[Cette publication fait partie d’une suite d’article sur la théorie, je vais donc faire référence à des outils que j’ai introduit précédemment. Pour ne pas être perdu, voici la première étape : https://jazzcomposer.fr/une-nouvelle-approche-de-l-harmonie-tonale/]
J’ai mis longtemps avant de comprendre les grilles des standards que je jouais tous les jours, et je peux vous dire que cela a eu son lot de handicaps. À chaque fois que je m’enregistrais, je me demandais pourquoi je n’arrivais pas à sonner comme les grands jazzmen que j’écoutais et adorais. Ils semblaient raconter des histoires bien plus riches que les miennes, et je n’arrivais pas à comprendre pourquoi.
C’était encore plus frappant quand je composais des morceaux, et que je devais écrire des grilles. Mes progressions d’accords étaient juste NULLES par rapport aux morceaux des compositeurs que j’admirais.
Cependant, je ne me suis pas découragé et ai finit par déceler un des éléments qu’il me manquait. Ce qui m’a été le plus utile a été d’analyser les grilles de mes standards favoris, de repérer les progressions d’accords qui me plaisaient, les histoires racontées à travers les différentes cadences, etc…
Dans cet article, nous allons apprendre à reconnaître les dominantes secondaires en analysant un standard de jazz. Et, en bonus, je vais vous donner un exemple de leur utilisation afin d’élargir vos possibilités de jeu en improvisation ou accompagnement !
Qu’est-ce qu’une Dominante Secondaire ?
Petit rappel de notions indispensables (vues en détail dans les articles précédents) :
- Le contexte : Nous nous trouvons dans le cadre d’un morceau tonal, où l’harmonie navigue entre différents degrés qui forment des cadences.
- L’alternance entre le Ve degré et le Ier degré est appelé cadence parfaite, ex : En Do majeur : G7 -> Cmaj7. C’est un chemin harmonique très fort qui fait entendre une tension, puis une résolution au sein d’une tonalité.
- Le Ve degré d’une tonalité majeure est un accord 7 (accord à 4 sons, majeur avec une 7ème mineure)
- Le Ve degré d’une tonalité mineure est un accord 7b9 (idem, mais à 5 sons, avec une 9ème mineure)
- Le Ve degré est appelé accord de dominante en musique savante
Maintenant que nous avons reposé les bases, passons au vif du sujet.
Avez-vous déjà été « bloqué » en analysant une grille ?
Était-ce en rencontrant un accord de dominante qui n’était pas le Ve degré de votre tonalité?
Par exemple, il est possible de trouver un E7b9 dans une progression d’accords en Do majeur. Pourtant, le seul accord de dominante de cette tonalité devrait être son Ve degré, G7…
Je me suis moi-même longtemps demandé d’où venaient ces accords. Après quelques recherches, j’ai fini par trouver l’explication :
Ces accords sont les dominantes des autres degrés de notre tonalité.
Ainsi, au sein d’une tonalité, on peut considérer brièvement les IInd, IIIe, IVe, Ve et VIe degrés comme des Ier degrés et les amener par des cadences parfaites, en les précédant par leurs Ve degrés respectifs.
Ce point est crucial, et je veux vraiment que vous le compreniez :
Au sein d’une tonalité, on peut considérer brièvement les IInd, IIIe, IVe, Ve et VIe degrés comme des Ier degrés et les amener par des cadences parfaites, en les précédant par leurs Ve degrés respectifs.
« Mais pour quelle raison ? » Eh bien, cela a pour effet de casser la monotonie des progressions tonales et de faire entendre d’autres couleurs. En effet, ces nouveaux accords contiennent des notes étrangères à notre tonalité, cela enrichit notre harmonie.
Prenons un exemple :
Dans une progression en Do majeur, on peut renforcer harmoniquement le second degré (D-7) en l’amenant par sa dominante, A7b9.
Cela nous fait sortir de notre tonalité, car A7b9 contient un Do dièse et un Si bémol, deux notes qui ne font pas partie de Do majeur.
Attention, autre point hyper important : ces sorties de route ne durent que le temps du Ve degré, on revient dans notre tonalité de départ avec notre résolution.
Si la résolution se vait sur un Ier degré différend de celui de notre tonalité, il s’agit d’une modulation.
Autre exemple :
En Do majeur, nous pouvons brièvement considérer G7 comme un Ier degré et l’amener par une cadence parfaite grâce à son Ve degré, D7. Cela nous donne obligatoirement D7 -> G7, et pas D7 -> Gmaj7 (dans le deuxième cas, il y a modulation puisque nous résolvons sur un Ier degré extérieur à la tonalité de Do majeur).
Ces dominantes qui ne sont pas le Ve degré de notre centre tonal, et qui renvoient sur les autres degrés sont appelées dominantes secondaires.
Les Dominantes Secondaires de Do majeur
Nous allons faire un petit jeu pour voir si vous avez bien compris le concept ! Vous allez trouver les cinq dominantes secondaires de la tonalité de Do majeur. Pour ce faire, 3 étapes :
- Lister les degrés de la tonalité, sans prendre en compte le VIIe et le Ier
- Regarder leurs couleurs, à 3 sons (majeurs ou mineurs ?)
- Chercher le Ve degré de chaque accord (qui va être 7 pour les accords majeurs, 7b9 pour les accords mineurs)
Comme on considère les degrés qu’on vient de lister comme des Ier degrés, on peut déduire leurs Ve degrés respectifs en leur ajoutant à chaque fois un intervalle d’une quinte ascendante.
Pour vous aider, voici le Schéma de l’harmonie tonale en Do majeur, (déjà vu dans cet article).
Prenez un crayon et de quoi écrire, et trouvez les dominantes secondaires !

Voici les résultats :
- ii : D-. +quinte -> A7b9
- iii : E-. +quinte -> B7b9
- IV : F. +quinte -> C7
- V : G. +quinte -> D7
- vi : A-. +quinte -> E7b9
Bravo à celles et ceux qui ont tout juste ! Vous pouvez vous entraîner avec une autre tonalité, Fa par exemple.
Complétons notre schéma de l’harmonie tonale en y ajoutant ces dominantes secondaires :

Avez-vous remarqué que j’ai indiqué les degrés dans un petit rectangle jaune en dessous des accords ? Si oui, la notation V/ii doit vous intriguer…
Dans ce cas précis, elle signifie que l’accord est le Ve degré du iind degré, désignant forcément une dominante secondaire.
Par exemple, si on rencontre dans une grille la dominante secondaire du sixième degré de notre tonalité, on la notera : V/vi.
Analyse de la grille d’All of Me
Après avoir lu cet article, quand vous regardez une grille, plus de raisons de se dire :
« Mais d’où sort cet accord 7 ? Ce n’est pas le Ve degré… Au secours !!«
Pour en être sûr, nous allons en analyser une ensemble. Pour ce faire, il faut :
- Trouver la tonalité du morceau (voir cet article)
- En déduire les 7 degrés de la tonalité, et les organiser sur un schéma.
- Chiffrer les accords de notre grille à l’aide de notre schéma
- Si jamais vous décelez un accord 7 suspect -> référez-vous aux dominantes secondaires des degrés de la tonalité
Analysons maintenant ensemble un morceau super connu : All of Me

Déterminons en premier lieu sa tonalité. Nous cherchons le centre tonal, donc un accord majeur ou mineur, se trouvant dans les fins ou débuts de parties…
Aux premières mesures des A, on a un accord de Cmaj7. Nous pourrions dire que notre tonalité est Do majeur, mais pour autant, ne tirons pas de conclusions hâtives. Dans le cas du standard Just Friends, nous nous retrouvons devant le même constat, mais le morceau est en Sol majeur !
Regardons la fin de notre grille. On voit très clairement une cadence parfaite en Do majeur, un ii -> V -> I : D-7 -> G7 -> Cmaj7. Là, il n’y a plus trop de doutes à avoir, notre tonalité est Do majeur.
Donc, reprenons notre schéma de l’harmonie tonale adapté à notre tonalité, et voyons de quoi notre grille est faite :

(Je vous remets la grille ci-dessous)

Plusieurs accords correspondent, l’harmonie navigue entre le Ier, le iind, le IVe, le Ve degré… Mais plusieurs accords ne sont pas sur le schéma ! Analysons ensemble le premier A.

Première et deuxième mesures, Cmaj7 est notre Ier degré, nous ne sommes donc pas perdus.
À la troisième mesure, le E7b9 ne fait pas partie de notre tonalité. Je vous le donne dans le mille, c’est une dominante secondaire. De quel degré ? Référons nous à notre schéma :

E7b9 est le V/vi, le cinquième degré du sixième degré. L’harmonie est tendue, l’élastique demande à être relâché avec une résolution sur le sixième degré.
Est-ce que cette résolution arrive ? Et c’est là où beaucoup de gens vont se tromper, regardez la grille :

L’accord de la 5e mesure est un A7b9. Si on avait résolu la tension du E7b9, on aurait atterri sur A-7 (reportez vous au schéma). D’où sort ce A7b9 dans ce cas ? ENCORE UNE DOMINANTE SECONDAIRE. De quel degré ?

Si vous avez répondu le second, c’est gagné. En enchaînant ce deux tensions, le compositeur tend une nouvelle fois l’élastique. Résout-il pour autant cette tension ?

Oui ! On arrive sur notre second degré, tout va bien, la cadence est parfaite.
Enfin, ne nous méprenons pas, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver à l’apaisement total, l’endroit où nous sommes stationnés n’est pas le Ier degré de notre tonalité…
Comprendre la subtilité des dominantes secondaires permet d’enrichir considérablement les progressions d’accord, de diriger l’auditeur vers un véritable voyage harmonique, avec des péripéties, des étapes plus stables…
Prendre conscience de tout cela permet d’organiser un solo ou de composer une ligne mélodique cohérente par rapport à l’harmonie, c’est donc indispensable pour tout jazzman.
Je vous laisse analyser le reste de la grille en ayant cela en tête, vous verrez, c’est assez similaire.

Bonus : Un exemple de réharmonisation utilisant les Dominantes Secondaires
Insérer artificiellement des dominantes secondaires aux endroits où elles ne devraient pas se trouver est un procédé courant chez les grands jazzmen. Je vais vous en donner un exemple qui va enrichir cotre vocabulaire sur un standard en particulier : Autumn Leaves.
Prenons les 4 premières mesures. Pour les besoins de l’exercice, on va considérer que ces mesures sont dans une tonalité de Si bémol majeur.

Prenons notre schéma, en Si bémol majeur :

Analysons maintenant nos 4 mesures. Je vous laisse le faire avant de regarder ma propre analyse, c’est très rapide et pas compliqué.

Maintenant vous avez sans doute remarqué qu’on passe du Ier au IVe degré sans aucune cadence. Et si on utilisait une dominante secondaire pour annoncer ce IVe degré ?
De quel accord s’agirait-il ?

Il s’agirait de Bb7. Voici donc notre grille, réharmonisée avec l’ajout de cette dominante secondaire :

En plus de créer un joli mouvement de voix entre les accords Bbmaj7 et Bb7, cette réharmonisation tonicise le IVe degré et donne une sensation de résolution agréable. Nous n’enchaînons plus bêtement le Ier et le IVe degré, nous avons l’impression de les lier entre eux.
Je ne sors pas cet exemple de nulle part, je l’ai entendu joué par de grands jazzmen. En voici quelques preuves :
Conclusion
Vous savez maintenant reconnaître les dominantes secondaires dans les grilles de vos standards préférés et avez même une idée de vocabulaire en plus sur la troisième mesure d’Autumn Leaves.
À partir de maintenant, à chaque fois que vous aurez la grille d’un standard sous les yeux, prenez un petit temps pour la comprendre, et même trouver des endroits où l’enrichir, en approchant le IVe degré comme pour Autumn Leaves par exemple… (Petit tip : ça marche très bien sur All The Things You Are).
Mais il vous reste encore beaucoup à apprendre des grilles de jazz. Par exemple, saviez-vous qu’on peut précéder une dominante secondaire d’une sous-dominante secondaire ? Pour en apprendre plus sur cet outil (et beaucoup d’autres) et obtenir des exercices pour les intégrer directement à votre jeu, procurez-vous mon cours complet Harmonie Jazz : de la Théorie à lmprovisation. Toutes les infos sont sur cette page :
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15 commentaires
castanet jean-luc · 8 août 2020 à 07:53
Après ma mise en retraite, et quelques années de modestes auto-études aidé par des livres, n’ayant jamais étudié sérieusement la musisue ni
le piano (instrument qui m’a toujours fasciné) je trouve réponse grâce à vous, à ma question ‘qu’est-ce qu’une dominante secondaire?’.
Il me reste un grand travail pour m’y familiariser. Merci vivement, merci !
Louis · 8 août 2020 à 22:33
Bonjour Jean-Luc, merci pour ton commentaire qui me fait plaisir, je suis ravi d’avoir pu t’aider !
Floerké Eric · 22 novembre 2022 à 00:04
Merci pur la remarquable clarté de votre explication
Louis · 23 novembre 2022 à 12:06
Merci Éric pour votre commentaire qui me fait plaisir, à bientôt !
Marie · 20 octobre 2024 à 11:07
Un très grand merci pour cet article génial !!!!!!
Les dominantes secondaires étaient incompréhensibles jusque là avant de tomber sur votre article formidable
Bravo et 1000 mercis
Louis · 20 octobre 2024 à 16:57
Ravi d’avoir pu vous éclairer Marie ! Si vous avez une question particulière sur une notion théorique, n’hésitez pas !
christmas · 26 novembre 2022 à 17:27
Question sans doute idiote: pourquoi le degré V d’une dominante secondaire mineure est il b9 ?
Louis · 27 novembre 2022 à 12:45
Bonjour Noël,
La question n’est pas idiote au contraire ! On précise qu’un Ve degré de tonalité mineure a une couleur 7 avec b9 ajoutée pour le différencier du Ve degré de tonalité majeure (de couleur 7). À 4 sons, les deux degrés ont une couleur similaire (7), l’intérêt de les différencier visuellement sur la grille est qu’on ne joue pas la même chose sur un Ve degré qui résout en majeur qu’un Ve degré qui résout en mineur.
Avec la notation 7b9, pas de doutes, on résout bien en mineur, il faut préparer cette résolution en soulignant la b9 dans l’accord.
Par extension, la même chose s’applique pour les dominantes secondaires, pour différencier celles qui résolvent vers un degré de couleur majeure de celles qui résolvent vers un degré de couleur mineure, on précise que le mode de ces dernières contient une b9, et qu’il faut le souligner quand on joue l’accord.
Cette couleur provient du mode dont est tiré le Ve degré de tonalité mineure. Comme je l’explique dans cet article, on emprunte ce degré à la gamme mineure harmonique. Le 5e mode de cette gamme (qui correspond au degré en question) est le mode mixolydien b9b13 (aussi appelé phrygien bécarre 3), il donne une tétrade de couleur 7, et les autres notes du mode sont : b2 ou b9, 4 ou 11, b6 ou b13. Généralement, on ajoute la b9 et la b13 pour donner une couleur plus fournie, mais on n’utilise jamais la 4te/11e sauf pour suspendre l’accord (couleur 7sus4,b9).
Voilà d’où vient la b9 des dominantes qui résolvent en mineur. J’espère que tout est clair, à bientôt !
CHRISTMAS · 27 novembre 2022 à 13:07
Grand merci, je vais essayer de « digérer » tout cela: c’est clair pour ce b9…çà l’est moins pour les modes…
JC · 24 octobre 2024 à 22:21
Bonjour Louis
Quel plaisir de vous lire. J’aurais une question : dans la grille de All of Me, comment interpréter la mesure 7 du B ? Ce D-7 est étrange : c’est le ii de la tonalité, alors qu’on attendrait plutôt un G7, i.e. le degré résolutif de la dominante secondaire D7 (V/V). Bref, sur les mesures 5 à 8 du B, on a V/V – ii – V – I (A2) et non ii – V/V – V – I (A2). Hypothèse : une erreur s’est glissée, et il faudrait plutôt lire l’enchaînement D-7 – D7 – G7 – CMaj7 ? Qu’en pensez-vous ?
Mille mercis pour votre retour.
JC
Louis · 25 octobre 2024 à 12:17
Bonjour JC,
Excellente question que je me rappelle m’être posé pendant mes études, et mon prof d’harmonie de l’époque (Jean-Marc Brisson) m’avait donné une analyse que je trouve très satisfaisante.
D7, au sein de la tonalité de Do majeur, est bien le Ve degré du Ve degré, peu importe si la résolution vers le Ve degré se fait, ou non.
Dans le cas d’All of Me (et de beaucoup de standards du même type), on a bien la forme V/V – ii – V – I, et non comme on peut s’y attendre V/V – V – I.
C’est juste un petit virage harmonique de plus avant la résolution sur le Ier degré, une manière élégante de déjouer les attentes de l’auditeur.
De manière générale, cette manie de précéder les Ve degrés des iid correspondants est héritée des boppers. Par exemple, aujourd’hui, on joue la grille de Take The A Train sous cette forme : I – I – V/V – V/V – ii – V – I.
Donc avec le ii qui sépare le V/V du V.
Mais dans les premiers enregistrements, elle est jouée ainsi par Ellington : I – I – V/V – V/V – V – V – I.
Le V suit le V/V, sans ii, qui a été introduit ensuite par les boppers !
Les deux options sont assez équivalentes, dans les deux cas, la fonction du D7 est V7/V, qu’il soit suivi ou non de son degré de résolution. De manière générale, il arrive que des dominantes secondaires ne résolvent pas vers leurs degrés de résolution, ce qui créé sont lot de surprise harmonique.
JC · 25 octobre 2024 à 15:12
Bonjour Louis
Merci beaucoup pour ce retour très clair. Je n’en doutais pas, vu la qualité du contenu figurant sur ce site. Franchement, j’en écume beaucoup, y compris en anglais, et le vôtre fait sincèrement partie des plus didactiques. Je saisis la chance qu’ont les internautes de pouvoir bénéficier de ce genre d’analyses très qualitatives, de surcroît gratuitement.
J’ai parcouru votre offre de cours « Harmonie Jazz : de la Théorie à l’improvisation », qui est très enthousiasmante et séduisante. Toutefois, je me suis déjà engagé sur une formation de ce type, que je n’ai pas encore achevée vu la masse de temps qu’elle nécessite en comparaison de celle dont je dispose. Aussi, je n’ai pas trop envie de me dissiper. Mais à terme, pourquoi pas… J’ai toutefois un grand problème dans la vie : je suis (j’essaie d’être) guitariste ! Je suis donc frappé par cette fatalité qu’est la tablature, laquelle exonère commodément de toute aptitude à lire une portée de manière fluide, ou à tout le moins courante. Or, je constate, au travers des quelques pages de votre cours que vous mettez en ligne, que votre approche requerrait la maîtrise du solfège. Ma préoccupation est donc simple : peut-on efficacement avancer dans votre cours sans pour autant être capable de lire le solfège de manière fluide ? Question subsidiaire : avez-vous pensé à éditer un cours en portée + tablature, spécifiquement à l’adresse des guitaristes n’ayant pas de cursus musical « traditionnel » derrière eux, mais pour autant bien intéressés par l’harmonie et spécifiquement par sa déclinaison jazz ?
Bien à vous.
JC
Louis · 22 janvier 2025 à 12:28
Bonjour JC, mille excuses pour ma réponse plus que tardive, je n’ai pas été notifié que vous aviez répondu à mon commentaire, je ne comprends pas et ce n’est pas la première fois que cela m’arrive, désolé.
En effet, les supports d’ « Harmonie Jazz » ne sont pas écrits en tablature, je les édite déjà doublement pour la clé de Fa (ce qui prend 2x plus de temps !) et je ne peux pas me permettre de faire de même pour les guitaristes, qui ne représentent pas la majorité de mes élèves… Et il en va de même pour mes méthodes papier, qui représentent tellement de travail de mise en page que même une édition pour la clé de Fa est inenvisageable.
Par contre, je suis bien conscient que les élèves qui suivent ce cours sont parfois inexpérimentés en solfège, donc je fais en sorte que les partitions écrites soient très claires, et jamais trop fournies, de sorte qu’avec un peu de motivation, on puisse les déchiffrer sans se heurter à une barrière de difficulté, et ensuite s’en affranchir en apprenant le passage par coeur par exemple.
Je vous conseille de voir le cours comme un bon moyen de vous entraîner à la lecture à vue, c’est tellement pratique de savoir lire quand on joue en groupe, qu’on veut déchiffrer des partitions, écrire pour d’autres instruments, composer/arranger… Et ça fait considérer le manche de la guitare d’une autre manière.
À bientôt JC et désolé encore pour le délai de réponse, je vais résoudre ce problème de notifications.
Louis
Montalat Gerard · 21 janvier 2025 à 05:28
Dans All of me, le E7b9 va vers A7b9 au lieu de A-7.
ce E7b9 ne résout donc pas vers un accord de la tonalité de C (A7 au lieu de A-)
Peux t’on alors parler ici de « modulation » quand on arrive sur E7b9 ou doit on utiliser le terme d’emprunt à une autre tonalité ? ( ici A- ou A Maj Harmonique)
Merci
Louis · 22 janvier 2025 à 12:39
Bonjour Gérard,
Dans ce cas précis, nous ne pouvons pas parler de modulation car un nouveau premier degré n’est pas affirmé, nous n’avons pas eu le temps de nous imprégner de la tonalité étrangère.
C’est un emprunt à une autre tonalité (en l’occurrence La mineur), le procédé spécifique est bien appelé « dominante secondaire ».
Nous sommes en Do majeur. A-7 est le 6e degré. E7b9 est le V/vi. Même si E7b9 ne résout pas sur A-7, il reste le V/vi !
Ces emprunts de dominantes à d’autres tonalités sont à voir comme des virages serrés sur une piste qu’aurait tracé le compositeur. On dévie de la route principale (la tonalité de base du morceau) pour nous emmener dans une autre avec une dominante secondaire, avant de se rendre compte qu’on revient dans la tonalité de départ en atterrissant sur le degré visé. Mais si on n’atterrit pas sur le degré visé par la dominante, alors c’est un autre virage serré dans une autre direction que nous fait subir le compositeur ! L’harmonie du morceau est alors très mouvementée.
On a donc E7b9 -> A7b9 -> D-7 = V/vi, V/ii, ii
Une très bonne illustration de ces dominantes secondaires qui ne résolvent pas est la grille du Rhythm Changes (I Got Rhythm), sur le pont :
(En do) E7 -> A7 -> D7 -> G7
On a V/vi -> V/ii -> V/V -> V
Même si les dominantes secondaires ne résolvent pas vraiment sur les degrés visés (les fondamentales sont bonnes, mais pas les couleurs d’accord (sauf pour le V/V)), ce sont toujours des dominantes secondaires, même si leur utilisation est détournée par le compositeur !
Il nous fait bien slalomer entre différentes tonalités pour revenir dans celle de départ, mais sans moduler.
Un bon exemple de modulation est le pont de The Song Is You, dans lequel l’harmonie passe de Do à Mi majeur, pendant plus de 8 mesures.
J’espère que cela pourra vous éclairer !
Louis