7e majeure.

Quelques exemples de l’utilisation des gammes Be-bop

Voici un exemple de l’utilisation de la gamme Be-Bop majeure contenu dans la première phrase du thème de Miles Davis Donna Lee :

Voici maintenant une illustration de l’utilisation de la gamme be bop dominante dans le solo de Chet Baker sur Autumn Leaves :

Remarquez comme il utilise le vocabulaire de la gamme be bop du Ve degré dès le début du ii V I, en zappant le second degré. C’est une astuce que nous pouvons lui piquer volontiers.

À noter que dans mes deux exemples, les gammes be-bop sont jouées dans le sens descendant, c’est surtout de haut en bas que vous trouverez cette gamme dans les solos des grands jazzmen.

La Gamme Be-Bop : Résumons

Dans cet article nous avons vu que :

  • En jouant de longues phrases en croches, une hiérarchie s’installe entre les notes. Celles qui tombent sur le temps vont paraître plus importantes que celles en contretemps
  • Nos gammes à 7 sons ont donc un problème : jouées de manière conjointes, au bout de 7 notes, les bonnes notes ne tombent plus sur les temps
  • La gamme Be-Bop et son chromatisme intégré résout ce problème car le nombre de notes qu’elle contient correspond au nombre de croches dans la mesure
  • Les trois gammes Be-Bop essentielles sont : la gamme be-bop majeure (à jouer sur les accords majeurs), la gamme Be-Bop mineure (à jouer sur les accords mineurs), et la gamme Be-Bop dominante (à jouer sur les accords 7)
  • La gamme Be-Bop est surtout jouée de haut en bas, dans le sens descendant.

En plus de sauver les longues et virtuoses phrases de nos solos, la gamme Be-Bop a un son typé qui renvoie à l’âge d’or du Be-Bop. L’employer vous permettra donc de contribuer à perpétrer cet héritage. Longue vie au Be-Bop !

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Image de couverture : Portrait of Charlie Parker, Tommy Potter, Miles Davis, Dizzy Gillespie and Max Roach, Three Deuces, New York, N.Y. Vers août 1947. Par William P. Gottlieb. Domaine public

L’interchange modal : la technique utile pour renouveler vos compositions

Si vous composez vos propres thèmes de Jazz, vous faites peut-être face à un constat :

« Ma mélodie et mon harmonie tournent autour de ma tonalité/de mon mode de base sans jamais évoluer, c’est plat et monotone. »

Par chance, il existe un procédé simple et efficace pour varier un peu votre harmonie sans pour autant amener un déluge de changements à l’essence de votre morceau.

Cet outil prisé des compositeurs des standards de jazz s’appelle l’interchange modal.
C’est une composante incontournable des grilles que nous jouons au quotidien, et il faut absolument que vous sachiez vous en servir !
Commençons.

L’interchange Modal, qu’est-ce que c’est ?

L’interchange Modal est, dans la grille d’un morceau tonal, l’emprunt rapide d’un ou plusieurs accords à une tonalité ou un mode parallèle à notre tonalité ou mode de départ.
Cela amène alors de nouvelles couleurs dans notre harmonie tout en restant très proche de notre harmonie originelle.

Pas si vite ! Que signifient les termes tonalité et mode parallèles ?

Si vous avez lu mon article sur l’harmonie tonale, vous savez que celle-ci est construite autour de la gamme majeure. De chacune de ses notes peuvent être construits différents degrés, qui ont différentes fonctions tonales selon qu’ils tendent où relâchent la tension harmonique. Ces degrés ont chacun un mode bien précis (lydien, mixolydien, phrygien, aeolien, etc…).

La gamme majeure équivaut au mode ionien, on pourrait donc dire que l’harmonie majeure est en fait l’harmonie du mode ionien.

Partant de ce constat, on peut tout à fait prendre n’importe quel mode et construire une harmonie avec ses différentes notes : écrire les degrés, les classer selon des fonctions…

C’est par exemple ce qui se passe lorsqu’on établit l’harmonie mineure. On prend comme base la gamme mineure naturelle, aussi appelée le mode aeolien, et ses différents degrés.

Maintenant, que désigne le terme mode « parallèle » ?

C’est très simple ! Deux modes sont parallèles dès lors qu’ils ont en commun leurs toniques.
Par exemple, Do ionien et Do phrygien sont parallèles. Do dorien et Do Mixo b6, Do aeolien, Do altéré, etc…

Voici de nouveau la définition de l’interchange modal :

L’interchange Modal est, dans la grille d’un morceau tonal, l’emprunt rapide d’un ou plusieurs accords à une tonalité ou un mode parallèle à notre tonalité ou mode de départ.

Normalement, vous devriez y voir plus clair. Pour bien comprendre, je vais vous donner un exemple avec lequel vous êtes déjà familier.ère.

L’interchange modal fait fonctionner l’harmonie mineure

Comme dit précédemment, l’harmonie mineure se construit à partir du mode aeolien.
Et comme vous le savez également, le mode aeolien a un problème de taille… Il ne contient pas de sensible (7e Majeure par rapport au centre tonal). Cela rend insatisfaisante la cadence parfaite V -> i.

Nous pourrions en rester là… Mais c’est sans compter sur les compositeurs baroques qui ont remarqué que le mode mineur harmonique parallèle contenait, lui, une sensible, et donc un Ve degré qui rend satisfaisante la cadence parfaite.

En empruntant ce Ve degré à la gamme mineure harmonique parallèle pour faire fonctionner l’harmonie aeolienne, les compositeurs font un interchange modal.

L’interchange modal, à quoi sert-il concrètement ?

Nous venons de voir que l’interchange modal permet de rendre fonctionnelle et plus « tonale » l’harmonie mineure. Mais c’est un cas un peu extrême, car il est systématique, et intégré au concept de tonalité mineure.

Intéressons-nous à une utilisation plus courante, en particulier en jazz. Par exemple, dans The Days of Wine and Roses d’Henry Mancini :

Nous sommes en Fa majeur. Analysez quelques secondes les notes de la mélodie avec cette information en tête. Ne remarquez vous pas quelque chose ?

La mélodie de ce thème est entièrement diatonique, elle ne contient que les notes de la tonalité, Fa majeur. Entièrement ? Non, seulement une note se détache du reste. Le Ré bémol de la 7e mesure.

Imaginons quelques secondes que nous venions de composer ce thème, sans cette note qui vient tout chambouler. Nous sommes satisfait, c’est un beau thème, mais il est entièrement diatonique. N’est-ce pas un peu dommage ? Monotone ?

Pourquoi ne pas emprunter des notes un peu exotiques à un mode parallèle, par exemple, mettre un Ré bémol sur cette 7e mesure, et un Eb7#11 en harmonie ?

Ce choix d’accord et de mélodie nous permet de savoir à quel mode parallèle de notre tonalité nous venons de l’emprunter. Arriverez-vous à le retrouver ?

Nous sommes en Fa majeur, nous cherchons un mode parallèle, donc un mode qui commence par la note Fa.
Le Eb7#11 est le degré bVII7 par rapport notre premier degré, Fa quelque-chose. Sa couleur indique un mode Lydien b7, ce qui est confirmé par la mélodie (Do, La, La, Ré bémol, Ré bémol, La, Sol, soit la 13e M, la #11, la 7e m, la 3e M). Dans l’harmonie de quelle mode de Fa le bVII7 est-il Lydien b7 ?

Pour le savoir, il vous suffit de créer une gamme partant de Fa avec les notes du mode de Eb Lydien b7. Cela donne :

Le mode de Fa mixolydien b6. C’est un mode de la gamme mineure mélodique, qu’il vous faut connaître ! Je le décortique dans mon Ebook gratuit Les Fiches d’Identité des Modes.

L’harmonie du mode Mixolydien b6 comprend donc les couleurs d’accords des degrés de la gamme mineure mélodique, si vous les connaissez déjà, vous ne devriez pas être perdu.e. Sinon, pas de panique, c’est moins complexe que ça en a l’air !

Voici donc les différents degrés du mode mixo b6, dont celui qui nous intéresse, le bVII :

Le Ré bémol de la mélodie et son Eb7#11 viennent donc d’un interchange modal avec le mode de Fa mixolydien b6. Toute l’harmonie du thème aurait pu sembler monotone sans cette subtilité, qui vient enrichir sans pour autant détonner avec le contexte.

Remarque :

Henry Mancini n’a sans doute pas procédé de manière aussi analytique. Il n’a sans doute pas passé en revue tous les modes de Fa en listant leurs degrés et testé toutes les idées de mélodie possibles en l’altérant selon les différents modes…
L’idée a dû lui arriver à l’oreille tout de suite, sans avoir besoin de réfléchir.

Sauf que, pour vous qui n’écrivez sans doute pas de thèmes tous les matins au petit déjeuner, et qui n’entendez pas tout de suite de belles possibilités d’harmonisation et d’altération de mélodie, ce genre d’analyse peut se révéler bien utile !

En effet, The Days of Wine and Roses est le parfait exemple d’une harmonie et d’une mélodie simple mais pas simpliste grâce à l’enrichissement subtil amené par l’interchange modal.
Et l’exemple précis avec le degré bVII7 est extrêmement répandu parmi les standards de Jazz !
(Lisez-donc mon article sur le sujet pour vous en rendre compte).

Il n’est donc pas vain d’analyser pour se rendre compte de ce qui marche dans le but d’ensuite réutiliser les recettes apprises chez les plus grands…

Une autre utilisation courante de l’interchange modal

Dans The Days of Wine and Roses, Mancini emprunte le degré bVII7 au mode Mixolydien b6 parallèle. Ce degré est étranger à notre tonalité de départ, qui normalement contient un viie degré bécarre.

Mais il est tout à fait possible d’emprunter des degrés dont les fondamentales existent déjà dans notre harmonie de base. Tout l’intérêt va résider dans les nouvelles altérations que va apporter l’interchange modal aux couleurs de ces accords.

Voici un exemple très courant : l’emprunt à la tonalité mineure parallèle.

Précisément les harmonies des gammes mineures naturelle, harmonique et mélodique confondues.

Intéressons-nous en particulier à la gamme mineure harmonique et ses degrés :

La caractéristique du mode mineur harmonique est l’intervalle entre la sixte mineure et la 7e Majeure : 3 demi-tons, soit une seconde augmentée.

Cela permet entre autres à la gamme mineure harmonique d’avoir un Ve degré de couleur 7, sachant qu’il est courant de préciser que ce degré contient aussi une b9, donc 7b9. Contrairement au Ve degré de de la gamme mineure naturelle qui a une couleur min7, celui-ci tend véritablement l’harmonie pour appeler à une résolution sur le premier degré mineur.

Classons les degrés de cette gamme selon différentes fonctions. Dans cet article, nous avions vu que l’harmonie mineure contenait 3 fonctions caractérisées par la contenance de notes caractéristiques par rapport au centre tonal :

  • La sixte mineure. Cette note est instable par rapport à la quinte (par rapport au centre tonal) et est caractéristique de la famille sous-dominante ;
  • La sensible (7e Maj). Cette note est instable par rapport à la tonique et est caractéristique de la famille dominante.
  • Ou aucune de ces deux notes, auquel cas la fonction du degré est tonique.

Jetons un oeil à nos degrés :

Les degrés ii, iv et bVI ne contiennent que la sixte mineure. Les degrés V et vii contiennent la sensible. Le degré bIII est une exception, il contient lui aussi la sensible, mais a quand même deux pieds bien ancrés dans la fonction tonique. À classer avec le degré i, donc.

Bon, mais à quoi nous servent toutes ces informations ?

Eh bien, si vous êtes en train de composer un morceau majeur et que vous voulez épicer un peu votre harmonie, vous pouvez parfaitement aller chercher dans les notes et les couleurs de ce mode mineur parallèle. C’est ce que fait Victor Young à la fin de Stella by Starlight :

Nous sommes en Bb majeur. Remarquez comme la mélodie du dernier A reste diatonique sauf pour une note, le Sol bémol des 4 dernières mesures. Ce sol bémol est la sixte mineure par rapport à Si bémol, caractéristique du mode mineur harmonique parallèle, ce qui nous indique que nous avons changé de mode brièvement grâce à l’interchange modal.

L’harmonie a aussi changé en conséquence. Notre oreille s’attend à un ii V I en Bb majeur basique :

C-7 F7 -> Bbmaj7

Mais Young nous surprend en altérant ces degrés avec les couleurs mineures harmoniques : -7b5 pour le iind degré et 7b9 pour le Ve.

Mais comment se servir concrètement de l’interchange modal ?

Nous allons nous placer dans le cas de figure où vous êtes en train de composer un morceau dans une tonalité bien établie, et que vous trouvez votre harmonie un peu monotone.

Prenez une partie de votre mélodie que vous souhaitez enrichir, et altérez une ou plusieurs notes, tout en vous demandant dans quel mode parallèle à votre tonalité vous empruntez ces altérations.

Je vais faire cela avec vous en imaginant que je suis en train de composer The Days of Wine and Roses. Je voudrais enrichir une partie particulière du morceau, la dernière phrase avant le retour du A :

J’ai essayé plusieurs possibilités, plus ou moins éloignées de mon centre tonal, mais me suis arrêté sur cette version :

Mon morceau est en Fa majeur. Dans quel mode ai-je basculé ?

En fait, c’est un peu une question piège… La seule altération que j’ai insérée ici est le La bémol, ma tierce, qui devient mineure. Mais je n’ai donné aucune information sur la 5te, la 6te, et la 7e de mon mode. J’ai donc le choix entre différentes possibilités :

  • Fa mineur majeur : 5te juste, 6te Maj et 7e Maj
  • Fa mineur harmonique : 5te juste, 6te min, 7e Maj
  • Fa dorien : 5te juste, 6te Maj, 7e min
  • Fa locrien bécarre 2 : 5te dim, 6te min, 7e min

Avoir autant de choix est un peu embêtant… Nous n’allons pas nous amuser à regarder un à un les 7 degrés de tous ces modes pour déterminer celui qui irait le mieux avec noter mélodie, ce serait long et fastidieux.

Seule solution pour se sortir de ce pétrin : utiliser ses oreilles. Il nous suffit de chanter (ou jouer au piano) tour à tour les différents modes dans le contexte harmonique du morceau et déterminer celui qui nous plaît le plus (ou qui nous choque le moins !).

En pianotant un peu, je découvre que le mode que j’entends le plus dans ce contexte est le mode dorien.

Voici le mode de Fa dorien :

Le mode dorien est le second mode de la gamme majeure. Son harmonie est donc similaire à celle de la gamme majeure, dont la numérotation des degrés est décalée d’une note.

Voici l’harmonie de Fa dorien :

Il ne nous reste plus qu’à trouver des accords qui vont bien avec notre mélodie.
En pianotant un peu, je découvre qu’on peut faire un superbe mouvement ii V I vers Eb Maj :

Ça sonne bien non ?

Voici, concrètement, comment vous pouvez utiliser l’interchange modal pour enrichir votre harmonie facilement.

Une dernière chose

J’ai conscience que vous n’avez peut-être pas tous les modes possibles et imaginables en tête, et que ce genre d’exercice peut vous sembler fastidieux, voire impossible à réaliser.

Pour pallier à cela, je vous recommande d’analyser vos thèmes favoris sous le prisme de l’interchange modal, afin de détecter les endroits où les compositeurs altèrent la tonalité originelle et dans quels modes parallèles ils s’aventurent.

Faire ceci va vous donner une bonne idée des modes qui fonctionnent le mieux et que vous pouvez utiliser dans vos propres compositions. Sur le long terme cela va alimenter votre oreille de compositeur.trice et devenir instinctif.

En attendant, vous pouvez toujours utiliser les harmonies des trois modes que je vous ai montré dans cet article : Mixo b6, mineur Harmonique et dorien.

Résumons ce que nous avons appris grâce à cet article :

  • L’interchange Modal est, dans une grille d’un morceau tonal, l’emprunt rapide d’un ou plusieurs accords à une tonalité ou modalité parallèle à notre tonalité ;
  • Cela a pour action de créer de nouvelles couleurs harmoniques dans notre grille tout en restant très proche de notre tonalité ou mode de départ ;
  • L’harmonie mineure fonctionne grâce à l’interchange modal ;
  • Les compositeurs utilisent l’interchange modal en altérant plus ou moins leurs mélodies, ce qui fait apparaître des accords étrangers à la tonalité dans leurs grilles ;
  • Les degrés de ces accords peuvent être complètement étrangers à l’harmonie de départ (bVII dans un morceau majeur) ou bien être des altérations de degrés existant dans notre harmonie originelle (dans un morceau majeur : ii -> ii7b5 et V -> V7b9).

J’espère que cet article vous aura permis de débloquer vos problèmes d’harmonie pour vos compositions. Ou du moins, d’y voir plus clair sur les grilles des morceaux que vous jouez au quotidien !

Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

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Image de couverture : Henry Mancini, 1970, Ad on page 2 of February 28, 1970 Billboard magazine, RCA Records.

opened brown wooden french door

Le cas délicat de la Backdoor Cadence bVII7 -> I

Si vous avez déjà ouvert un Realbook pour déchiffrer des standards comme There Will Never Be Another You, Stella by Starlight, Just Friends… alors vous avez déjà rencontré une cadence bien spécifique qui a pu vous poser problème. J’ai nommé : La Backdoor Cadence, le degré bVII7 qui résout vers le Ier degré majeur.
D’où vient cette cadence ? Comment l’analyser ? Et enfin, comment les grands jazzmen s’y prennent-ils pour bien la faire sonner ?

Backdoor Cadence bVII7 -> I, qu’est-ce que c’est concrètement ?

La « Backdoor Cadence » est dans une tonalité majeure la résolution du degré bVII7 sur le Ier degré.
Le degré bVII7 est comme son nom l’indique de couleur 7, une triade majeure avec une 7e mineure. Sa fondamentale est située à une seconde majeure descendante par rapport au centre tonal. Voici un exemple en Do Majeur :

(J’ai éclaté les voicings mais toutes les notes de l’accord y sont !)

« Backdoor Cadence »… Mais pourquoi une telle appellation ? En fait, on considère implicitement que la cadence parfaite ii V -> I est la « Front Door » cadence, le chemin par défaut pour résoudre sur le premier degré dans l’harmonie tonale.
On passe donc par l’entrée principale, la « porte d’entrée », pour rentrer à la maison.

Ainsi, partir du bVII7, le degré situé juste avant (ou « derrière ») le I pour y résoudre peut être vu comme une manière secondaire d’arriver à nos fins, comme passer par la porte de derrière pour entrer dans notre maison.

Cette dénomination peut faire sourire, mais elle est pourtant assez proche de l’impression auditive que donne cette cadence :

Porte d’entrée :

Porte de derrière :

Dans mon second exemple, j’ai rajouté un F-7 (en Do : le iv7) avant mon Bb7 (bVII7) pour créer un ii V. C’est sous cette forme que la backdoor cadence se trouve le plus fréquemment dans nos grilles. Nous verrons un peu plus bas que ce détail a une grande importance…

D’où vient le degré bVII ?

Si vous avez des bons souvenirs de mon article sur la Tonalité Mineure, alors vous connaissez déjà la réponse.

Sinon, voici le schéma de l’harmonie tonale, ici dans la tonalité mineure (créé à partir du mode aeolien ou mineur naturel et enrichi des Ve et viie degrés issus de la gamme mineure harmonique) :

Vous pouvez constater que le degré bVII est présent dans la famille sous-dominante. Pourquoi cette classification ? Sa tétrade contient une 7e mineure (d’où le chiffrage bVII7), qui est aussi la sixte mineure par rapport au centre tonal.
Cette note est instable et tend à résoudre vers la Quinte juste par rapport au centre tonal, c’est la caractéristique de la famille sous-dominante en tonalité mineure.

Mais comment se fait-il que ce degré, appartenant à la tonalité mineure, se retrouve dans des grilles d’accord de morceaux majeurs ?

En fait, Do majeur et Do mineur sont plutôt proche harmoniquement, ils partagent entre autres la même tonique. Il est fréquent que les compositeurs empruntent des accords chez l’homonyme mineur si l’on est en majeur et vice versa. Ce procédé a un nom barbare : l’interchange modal. Pas de panique, j’y reviendrai plus en détail dans un prochain article !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela amène un peu de mouvement dans notre grille. Une goutte de mineur au milieu du majeur, c’est expressif.

Pourquoi le bVII7 résout sur le Ier degré ? Habituellement, c’est le job du Ve degré non ?

Bonne question. Et je vais vous annoncer une nouvelle qui ne va pas arranger nos affaires : le bVII7 est le Ve degré du degré bIII (c’est donc une… dominante secondaire).
En Do, Bb7 est le bVII7, mais aussi le Ve degré de Eb Majeur, le bIII.

C’est donc logiquement vers le bIII que le bVII7 devrait être principalement attiré, et pas le I.

Mais, si vous revenez au schéma de l’harmonie tonale, vous remarquerez qu’une flèche relie la fonction sous-dominante à la fonction tonique :

Cette flèche symbolise une cadence, la cadence plagale. Elle est plutôt rare en jazz, et nous avons tôt fait d’oublier son existence ! Cependant, le cas de la Backdoor Cadence est un bon exemple de son utilisation.

Pourquoi ne pas appeler « Backdoor Cadence » « Cadence plagale » alors ? Eh bien, son cas est si particulier qu’elle a son propre nom, pour bien la différencier d’autres plagales.

Notons que bVII7 -> I a la particularité d’être une cadence plagale qui commence avec un degré venant de la tonalité mineure et qui résout sur le Ier degré majeur.

Ce genre de manipulations est assez fréquent en jazz, souvent en guise de réharmonisation.
La cadence parfaite peut elle aussi commencer en mineur pour résoudre en majeur, comme dans les 4 premières mesures du standard de Cole Porter I Love You :

(Attention, le thème est en clé de Fa !)

La Backdoor Cadence complète : bVII7 précédé par le iv7

Prenez les quatre premières mesures du standard de Tadd Dameron Lady Bird :

Nous avons devant nos yeux une Backdoor Cadence typique bVII7 -> I (Bb7 -> Cmaj7).
Cependant, vous avez sans doute remarqué qu’un F-7 s’est invité avant notre Bb7 (je vous en parlais au début de cet article !).

Ce degré est étranger à Do Majeur. D’où vient-il ?

Comme pour le cas de notre bVII7, d’un interchange modal avec le mode de Do mineur naturel.

Rappelez-vous de notre schéma :

Le iv7 fait aussi partie de la famille sous-dominante. Mais pourquoi faire se succéder deux accords de sous-dominante, n’est-ce pas un peu contre-productif ?

En fait, ajouter un iv7 avant le bVII7 permet de rappeler la fonction secondaire de ce dernier : Ve degré du degré bIII.
En effet, le iv7 est aussi… le iind degré du bIII.

En Do, la Backdoor Cadence complète est F-7 Bb7 -> Cmaj7.
F-7 et le iv7, et Bb7 le bVII7. Mais F-7 et Bb7 sont aussi les ii et V du degré bIII, Eb Majeur.

Dans la Backdoor Cadence, ajouter un iv7 permet de dessiner le mouvement favori du jazzman, le ii V I.

L’ajout du iv7 est très prisé des boppeurs. C’est à leur contact que de multiples sous-dominantes ont fleuri dans les grilles des standards afin de faire apparaître des ii V.

Sauf que iv7 bVII7 a beau y ressembler, ce n’est pas vraiment un ii V ! Dans notre tonalité, les fonctions iv7 et bVII7 sont avant tout de famille sous-dominante. Il faut donc les chiffrer dans notre analyse comme tels.

Le seul cas où bVII7 est V/bIII

Il existe cependant une exception à la règle, un scénario où le bVII7 se comporte selon sa fonction secondaire, c’est-à-dire Ve degré du degré bIII.
C’est plutôt logique : quand on observe une résolution sur le degré bIII ! bVII7 est alors une dominante secondaire, et doit être notée comme telle : V/bIII

C’est peu fréquent, mais on peut trouver ce cas de figure dans le B de On Green Dolphin Street :

Mais dans la majorité des cas, bVII7 a une fonction sous-dominante.

Une question a dû naître dans votre esprit. Comment un accord 7 peut ne pas être de fonction dominante ?

Les accords 7 qui n’ont pas une fonction dominante

On compte de nombreux exemples en jazz où un accord 7 n’a pas pour vocation de résoudre vers son Ier degré.

Le premier accord du Blues par exemple, qui est un I7, n’est pas attiré comme un aimant sur le IV comme il devrait l’être dans un autre contexte. Le II7 et le bVI7 se comportent aussi parfois de cette manière, et bien entendu, notre bVII7.

Tous ces degrés ne se comportent pas comme des dominantes en ne résolvant pas vers leurs Ier degrés respectifs.
Mais pourquoi dans un morceau en Do majeur, Bb7 ne résout pas primairement sur Ebmaj7 ?

En fait, la réponse est dans la question… Car nous sommes en Do Majeur !

Comme la grille alentours est cimentée vers notre centre tonal, la manière dont nous comprenons le degré bVII7 est liée à ce contexte harmonique.
Inversement, le même accord, Bb7, dans le contexte d’une grille en Eb majeur n’est bien sûr plus compris et entendu comme étant le bVII7 de Do Majeur ! Sa fonction primaire est ici d’être le Ve degré.
Tout dépend donc du contexte.

Comme ces accords n’agissent pas selon leur fonction primaire, on peut légitimement se dire qu’il ne faut pas non plus les jouer comme tels, comme s’ils allaient résoudre vers leurs Ier degrés respectifs.

C’est à dire, dans une Backdoor Cadence en Do, jouer Bb7 comme s’il allait résoudre sur Ebmaj7. Donc en utilisant le 5e mode de la gamme de Eb Majeur, Bb mixolydien :

Vous pourriez me rétorquer que, pourtant, ça a l’air de fonctionner ! Cependant, il existe un mode qui paraît plus approprié :

Le mode Lydien b7

Le mode Lydien b7 est le 4e mode de la gamme mineur mélodique (plus d’informations sur ce mode dans mon Ebook Les Fiches d’Identité des Modes). C’est un des modes préférés des jazzmen pour faire sonner les accords 7 qui ne se comportent pas comme des dominants.

Pourquoi ?

Comparons sa structure par rapport au mode Mixolydien, le mode du Ve degré majeur (de fonction dominante), avec ici comme fondamentale la note Sol :

La seule différence entre les deux modes se situe au niveau de leurs Quartes : Le mode Mixolydien comprend une 4te juste et le mode Lydien b7 une 4te augmentée.

Cette petite différence est en fait tout ce qui fait l’intérêt du Lydien b7. Cette note correspond à la tonique sur laquelle résout le Ve degré. En Do majeur, le Ve degré est G7, la quarte de cet accord est Do, la tonique de notre tonalité.

Si maintenant, nous augmentons la quarte pour donner le mode Lydien b7, le Do devient Do#. Notre tonique n’est plus dans l’accord de Ve degré ce qui amoindrit son attraction vers son Ier degré.

Mais ce n’est pas le seul intérêt de ce mode, surtout appliqué au bVII7.

En Do, le bVII7 est Bb7. Voici Bb Lydien b7 :

Avez-vous remarqué que la tétrade de base donne les notes de Bb7, et les 3 extensions (9e, 11e, 13e) les notes Do, Mi et Sol ? Ce sont respectivement les 9e, #11 et 13e de Bb7 mais aussi et surtout les notes de la triade de Do majeur, le Ier degré majeur sur lequel le bVII7 tend à résoudre !

Regardez bien les 3 notes du haut de mon Bb7… La triade de Do Majeur !

C’est pour cette raison que ce mode semble préférable au mixolydien pour le degré bVII7. Le Mixolydien contient une altération de plus par rapport à notre tonalité de départ, le rendant moins évident à faire sonner.

En tout cas, ce choix est validé par d’illustres compositeurs de nos standards favoris :

Harry Warren pour There Will Never Be Another You :

Victor Young pour Stella by Starlight :

Henri Mancini pour The Days of Wine and Roses :

(Bon, en réalité, les premiers enregistrements des trois thèmes cités ci-dessus ne comportent pas de bVII7 à ces passages !! Cependant, c’est avec ces progressions d’accord qu’elles nous sont parvenues, ce sont celles que nous jouons aujourd’hui. Ces harmonies font clairement entendre un mode Lydien b7.)

Au passage, réhausser la quarte de notre bVII7 pour le faire sonner lydien b7 nous fait sortir du mode mineur naturel duquel nous l’avons emprunté.
En effet, en Do, Bb7#11 contient un Mi bécarre, note qui n’est pas contenu dans la gamme de Do mineure naturelle d’où provient notre bVII7. De quelle mode vient le bVII7#11 dans ce cas ??

Les compositeurs empruntent à l’harmonie de Do mixolydien b6 (mode que vous connaissez si vous avez lu Les Fiches d’Identité des Modes), dont le degré bVII7 est bien lydien b7.

Mais c’est un détail. Dans l’improvisation, ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe !

Le choix des grands Jazzmen pour jouer le bVII7

Écoutez plutôt Stan Getz sur Stella :

J’ai omis de l’indiquer, mais F7 est le bVII7 et Gmaj7 le I.

Et sur There Will Never Be Another You :

J’ai encore omis de l’indiquer, mais Db7 est le bVII7 (nous sommes en Eb majeur).

Et Wes Montgomery sur The Days of Wine and Roses :

Dans la majorité des interprétations de standards comprenant le bVII7, les grands jazzmen restent fidèle à Do mineur naturel en jouant la bVII7 avec le mode mixolydien ! Même parfois pendant les thèmes, qui contiennent pourtant la 4te augmentée comme je vous le montrais plus haut !

En fait, je pense que ce consensus est dû aux multiples réharmonisations qu’ont subit ces standards, notamment l’ajout de ii V à tout va. Dans les thèmes cités ci-dessus, le bVII7 est utilisé seul, sans ajouter le iv7 avant pour créer une forme ii V.

Mais dans les grilles des années 50, des ii V ont fleuri pour ajouter du mouvement harmonique. Si vous écoutez bien l’accompagnement derrière la version de There Will Never Be Another You par Stan Getz, pendant les chorus, on entend que la section rythmique joue Ab-7 Db7 au lieu de simplement Db7. Ce qui est au passage… out par rapport au thème qui comporte un Sol bécarre (contre Sol bémol dans le Ab-7).

Et ce détail change tout ! Les jazzmen, en voyant un ii V sur leurs grilles, jouent les modes basiques sur un ii V… Dorien, puis Mixolydien.
Certes, on pourrait commencer à jouer Dorien sur le iv7, puis Lydien b7 sur le bVII7. Mais c’est beaucoup moins évident…

D’ailleurs, des thèmes directement composés par des boppeurs comme Lady Bird ou Yardbird Suite utilisent de base la forme ii V : iv7 bVII7. Et leur mélodie est écrite avec… Le mode mixolydien, et pas le Lydien b7 :

Le choix entre Mixolydien et Lydien b7 pour jouer le bVII7 dépend donc du contexte.
Si vous voulez rester proche du thème, jouez Lydien b7, vous sonnerez au passage un peu old school ! Si vous voulez sonner bop, jouez mixolydien.

Ce qu’il faut retenir de cet article :

La « Backdoor Cadence » est dans une tonalité majeure la résolution du degré bVII7 vers le I, le plus souvent précédé du iv7.

iv7 et bVII7 sont empruntés au mineur naturel parallèle par interchange modal.
Ce sont aussi les ii et V du degré bIII, et, même si ce ne sont pas leurs fonctions primaires, ils sont le plus souvent joués comme tels par les jazzmen, ce qui implique d’utiliser le mode dorien pour le iv7, et le mode Mixolydien sur le bVII7.

Cependant, vous pouvez aussi faire le choix de jouer le bVII7 Lydien b7, ce qui amoindrit sa fonction secondaire de V/bIII et rappelle le thème que vous jouez.

J’espère que cet article vous aura permis d’y voir plus clair sur ce mystérieux accord !
Si vous avez des questions, des remarques, laissez un commentaire, je vous répondrai avec plaisir.

Cet article vous a plu et vous souhaitez en voir d’autres de ce type ? Restez au fait des dernières publications en vous abonnant à la Newsletter :

Et n’oubliez pas de partager cet article si vous pensez qu’il peut aider un.une de vos camarades se questionnant sur le bVII7 !! Il vous suffit de cliquer sur les petits boutons en bas à droite.