Vous n’entendez pas ce que joue le bassiste de votre groupe ? Vous n’arrivez pas à distinguer le hauteurs de note dans le registre grave, et échouez à repiquer des grilles ?
Ne cherchez pas plus loin : Votre oreille n’est pas assez entraînée pour entendre la basse.
Et pourtant, ce serait chouette de pouvoir comprendre ce qui se passe en bas du spectre sonore… Vous sauriez exactement où vous en êtes dans une grille, vous pourriez commencer à entendre les couleurs d’accord de votre pianiste en fonction de la basse, etc…
Bref, arrêter de vous perdre et entendre ce que vos camarades jouent afin de pouvoir réagir en conséquence.
Peut-être que tout cela vous semble insurmontable à accomplir, mais ne vous en faites pas, tout problème a sa solution.
Comme pour beaucoup de chose en matière de musique, pour affiner son oreille, il faut l’entraîner. Comme ça, elle peut mémoriser les bonnes sensations auditives et les relier ensuite à vos connaissances théoriques.
Avez-vous l’habitude de vous concentrer longtemps sur le jeu de votre contrebassiste quand vous jouez avec lui ? Relevez-vous des lignes de basse régulièrement ?
C’est pour vous mettre dans cette direction que j’ai écrit cet article.
Vous allez y (re)découvrir la basse sous toutes ses coutures, apprendre quel est son rôle dans la section rythmique, et certaines techniques récurrentes dans le jeu des bassistes qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce qui se passe, et les repiquer plus facilement.
C’est parti !
Qu’est-ce qu’une contrebasse, et qu’est-ce qui la rend si difficile à entendre ?
*J’emploie le terme « basse » pour désigner l’instrument qui tient ce rôle dans un groupe de jazz. Mais l’instrument en lui-même peut être une contrebasse, une basse électrique, la main gauche d’un organiste…
Dans cet article, je me focaliserai sur le plus difficile à entendre : la contrebasse.
La contrebasse est un instrument à cordes, constitué de haut en bas d’une tête avec des chevilles d’accordage, de cordes qui descendent le long d’un manche au dessus de sa touche et ce jusqu’au chevalet.
Ce dernier est posé sur une caisse de résonance qui a pour but d’amplifier le son créé par la vibration des cordes de l’instrument.
Cette vibration est créée par la main droite du.de la bassiste (si il.elle est droitier) qui va pincer les cordes et les relâcher. Pour modifier la hauteur de la note jouée, sa main gauche va presser la corde en un point précis sur la touche, ce qui va avoir pour effet de modifier la longueur de corde qui vibre et donner une hauteur de note différente que celle de la corde à vide*.
Première information extrêmement importante : Les 4 cordes « à vide » (*en les attaquant sans les presser sur la touche avec la main gauche) sont accordées comme ceci : E1, A1, D2, G2.
Les chiffres après les lettres correspondent aux hauteurs par rapport aux touches de piano, dont le clavier débute avec le « la zéro » -> A0, Bb0, B0, puis C1, etc…
Comme vous pouvez le voir, le registre de la contrebasse commence dans l’extrême grave du piano, région que nous n’avons pas vraiment l’habitude d’écouter attentivement.
De plus, la manière de jouer d’un bassiste de jazz (qu’on pourrait qualifier de pizzicato pour un contrebassiste classique) donne un timbre sourd, rond, mat à l’instrument, ce qui veut dire qu’il est pauvre en harmoniques.
Il est donc plus compliqué de discerner la hauteur d’une note à la contrebasse qu’au piano par exemple (son timbre étant plus riche en harmoniques).
Voilà pourquoi entendre la basse n’est pas si évident. Maintenant, intéressons-nous à sa fonction, et voyons si nous pouvons en tirer quelque chose d’utile pour nos repiquages.
Quel est le rôle de la basse dans la section rythmique ?
Traditionnellement, la basse connecte les fondamentales des accords d’une grille de jazz à l’aide d’une « ligne » ou d’un « riff« .
La ligne de basse a souvent un rythme régulier constitué de blanches ou de noires (on parle de Walking Bass), à la différence d’un riff dont la forme rythmique peut être plus complexe.
C’est parce que la contrebasse est l’instrument avec la tessiture la plus grave du groupe qu’elle joue les fondamentales des accords (fondamentale : Note la plus grave d’un accord, à ne pas confondre avec « tonique » qui désigne seulement la note du premier degré de notre tonalité).
En swing, le.la bassiste joue ces fondamentales sur le premier temps de la mesure s’il n’y a qu’un accord dans celle-ci.
Si la mesure comporte deux accords, la basse joue la fondamentale du second accord sur le troisième temps de la mesure.
Donc, si vous connaissez bien votre grille, écoutez la basse et vous saurez où vous en êtes dans le morceau.
De même, connaître la grille d’un morceau dont vous relevez la ligne de basse vous donne un indice sur potentiellement la moitié des notes !
À noter : Les bassistes prennent un malin plaisir à avancer ou retarder la venue des accords, ou bien à jouer une autre note que la fondamentale de l’accord (et réharmoniser)…
Mais dans la majorité des cas, si le morceau est vraiment « standard », vous n’aurez pas de mauvaises surprises.
Trois éléments du jeu de contrebasse essentiels à connaître pour en repiquer plus efficacement
1. Les cordes à vides et leurs harmoniques
Voici de nouveau les cordes à vide de l’instrument : E1, A1, D2, G2.
En fait, ces cordes à vide sont un véritable atout pour le.la bassiste.
Le fait de pouvoir jouer une note sans devoir utiliser sa main gauche lui donne énormément de flexibilité.
En effet, les bassistes peuvent jouer une note dans le médium-aigu de leur instrument et revenir dans le grave aussitôt en jouant une corde à vide.
Ce qui est un avantage pour eux.elles peut être un inconvénient pour nous car cela donne parfois de grands intervalles difficiles à entendre dans leurs lignes.
De la même manière, les harmoniques des cordes de Ré et de Sol sont souvent utilisés et créent parfois de grands intervalles dans les lignes.
Petit point terminologie : Que sont les « harmoniques » d’une corde ?
Tout son est composé d’une fréquence fondamentale qui détermine sa hauteur, à laquelle s’ajoute d’autres sons : les harmoniques. Ces sons sont des multiples de la fréquence fondamentale, ils peuvent être plus ou moins nombreux, ce qui détermine entre autres le timbre du son.
Sur un instrument à cordes, ce terme peut aussi désigner plusieurs points de résonance situés à des endroits clés de la corde. Effleurer ces points avec la main gauche (sans presser la corde contre la touche) tout en attaquant la corde avec la main droite va faire résonner un harmonique précis contenu dans le timbre de la corde.
Dans le cas de la contrebasse, un harmonique en particulier nous intéresse, celui de l’octave de la corde à vide, situé pile-poil au milieu de la corde (cela correspond à la 12e frette d’une basse électrique ou d’une guitare).
Utiliser cet outil permet au.à la bassiste de faire résonner deux notes en particulier sans avoir à maintenir la main gauche appuyée sur la touche (comme pour les cordes à vide). Ces notes sont les octaves de D2 et G2 : D3 et G3.
Ainsi, si vous entendez de grands intervalles dans le jeu de votre bassiste, il utilise à coup sûr les cordes à vide et ses harmoniques, soit les notes E1, A1, D2, G2, D3, G3.
2. Les Ghost Notes
Les Ghost Notes sont littéralement des notes « fantômes », qui sont là sans vraiment l’être…
En fait, ce terme désigne une note sans hauteur définie, présente dans le jeu du bassiste pour lui donner du relief en l’enrichissant rythmiquement.
Pour ce faire, le.la bassiste attaque la note à la main droite et l’étouffe à la main gauche, comme ceci :
Ces notes n’ayant pas d’importance harmoniquement parlant, il est donc possible de les omettre dans nos relevés. Cependant, c’est une des techniques préférées des bassistes pour faire groover leur ligne de basse, rythmiquement parlant, elles sont essentielles.
Donc, si vous désirez les noter, utilisez cette écriture :
Quand on connaît l’instrument, on peut écrire une ghost note à la hauteur de la corde à vide sur laquelle elle est jouée par le.la bassiste.
Si vous n’êtes pas familier avec le fonctionnement de la basse, notez la comme une note d’approche à la note suivante de votre relevé, juste au-dessus ou en-dessous.
Pour résumer, si vous entendez une petite pique rythmique sans hauteur apparente, pas besoin de vous casser la tête, vous êtes face à une ghost note.
3. Les Fills
Voici un point plus problématique. Un fill est une ponctuation dans le jeu du bassiste, quelques notes jouées rapidement généralement à la fin d’une carrure de 4 mesures.
Les bassistes utilisent des fills pour enrichir leur jeu, leur donner du relief rythmique, répondre au soliste…
Sauf que je ne vous l’ai pas encore indiqué, mais la contrebasse est un instrument délicat à maîtriser, son ergonomie fait qu’il est difficile d’en jouer rapidement…
Pourquoi ce détail est-il important ? Parce que cela va nous aider dans nos relevés : Les bassistes vont au plus simple et au plus pratique pour jouer leurs fills, en utilisant… des cordes à vide !
Comme l’attaque de la contrebasse se fait naturellement de l’aigu vers le grave, les fills ont en majorité une direction descendante.
Une autre astuce utilisée par les bassistes pour jouer rapidement est la technique du pull-off, qui désigne seulement une attaque de la corde en la pinçant tout en relâchant la note précédente à la main gauche (ce qui économise une attaque de main droite). Dans la vidéo plus haut, mon fill commence par un pull-off.
Les fills que vous entendrez utilisent donc à coup sûr cordes à vide, parfois des harmoniques, et des pull-offs.
Résumons ensemble :
Dans cet article, nous avons vu que :
- La basse joue les fondamentales des accords sur les 1er temps des mesures (1er et 3e temps s’il y a deux accords par mesure) ;
- Les cordes à vide (E1, A1, D2, G2) et les harmoniques D3 et G3 permettent aux bassistes d’insérer des grands intervalles dans leurs lignes ;
- Les ghost notes sont des notes purement rythmiques sans hauteur, qu’il n’est pas indispensable de noter ;
- Les fills contiennent toujours les cordes à vides ou leurs harmoniques et sont joués de l’aigu vers le grave (souvent grâce à un pull-off).
J’espère que cet article vous aidera à mieux entendre le jeu de votre bassiste, et à repiquer de la basse plus facilement.
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Image de couverture : Slam Stewart at Keystone Korner, San Francisco CA 4/28/81. Playing with Illinois Jacquet.
© Brian McMillen / brianmcmillen@hotmail.com
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